Vaste question. Pour y répondre, l’ADEME a étudié sur 3 ans l’évolution de ce secteur qui représente 44 % de la consommation d’énergie en France. L’étude « Le secteur du bâtiment et de l’immobilier de crise en crise, 2020-2023 » propose un état des lieux (analyse des forces, faiblesses, menaces et opportunités) de la transition écologique du secteur. Tour d’horizon.
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Une étude à 360°
L’objectif initial de l’étude était de capter les évolutions suite à la crise sanitaire et d’analyser ce qui a changé dans la manière dont on occupe nos logements, bureaux et espaces de vie après les confinements. « D’autres crises sont venues se superposer comme la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. Nous avons donc élargi le cadrage » précise Cécile Gracy, Animatrice de secteur – Rénovation énergétique au Service Bâtiment de l’ADEME. « Nous avons réalisé deux vagues d’interviews auprès des professionnels du bâtiment dans les secteurs du résidentiel et du tertiaire, des collectivités, du service public de la rénovation dans les territoires, des prescripteurs de travaux comme les agents immobiliers, les banquiers… Cette étude programmée et exécutée par l’ADEME est alimentée par la vision d’une multiplicité d’acteurs ». C’est donc une analyse fouillée et exhaustive des tendances structurantes mais aussi des signaux faibles du secteur qui est proposée ici.
DPE, rénovation, bureaux… quelques exemples des tendances repérées
Premier constat, il n’y a pas eu de phénomène massif d’exode urbain suite au Covid-19. Les confinements avaient laissé planer l’éventualité de départs en masse des citadins vers la campagne. L’étude montre que si certains territoires peu denses ont connu des arrivées nombreuses sur une courte période, occasionnant une flambée des prix de l’immobilier (en Bretagne, au Pays basque, …), cela est resté finalement assez ponctuel. Autre enseignement structurant, le DPE est devenu un élément central dans les décisions d’achat des ménages et des acquéreurs. La crise sanitaire a vu se multiplier les travaux des particuliers. « Les politiques incitatives ont joué et le fait de rester chez soi a donné envie aux gens d’investir dans leur cadre de vie » précise Cécile Gracy. Au cours de la période 2021-2022, 43 % des logements ont fait l’objet de travaux, ce taux passant à 57 % pour les logements occupés par leur propriétaire.
Malgré la crise économique et la chute des capacités d’investissement des ménages, le segment rénovation énergétique s’est maintenu, poussé par la volonté des foyers de réduire la facture énergétique. Pour autant, la filière du bâtiment a encore devant elle un défi majeur de montée en compétences sur ce volet. Avec 200 000 emplois à créer pour tenir les objectifs européens de Fit for 55 (ensemble de propositions inscrites dans la loi européenne sur le climat, visant à réviser et à actualiser la législation de l’UE), la rénovation énergétique est une vraie opportunité de croissance ! En miroir de l’augmentation du temps passé dans le logement, l’étude a confirmé sur le tertiaire une tendance forte à la réduction des surfaces de bureaux. Plus de la moitié des organisations de plus de 2 000 salariés interrogées envisagent de réduire leurs espaces de bureau. Avec le développement du télétravail, les bureaux doivent redevenir attractifs, bien agencés et surtout bien situés. « Les bureaux éloignés des centres-villes sont un actif qui se dévalorise nettement aujourd’hui » indique Cécile Gracy.
Autoconsommation, bi-résidence… les tendances qui émergent ou à surveiller
Parmi les tendances qui émergent et à conforter, l’étude note « le développement spectaculaire de l’autoconsommation énergétique », avec 150 000 nouvelles installations photovoltaïques chez les particuliers dans les six mois qui ont suivi la fin du Covid-19 (contre 100 000 entre 2016 et 2020). Les réflexions sur la réversibilité des bâtiments – c’est-à-dire les différents usages d’un même espace, par exemple la transformation de bureaux en logements – en lien avec la modification des usages se sont également accélérées. À rebours de ces signaux favorables pour la transition écologique des bâtiments, d’autres sont à surveiller comme le phénomène de bi-résidence parfois rendu possible par le télétravail. Au moment du Covid-19, les ventes de résidence secondaires ont connu une hausse très nette, or une partie de ces biens sont anciens et très consommateurs en chauffage ; à cela s’ajoutent les consommations énergétiques liées aux déplacements entre deux lieux de vie, parfois sur de longues distances. C’est encore marginal mais l’étude préconise de surveiller cette tendance, qui pourrait devenir préoccupante si elle se développe.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Sur la base des enseignements de l’étude, l’ADEME a émis des recommandations à l’attention des décideurs publics et privés, afin d’appuyer la mise en œuvre de la transition écologique dans le secteur du bâtiment et de l’immobilier. L’étude a qualifié les opportunités dans ce domaine, tout en identifiant les menaces. « J’invite les professionnels à consulter cette étude, qui est un panorama extrêmement complet de toutes les tendances du secteur. » conclut Cécile Gracy.