Comment vérifier qu’un nouveau projet n’a pas des conséquences trop lourdes pour la planète ? Qu’il ne cache pas, derrière de belles promesses, des impacts environnementaux non repérés ? C’est à cette question que l’ADEME offre une réponse avec Empreinte Projet, une méthode pensée pour aider entreprises, collectivités ou start-ups à évaluer concrètement les effets environnementaux de leurs actions et projets.
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Empreinte Projet, c’est quoi ?
C’est une méthode d’évaluation environnementale conçue par l’ADEME pour les porteurs de projets publics ou privés. Elle s’applique à tout type d’action : projets industriels, innovations technologiques, politiques d’achat, formations, campagnes de sensibilisation, logiciels, etc. Sa promesse ? Permettre une évaluation environnementale encadrée, progressive et multicritère d’un projet. Il s’agit d’évaluer ce dernier par rapport à un scénario dit « de référence », c’est-à-dire ce qu’il se passerait si le projet ne se concrétise pas. Cette évaluation répond aux questions suivantes : est-ce que mon projet apporte un vrai bénéfice environnemental ? Au prix de quels éventuels transferts d’impact ? « L’objectif d’Empreinte Projet, c’est d’apporter un éclairage environnemental. La méthode ne dit pas faites-le ou ne le faites pas. Elle dit : voilà les conséquences environnementales de votre projet. À vous d’en tenir compte dans la décision globale » résume Adrien Bily, ingénieur en évaluation environnementale à l’ADEME.
Une méthode conçue pour mieux décider
Empreinte Projet affiche une volonté claire, celle de démocratiser l’évaluation environnementale sans la simplifier à outrance. « Empreinte Projet n’est pas un outil de mesure, mais un outil d’aide à la décision » souligne Adrien Bily. « Cette méthodologie vise à renforcer la robustesse, la crédibilité et la résilience des projets, en les rendant plus compétitifs face aux exigences environnementales ».
Nous avons utilisé la méthodologie Empreinte Projet pour évaluer l’impact environnemental d’une nouvelle carte de circuit imprimé (Printed Circuit Board), comparé à la technologie FR4 classique. Les niveaux 1 et 2 d’Empreinte Projet ont été simples à mettre en œuvre grâce à des consignes claires et des données déjà disponibles. Nous sommes allés jusqu’au niveau 5, avec une ACV complète du produit. Cela nous a permis de comparer objectivement notre innovation à une base de référence et d’identifier des pistes d’amélioration. Parmi les actions correctives, nous avons remplacé les encres à base d’argent par des encres en cuivre ou en graphène, et nous travaillons à réduire la consommation énergétique du procédé d’impression en vue de son industrialisation. La méthode Empreinte Projet est efficace. Il ne manque plus qu’à la décliner en anglais pour les projets internationaux !
Trois principes et cinq niveaux pour structurer l’analyse
La méthode Empreinte Projet repose sur trois principes fondamentaux : une approche différentielle (comparaison avec un scénario de référence), une lecture multicritère (prise en compte de multiples indicateurs environnementaux) et une montée en progressivité selon cinq niveaux d’analyse, du plus simple au plus complexe. « L’idée est de ne pas bloquer les utilisateurs sur des outils complexes dès le départ. Le niveau 1 est accessible à tous, gratuitement et sans inscription » souligne Adrien Bily.
Les cinq niveaux d’Empreinte Projet : des étapes qui s’enchaînent
- Niveau 1 – Analyse qualitative : identification et comparaison des conséquences environnementales du projet par rapport à la situation de référence.
- Niveau 2 – Calcul des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour chaque conséquence identifiée.
- Niveau 3 – Analyse multi-indicateurs : 16 indicateurs environnementaux (particules fines, consommation d’eau, eutrophisation, etc.) issus des travaux de l’Union européenne (EF).
- Niveau 4 – Approfondissement du niveau 3 avec analyse de la fiabilité des données.
- Niveau 5 – Revue critique par des experts indépendants.
A Marseille, Empreinte Projet aide à identifier l’impact du projet Vasco2
Le consortium du Port de Marseille engagé dans le projet Vasco2 s’est appuyé sur le niveau 1 pour déceler les conséquences environnementales de sa solution innovante de captage et valorisation du CO₂ industriel par culture de microalgues. Cette approche a permis de comparer le projet à un scénario de référence sans captage, en intégrant une analyse multicritère qualitative des impacts (climat, santé, ressources fossiles, etc.). Résultat : une meilleure compréhension des bénéfices environnementaux potentiels – notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution du recours au pétrole conventionnel – mais aussi des leviers d’action concrets pour améliorer le procédé (gestion de l’eau, valorisation des déchets, optimisation énergétique). L’évaluation peut servir de base pour orienter les choix techniques, faire une évaluation plus poussée et ainsi renforcer la légitimité environnementale du projet auprès des partenaires industriels.
Qu’est-ce qui le distingue du Bilan carbone ou de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) ?
Si les analyses de cycle de vie ou les bilans carbone sont déjà bien connus, Empreinte Projet se distingue par sa progressivité et sa gratuité jusqu’au niveau 2. Elle donne une première lecture environnementale structurée, sans obliger à investir dans des logiciels ou des expertises lourdes. À partir du niveau 3, il faut se doter des outils d’ACV existants. Empreinte projet structure la réflexion avec des représentations visuelles (arbres de conséquences) et une logique de comparaison (avec/sans projet) qui permettent d’aiguiller les priorités. « Cette méthodologie propose une approche élargie. Elle évalue un projet sur plusieurs critères environnementaux et sur l’ensemble de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières jusqu’au traitement en fin de vie » souligne Adrien Bily. La démarche dans son ensemble permet de mettre à jour les « angles morts » environnementaux (un matériau énergivore, une technique de fabrication émettrice) et les effets rebonds (positifs comme négatifs).
Une prise en main facilitée
L’ADEME a mis en ligne un outil numérique gratuit qui permet de réaliser les deux premiers niveaux directement via un navigateur web. L’outil est accompagné d’un guide pas-à-pas, de cas d’étude concrets, d’un tutoriel en ligne et il est connecté à une base de données dédiée aux impacts environnementaux. « Il faut aussi noter que rien n’est stocké sur les serveurs. Toutes les données restent dans le cache du navigateur de l’utilisateur, un choix fait pour garantir la confidentialité des projets analysés » précise Adrien Bily.
Nous développons un voilier volant éco-conçu, soutenu par l’ADEME dans le cadre de l’appel à projets PERFECTO. Je pilote le projet dans sa globalité, avec un focus particulier sur la démarche d’éco-conception. Nous avons intégré la méthode Empreinte Projet dès le début, car c’est un jalon clé de l’éco-conception. Nous avons réalisé le niveau 1 sans difficulté : la méthodologie est claire et le cadre, intuitif. L’analyse a été conduite en 2022 et nous a permis de confirmer certaines intuitions, notamment sur la gestion des déchets et le sourcing de matériaux plus sobres. L’intérêt principal de cette approche, en complément des ACV, est de montrer les impacts du produit à travers plusieurs prismes – environnemental, sociétal, économique. Elle pousse à une réflexion plus large en mobilisant tous les acteurs du projet, du fournisseur jusqu’au consommateur. Sans cette vision élargie, les ajustements restent limités. C’est une méthode qui donne envie d’aller plus loin.
Dans le Grand Est, Empreinte Projet a renforcé une dynamique d’économie circulaire
C’est en allant jusqu’au niveau 3 de la méthode Empreinte Projet que le Pôle Territorial de Coopération Économique (PTCE) Florange Écologie Industrielle et Insertion (FE2i) a pu évaluer l’impact environnemental de sa filière de recyclage des fenêtres en fin de vie dans le Grand Est. L’analyse a permis d’avoir un premier ordre de grandeur des bénéfices concrets du projet porté par l’entreprise d’insertion VALO’ : réduction des émissions de CO₂, valorisation du PVC, du bois et du verre et évitement de l’enfouissement. Grâce à cette approche multicritère, les porteurs du projet ont pu objectiver les impacts positifs sur des enjeux comme le changement climatique, l’acidification ou la consommation de ressources. Le niveau 3 a permis une quantification simplifiée et d’identifier les 5 principales catégories d’impact. Une analyse qui s’avère utile pour éclairer les décisions futures.