L’ADEME vient de publier sa première étude sur la présence de microplastiques dans les sols en France. Les résultats sont inquiétants : sur un nombre, toutefois limité, de 33 échantillons de sols analysés, les trois quart comportaient des microplastiques. Alors, que faut-il en conclure ? Quelles actions mettre en place pour freiner le phénomène ? On vous explique tout.
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Microplastiques : de quoi parle-t-on ?
Les microplastiques sont des minuscules particules de plastique de moins de 5 mm. On les retrouve dans les océans, et les rivières… et même, comme le révèle cette nouvelle étude ADEME, dans certains de nos sols. Ce sont des polluants émergents dans l’environnement. Pour la majorité des microplastiques dispersés au travers des terres émergées, il s’agit en réalité d’un macroplastique qui s’est usé et fragmenté avec le temps pour devenir un microplastique… puis un nanoplastique (de taille inférieure à 1 micromètre). Si leur présence dans l’eau fait l’objet d’études depuis une vingtaine d’années, c’est encore un sujet nouveau concernant les sols.
Que révèle l’étude de l’ADEME ?
L’étude a analysé 33 échantillons de sols provenant du Réseau de Mesure de la Qualité des Sols (RMQS, Inraé), représentatifs de divers environnements (grandes cultures, prairies, forêts, vignes et vergers). La méthode ? L’Institut de Recherche Dupuy de Lôme l’a mise au point et utilisée sur les échantillons de sols. « Les échantillons ont été séchés puis tamisés » explique Isabelle Deportes, ingénieure à l’ADEME. « Ils ont été nettoyés avec de l’eau oxygénée avant de les passer sous des ondes infrarouges. En fonction de la nature de la réflexion, on obtient un spectre que l’on compare à la base de données. Ce sont ces rayons lumineux qui servent à caractériser les microplastiques retrouvés dans l’échantillon » ajoute-t-elle. Les résultats : 76 % des sols analysés présentaient une contamination par des microplastiques, dont 70 % mesurent moins de 2 mm. En moyenne, 1 kg de sol sec analysé contenait 15 particules de microplastiques, la majorité étant du polyéthylène (PE), la matière plastique la plus commune.
Un enjeu de pollution global
« Pour qu’un plastique corresponde à la rigidité, souplesse, coloration ou encore survie dans l’environnement qui est attendu de lui, les industriels y ajoutent des additifs » explique Isabelle Deportes. Ainsi, de nombreux additifs sont ajoutés au polymère pour qu’il obtienne les caractéristiques correspondant à l’usage qu’on veut lui attribuer. Par « additifs », on entend le phtalate (plastifiant), les retardateurs de flammes (utilisés dans certains équipements électroniques par exemple), les anti-UV, etc. Certains sont aujourd’hui réglementés, comme le bisphénol A qui est désormais interdit dans les plastiques alimentaires. « Plus que le polymère lui-même, ce sont les additifs qui y sont ajoutés qui représentent le véritable enjeu » estime Isabelle Deportes.
Les pistes d’actions de l’ADEME
Pour réduire la contamination des sols par les microplastiques, l’ADEME a formulé plusieurs recommandations.
- La première consiste à couper le robinet à la source, c’est-à-dire diminuer la consommation générale de plastique. Comment ? En réduisant l’utilisation de plastiques à usage unique et en promouvant des emballages recyclables ou des sacs en plastiques compostables industriellement pour la collecte des biodéchets. Rappelons que les sacs compostables ne disposent pas encore de filière de collecte : ils doivent donc être compostés par les utilisateurs. Pour rappel, la France s’est engagée à diminuer de 20 % les déchets d’emballages à usage unique en plastique d’ici fin 2025 et à réduire de 50 % le nombre de bouteilles en plastique mises sur le marché d’ici 2030. En tout, par rapport à 2010, il faudra diminuer de 15 % les emballages tous matériaux confondus, d’ici 2030. Certaines entreprises ont déjà commencé le travail : ainsi, une grande enseigne française de commerce en ligne livre désormais son linge de maison entouré d’une cordelette et d’une enveloppe en carton pour remplacer l’emballage plastique. L’entreprise a également repensé le pliage de ses chemises et polos pour réduire de 40 % la taille des emballages. L’objectif ? Supprimer 90 % de ses emballages en plastique d’ici 2030, pour tous ses produits.
- L’ADEME recommande également d’améliorer la collecte et le tri des déchets plastiques recyclables. Enfin, « il faut encourager les changements de comportements des consommateurs » ajoute Isabelle Deportes. « On peut acheter en vrac des produits dans des contenants réutilisables comme des sacs en tissus. Il est possible de remplir sa bouteille de lessive liquide dans une éco recharge. La loi oblige aussi les grandes surfaces, dans certaines conditions, à proposer des rayons de vente en vrac » conclut-elle.
- Enfin, il est nécessaire d’améliorer la connaissance sur la présence de ces microplastiques dans les sols en augmentant et en diversifiant l’échantillonnage, et d’innover en matière de gestion et de traitement des déchets qui ont vocation à retourner au sol et qui peuvent contenir des microplastiques.