Armateur fluvial, Sogestran vient de convertir l’un de ses bateaux à l’hydrogène. Celui-ci va être expérimenté pendant un an et demi sur la Seine. Objectif : libérer le centre de Paris d’une partie des camionnettes qui le traversent, en réorientant des flux de marchandises vers un mode de transport qui n’émet pas de polluants.
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Un transport fluvial décarboné
Aujourd’hui, la grande majorité des marchandises échangées en France le sont par la route. Les bateaux fluviaux ne représentent que 2 % des tonnes-kilomètres transportées. Pourtant, ils ont de nombreux avantages, notamment celui de pouvoir rejoindre des centres-villes de plus en plus réservés aux mobilités douces. Par ailleurs, à quantité égale de colis, ils consomment trois à quatre fois moins d’énergie. Ils pourraient même faire mieux, en se décarbonant. C’est ce que vise Sogestran avec son bateau Zulu 06. Propulsé à l’hydrogène vert, celui-ci ne rejette aucun polluant ni gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Et son moteur électrique, silencieux, aide à lutter contre les nuisances sonores liées à la circulation de camions.
Une innovation basée sur le rétrofit
Pour l’obtenir, l’armateur a misé sur le rétrofit, c’est-à-dire qu’il est parti d’un engin existant : le Zulu. « C’est un bateau de distribution urbaine, long de 55 mètres et capable de transporter jusqu’à 400 tonnes de marchandises, soit autant que 50 camionnettes, explique Mathieu Longueville, chef du projet chez Sogestran. Nous l’avons équipé de deux piles à combustible de 200 kWh chacune. Et, au lieu d’installer un réservoir, qui aurait nécessité une station de ravitaillement à quai, nous chargeons à bord un conteneur amovible de 20 pieds, rempli de 300 kg d’hydrogène comprimé. Il suffit de le décharger et d’en prendre un autre, avec la grue embarquée, pour « faire le plein ». Une fois vide, soit après une semaine environ, il est déposé à quai, puis emmené par camion jusqu’à un hub hydrogène où il sera de nouveau rempli. »
Même avec le rétrofit, le coût de l’aménagement reste élevé car les piles à combustibles ne sont pas encore fabriquées en séries. La conversion de ce bateau n’aurait donc pas été possible sans le plan d’aides à la modernisation et à l’innovation des flottes fluviales (PAMI), instruit par Voies navigables de France (VNF) avec des fonds de l’ADEME. Lancé en 2013, puis reconduit en 2018, celui-ci visait à faire émerger des solutions innovantes de réduction des impacts environnementaux du secteur.
À la recherche de clients engagés
Le Zulu 06 a été baptisé en décembre 2024. Mais quelques formalités restent à régler avant sa réelle mise en circulation. « C’est le premier bateau fluvial propulsé à hydrogène en France, il n’y avait donc pas de réglementation adaptée pour encadrer son utilisation. Il a été possible d’obtenir une dérogation, le temps de l’expérimentation, mais quelques agréments doivent encore être réunis », explique Philippe Cauneau, ingénieur Transports à l’ADEME. Ce sera bientôt le cas. L’expérimentation est prévue pour 18 mois, entre les ports de Gennevilliers (au nord-ouest de Paris) et de Bonneuil-sur-Marne (au sud-est).
Mais elle bute sur un autre frein : le prix de l’hydrogène vert, au moins deux à trois plus cher que le fuel. « Nous proposons une solution particulièrement vertueuse. Mais les clients doivent accepter le surcoût. On ne sait pas si ça va marcher, reconnaît Mathieu Longueville. Le fait d’avoir axé notre design sur le rétrofit nous apporte au moins une sécurité. On sait que, si la clientèle ne suit pas, on n’aura pas construit un nouveau bateau pour rien. On pourra toujours rebasculer sur le moteur thermique, puisqu’on l’a conservé. » Si, au contraire, l’expérience est un succès, l’innovation est reproductible : l’armateur a d’autres Zulu en circulation, qu’il peut moderniser à leur tour.
Besoin de moderniser votre flotte ?
VNF vient de reconduire son plan d’aide à la modernisation et à l’innovation des flottes fluviales (PAMI), pour la période 2023-2027, toujours avec le soutien de l’ADEME. L’objectif est à la fois de réduire les impacts environnementaux des bateaux fluviaux et d’adapter leurs activités aux changements climatiques. Ce plan prévoit également l’amélioration de l’intermodalité avec d’autres types de transports (ferroviaire, etc.).
En savoir plus sur le plan d’aide à la modernisation et à l’innovation des flottes fluviales (PAMI).