Dossier

Transition écologique et emploi : un cercle vertueux ?

Dans un monde idéal, ce qui est bon pour la planète serait bon pour ses habitants, y compris sur le plan de l’emploi. Mais dans la vraie vie, l’équation est nettement plus compliquée, dépendant de plusieurs facteurs en tête desquels figure la coordination entre acteurs venus d’horizons très différents. C’est tout l’enjeu de la feuille de route dont se dote aujourd’hui l’ADEME.


Entre les discours sur les destructions d’emplois liées à la transition écologique et les déclarations hyper-optimistes qui font de l’écologie la solution miracle pour résorber le chômage, le sujet fait fréquemment l’objet d’instrumentalisation. « Évidemment la vérité est bien plus nuancée que ces visions en noir et blanc, explique Valérie Weber-­Haddad, économiste à la direction Prospective et recherche de l’ADEME. C’est ce que nous montrent les études sectorielles “marchés et emplois” que nous menons depuis 2008 sur les filières du transport terrestre, du bâtiment résidentiel et sur les énergies renouvelables et de récupération. On y observe de substantielles pertes d’emplois (estimés en ETP) dans certains secteurs, celui des véhicules particuliers thermiques par exemple, mais aussi de fortes hausses dans le ferroviaire, le biogaz ou dans la rénovation thermique des bâtiments. »

1 million d’emplois créés à l’horizon 2050

En complément, les évaluations macro-­économiques de la stratégie bas carbone en France réalisées par l’ADEME montrent, quant à elles, un solde positif de 540 000 emplois (en ETP) supplémentaires créés d’ici à 2030, qui pourrait atteindre 1 million d’emplois à l’horizon 2050. « Ces résultats à long terme donnent des ordres de grandeur de ce qui est possible si l’ensemble des actions “bas carbone” programmées sont effectivement mises en œuvre par les acteurs publics et privés », précise Valérie Weber-­Haddad. Outre l’évaluation de son impact sur l’emploi, la mise en œuvre de la transition écologique requiert de mieux anticiper les compétences qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux. « Le manque de ressources humaines en quantité et en qualité suffisantes empêche par exemple la massification de la rénovation énergétique des logements, alors que ce sujet est stratégique à la fois pour l’environnement et pour l’emploi », remarque Thomas Gaudin, économiste à la direction Prospective et recherche de l’ADEME. « Et la situation est également tendue dans des secteurs en forte croissance comme celui de la méthanisation, où les entreprises peinent à recruter pour certains métiers comme les techniciens de maintenance », indique, quant à elle, Valérie ­Weber-Haddad.

Priorité au décloisonnement

Dans ce contexte, l’ADEME s’est dotée en juillet 2021 d’une nouvelle feuille de route « emploi ». « Même si elle n’a pas vocation à agir directement sur le marché du travail, l’ADEME signe avec cette feuille de route sa volonté de coconstruire avec l’ensemble de ses parties prenantes les conditions favorables à une transition écologique créatrice d’emplois », remarque Thomas Gaudin. Pour ce faire, les équipes de l’Agence s’appuieront notamment sur le déploiement de deux outils phares que sont TETE (Transition écologique Territoires Emplois) et SDP (Support au dialogue prospectif), ainsi que sur de nouvelles actions, qui visent notamment à intégrer la dimension emploi/compétences dans les référentiels tels que le programme Territoire engagé transition écologique ou dans les plans de transition sectoriels de l’industrie.

Des webconférences pour anticiper et décloisonner

L’an dernier, l’ADEME a soutenu une série de webconférences tous publics sur ces questions aux côtés de ­l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte (Onemev), de France Stratégie et du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq). Ces rendez-vous ont révélé que les acteurs de l’écologie et de l’emploi étaient de plus en plus convaincus de la nécessité d’anticiper et de décloisonner les réflexions. Et ils passent à l’acte, comme en témoignent de nombreuses initiatives prometteuses, comme l’actualisation en continu du répertoire des métiers territoriaux sous la houlette du Centre national de la fonction publique territoriale ou la démarche de coconstruction expérimentée par France Stratégie et le Cereq avec les acteurs des filières du numérique et de la transformation et valorisation des déchets pour dégager une vision prospective des emplois et des compétences en lien avec la transition écologique. « L’équipe projet qui a organisé ces webconférences s’est depuis constituée en “taskforce” à laquelle participe désormais le ministère de l’Emploi. Ensemble, nous avons commencé à réfléchir à un programme national d’accompagnement des emplois de la transition énergétique », annonce ­Thomas Gaudin en conclusion. 

30 000 emplois

Le secteur de l’énergie créerait environ 30 000 emplois d’ici à 2050

196 000 emplois

Avec 196 000 emplois générés d’ici à 2050, la construction serait le secteur le plus pourvoyeur en emplois. Source : Stratégie nationale bas carbone –Rapport d’accompagnement – MTES, mars 2020.

Un coup de pouce pour les recrutements verts

Depuis l’automne 2020, les TPE, PME et ETI peuvent bénéficier d’une nouvelle aide à l’embauche ciblée sur les métiers de la transition écologique : le Volontariat territorial en entreprise vert. Porté par BPI France en partenariat avec l’ADEME, ce dispositif permet aux chefs d’entreprise de recruter des étudiants en alternance ou des jeunes diplômés pour leur confier des missions à responsabilités contribuant à l’amélioration de la performance environnementale (adaptation des process industriels, verdissement de la chaîne logistique, écoconception…). D’un montant de 8 000 euros par entreprise, l’aide versée contribue au financement de la rémunération et/ou des frais de scolarité.
Plus d’infos : bpifrance-creation.fr/entrepreneur/actualites/vte-vert