Des milliers de visiteurs ont afflué au Carré des Docks du Havre pour assister aux conférences et animations du Grand Défi Écologique de l’ADEME début avril. Débats passionnants, échanges riches et mise en lumière des acteurs de la transition écologique ont rythmé les quatre jours de programmation pour les professionnels et les citoyens. Mais l’événement en lui-même était-il écoresponsable ? Spoiler : la réponse est « oui ».
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Réinventer l’événementiel
Nous le savons, les grands événements sont énergivores et consommateurs de matières premières. Avec le Grand Défi Écologique, l’ADEME s’est posée à elle-même un autre défi bien spécifique : celui de créer un événement à l’impact environnemental limité, intégrant des pratiques plus responsables. Pour réussir ce pari, une feuille de route précise a été définie : objectif zéro déchet, sélection de fournisseurs responsables, décors made in France écoconçus, cuisine bas carbone et locale, sensibilisation des participants aux bonnes pratiques, optimisation des transports, accessibilité, inclusion des personnes éloignées de l’emploi… rien n’a été laissé au hasard. Cette exigence est la clé d’un événement éco-socio engagé réussi. A tout cela s’ajoute une évaluation du bilan carbone à l’issue de l’événement afin d’identifier les pistes d’amélioration lors de prochaines éditions.
L’ADEME médaillée d’argent par LEAD !
Cet engagement de l’ADEME et de ses partenaires, dont l’agence évènementielle écoresponsable Eko Events, a été consacré récemment par l’obtention du label LEAD (Label Événement à Ambition Durable). Label privé évaluant l’écoresponsabilité du secteur événementiel, via un tiers indépendant, qui a été créé avec SGS, leader de la certification. Il qualifie un événement durable sur la base d’un référentiel précis.
Le Grand Défi Écologique a reçu le label LEAD niveau Argent, une première pour un événement de cette ampleur ! La triple ambition zéro déchets, bas carbone et inclusion sociale de l’événement a permis à l’ADEME d’atteindre ce haut niveau d’exigence de cette labellisation. Concrètement, voici quelques actions mises en place :
- Une scénographie issue à 95 % du réemploi, incluant des éléments récupérés de la Fashion Week, la Coupe du Monde de Rugby et un décor de cinéma, mais aussi la réutilisation de 85 % d’éléments du Grand Défi Pro pour le Grand Défi Citoyen (scénographie mutualisée) afin de diminuer de moitié la production de décors. Ceux-ci ont été entièrement fabriqués à partir de matériaux existants collectés, dépollués et retravaillés; loués à des prestataires normands ou achetés en seconde main.
- Des menus à 90 % végétariens, préparés à partir de produits frais et locaux par des restaurateurs de la région du Havre, avec un travail sur la valorisation des biodéchets et la lutte contre le gaspillage alimentaire.
- L’optimisation de la logistique afin de limiter l’impact carbone.
- Une collaboration avec La Menuiserie Solidaire pour l’insertion des personnes éloignées de l’emploi.
- Un événement entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite, des animations adaptées, une salle de repos disponible pour les personnes atteinte d’un handicap cognitif et deux traductrices en langue des signes à disposition pendant un après-midi.
L’ADEME se doit d’être moteur en matière de communication responsable et nous avions à cœur de prouver qu’il était possible d’éco-socio-concevoir un événement de cette ampleur. Ainsi, notre démarche est cohérente avec les messages que nous portons.
L’événementiel responsable : un sujet qui n’est pas nouveau à l’ADEME
Historiquement, l’ADEME a toujours soutenu l’organisation d’événements écoresponsables. Elle soutient notamment des initiatives portées par des réseaux territoriaux qui accompagnent les acteurs culturels et événementiels vers plus de responsabilité sociale et environnementale, à travers la mise à disposition de guides, chartes, échanges de bonnes pratiques… L’Agence propose également depuis 2010, un outil pour les professionnels : ADERE (Auto Diagnostic Environnemental pour les Responsables d’Événements). La plateforme accompagne les organisateurs sur toutes les étapes d’un événement, de la conception à la réalisation, avec des pistes d’actions concrètes. Elle leur permet de réaliser un autodiagnostic des impacts environnementaux de leur événement, à travers deux parcours (découverte et expert). Une check-list des éléments clés et une fiche conseils complètent le dispositif accessible depuis un espace personnel où il est possible de comparer les événements entre eux pour s’améliorer.
Pour résumer, comment définir et organiser un événement écoresponsable ?
Il n’existe pas de « définition officielle ». Pour l’ADEME, il s’agit d’un événement qui est conçu, organisé et géré de manière à minimiser son impact sur l’environnement et à promouvoir des pratiques durables tout au long de sa réalisation. Parmi ses caractéristiques phares, on retrouve :
- Une gestion des déchets optimisée, avec l’emploi de matériaux recyclables, le tri et le recyclage des déchets générés pendant l’événement.
- Une consommation responsable avec des produits locaux, issus du commerce équitable et à faible empreinte carbone, ainsi qu’une consommation maîtrisée de l’eau et l’énergie.
- Une mobilité plus durable avec des solutions de transport limitant les émissions carbones.
- Une sensibilisation effective du public aux enjeux environnementaux liés à l’événement et à l’incitation à adopter des comportements responsables.
- Un aménagement avec des infrastructures respectueuses de l’environnement.
Rendre l’éphémère durable
La scénographie du Grand Défi Ecologique a vu le jour grâce à la collaboration de trois personnes : Damien Forget, fondateur de la Ressourcerie culturelle qui a apporté son expertise en économie circulaire et permis de collecter les matériaux, Camille Malherbe, scénographe qui l’a dessiné et Nicolas Poirier, chef d’atelier qui a orchestré la construction. Leurs équipes se sont mobilisées pendant 3 mois pour réaliser les décors en collaboration avec 9 constructeurs. Une partie des matériaux avait été récupérée de la précédente édition, tandis que le reste venait de partenaires comme Artstock et La Ressourcerie du Cinéma. Bonus : après l’événement, la scénographie a repris le chemin des ateliers pour être démontée, afin que les éléments soient réutilisés sur d’autres projets.
Avec 350 m2 de châssis, 1,5 km de tasseaux de bois et plus de 170 m2 de sol technique, c’était la première fois qu’on travaillait sur des volumes aussi importants. D’habitude, ce sont des petits projets alternatifs qui font appel à nous pour du réemploi. Là, c’était un événement national porté par une institution, nous avons changé d’échelle. Cela montre qu’avec le réemploi, on peut répondre à des exigences esthétiques et des gros volumes. Maintenant que l’événement est passé, les matériaux vont pouvoir commencer leur 3e vie.
Un décor vaut mieux que deux !
Pour Camille Malherbe, scénographe en charge du dessin et de la production, le Grand Défi Écologique a été l’occasion d’aller encore plus loin dans l’économie circulaire. Son défi : créer une place de village pour le Grand Défi Pro et une Maison de la Transition pour le Grand Défi Citoyen, soit deux directions artistiques différentes. Verdict : 85 % des éléments sont réutilisés. Côté scénographie, il a fallu faire des choix et prendre en compte cette réutilisation dans les éléments esthétiques. Côté client, il a fallu que l’ADEME accepte une identité visuelle commune pour les deux espaces. Tout le monde était en phase ! Camille a dessiné des esquisses qui pouvaient se transformer, travaillé un montage très spécifique en étroite collaboration avec Damien et Nicolas. Elle a choisi d’orienter la production vers des éléments pouvant être facilement réemployés dans le cinéma ensuite. Damien, lui, a identifié les décors du film Marie-Antoinette ou encore le plancher de la Fashion Week. Le résultat valait le détour. Les yeux les plus avertis auront peut-être remarqué les châssis irréguliers : c’était là le signe du réemploi et non du neuf.
La mutualisation nous a permis d’éviter de produire deux décors différents sur un espace de 1 500m2. Toutes les cloisons et les desks ont été réutilisés et la scénographie se transformait en une nuit ! Nous avons poussé au maximum le principe d’économie circulaire, en évitant la surproduction. Si on veut vraiment écoconcevoir un événement, la réduction est aussi importante que le réemploi.