Regards croisés : Jeux olympiques et transition écologique

Le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) de Paris 2024 a réalisé des efforts historiques pour livrer des Jeux plus responsables, comme l’expliquent ici Georgina Grenon et Joëlle Colosio, deux actrices clés du projet.


Georgina Grenon

Directrice de l’excellence environnementale des JOP 2024

Après plusieurs postes dans l’énergie et les technologies propres – avec l’Agence internationale de l’énergie, puis chez Engie -, elle intègre Paris 2024 en 2018, avec pour mission de définir les stratégies et de concrétiser l’engagement environnementale du projet.

Joëlle Colosio

Directrice adjointe des territoires à l’ADEME

https://infos.ademe.fr/wp-content/uploads/2024/07/hugocourboules-jcolosio4-scaled.jpegLors de la candidature parisienne, elle était directrice régionale de l’ADEME en Île-de-France. Sa connaissance de l’écosystème local et, plus généralement, des problématiques territoriales a facilité l’implication des collectivités et entreprises partenaires des Jeux.

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 n’ont pas encore commencé. En quoi pouvons-nous déjà affirmer qu’ils seront exemplaires ?
Georgina Grenon

La durabilité a toujours été au cœur du projet, orientant toutes nos décisions. Dès la phase de conception, le mot d’ordre a été : « Faire mieux, avec moins d’impacts environnementaux, tout en laissant un héritage utile aux territoires. » C’est passé par l’utilisation de 95 % d’infrastructures existantes ou temporaires, l’assurance que tous les sites étaient desservis par les transports en commun, le raccordement des stades au réseau électrique pour qu’ils ne fonctionnent plus sur des groupes électrogènes, et bien d’autres décisions qui changent de façon significative la manière d’organiser un grand événement. Et ces choix donnent déjà des résultats bien concrets !

Joëlle Colosio

À l’ADEME, nous avons accompagné des projets de territoires portés par des collectivités et entreprises partenaires des Jeux. Par exemple, nous avons soutenu le déploiement d’un réseau de chaleur et de froid alimenté par de la géothermie sur le quartier Pleyel, qui couvre notamment le périmètre du village des athlètes. Celui-ci sera converti en un quartier d’habitation à l’issue des Jeux. Cela permettra aux habitants de ce quartier de disposer d’un prix de l’énergie stable sur plusieurs années, et d’éviter 4 500 teqCO2 par an.

Vous avez aussi développé de nouvelles méthodes et outils de travail…
G. G.

Oui. Par exemple, pour comprendre et réduire l’impact des Jeux, mais aussi partager notre expérience, nous avons conçu avec l’ADEME l’outil « coach climat événement », qui permet à n’importe quel organisateur d’événement d’estimer en amont son empreinte carbone, de définir son objectif, de décider des actions à mettre en oeuvre, puis d’évaluer l’efficacité de ses actions. Nous avons aussi conçu des méthodes pour anticiper, réduire et suivre notre impact en termes d’économie circulaire et de préservation de la biodiversité.

J. C.

Ces outils constituent un héritage de valeur. Le COJOP s’est appuyé sur nos bases de données pour estimer l’empreinte carbone des Jeux, et il est allé encore plus loin en collectant de très nombreuses autres données (quantité d’émissions liées à un gobelet, etc.). Il va les partager avec nous pour que nous puissions produire des éléments méthodologiques visant à réduire l’impact de grands événements.

En temps normal, certains chantiers auraient mis dix ans à sortir de terre. Comment avez-vous fait pour que tout soit prêt en quatre ans ?
G. G.

Tout un écosystème s’est mobilisé. Les Jeux sont de vrais accélérateurs de projets.

J. C.

Nous avons aussi pu capitaliser sur des solutions déjà expérimentées. Par exemple, la récupération de la chaleur fatale issue d’un data center de la société Equinix à Saint-Denis pour alimenter le réseau de chaleur existant, qui dessert notamment le nouveau centre aquatique olympique. Cela évitera l’émission de 2 000 teqCO2 par an. Nous avons aussi soutenu Voies navigables de France pour l’électrification de 32 bateaux de la flotte fluviale, dont 22 participeront à la cérémonie d’ouverture des Jeux.

L’ambition était aussi d’accompagner des changements durables de comportement. Comment ?
G. G.

En montrant l’exemple. Certaines délégations, comme les Anglais, les Néerlandais, les Belges et les Suisses, viendront en train. L’inclusion dans les médailles de petits bouts de tour Eiffel, issus d’une rénovation antérieure, si elle paraît anecdotique, montre que ce qui aurait pu être considéré comme un déchet peut avoir une valeur inestimable. Il faut aussi signaler tout le travail de signalétique pour inciter au tri sélectif, la décision de proposer en moyenne 60 % de repas végétariens aux spectateurs, celle d’autoriser les gourdes dans les sites des Jeux afin de favoriser l’utilisation des fontaines à eau mises à disposition de tous…

J. C.

Nous soutenons le concours porté par Universal Love qui a mobilisé sur trois ans plus de mille étudiants de la filière mode dans la création de parures à partir de vêtements et objets issus de recycleries sportives et de dons. Les pièces d’art lauréates seront exposées à la patinoire de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) du 15 juillet au 15 août, aux côtés des créations de designers internationaux engagés pour une mode durable. Nous voulions ainsi promouvoir l’économie circulaire dans le secteur du textile sportif, fort consommateur de matières.

Est-il possible de faire encore mieux la prochaine fois ?
G. G.

Bien sûr ! Les records sont faits pour être battus. C’est pourquoi nous partageons volontiers notre expérience avec les comités d’organisation suivants, et même avec les organisateurs d’autres événements de ce type.