Comment une île de 22 000 habitants parvient-elle à gérer l’afflux de 300 000 visiteurs par jour en été, sans être submergée par les déchets ?
En Charente-Maritime, la Communauté de Communes de l’Île d’Oléron (CCIO) a réussi ce pari audacieux : faire de la contrainte touristique une opportunité de transformation. En 2023, elle a généralisé la Tarification Incitative (REOMi), un levier devenu essentiel pour mieux maîtriser les déchets sur ce territoire insulaire soumis à une pression estivale hors norme.
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Une stratégie globale qui dépasse la seule tarification
Chaque été, la population de l’île est multipliée par plus de dix. Résultat : une production de déchets qui explose, des circuits de collecte mis à rude épreuve et des coûts de traitement en hausse constante. Face à ce défi, la CCIO a opté pour une réponse structurelle : associer équité, responsabilisation et innovation. Lancée dès 2019, la transformation du service s’est appuyée sur une refonte complète : généralisation de la collecte en porte-à-porte, tri à la source des biodéchets, accès contrôlé aux déchèteries et mise en place de points d’apport volontaire pour les résidents secondaires et les vacanciers. Avec pour ces derniers, une innovation inédite : le paiement aux bornes de point d’apport volontaire par carte bancaire ou mobile. En parallèle, des campagnes de sensibilisation aux déchets sont régulièrement menées, avec la participation de Tritou, la mascotte emblématique de la CCIO. Cette dynamique s’inscrit dans le prolongement du schéma territorial Oléron 2035, qui vise entre autres un tourisme plus durable.
À la clé : moins de déchets, plus d’apport volontaire, un coût égal
Quatre ans de concertation, d’études et d’investissements ont été nécessaires pour faire aboutir ce projet ambitieux. Chaque ménage a été rencontré par les services de la collectivité (renforcés pour l’occasion), afin d’expliquer la démarche et distribuer les équipements, un travail colossal. L’ADEME a accompagné cette montée en puissance, dès l’étude initiale de 2017, pour un montant total de 647 000 euros. Les résultats sont là : entre 2019 et 2023, la quantité totale de déchets a baissé de 15 %, les ordures ménagères résiduelles ont chuté de 36 %, et la collecte sélective a bondi de 50 %. Le tout avec un coût du service resté stable, alors que la tendance nationale est à une hausse de 20 %.
Un modèle duplicable à l’échelle nationale ?
Aujourd’hui, près d’un million d’habitants en Nouvelle-Aquitaine sont déjà concernés par une tarification incitative. Un million supplémentaire devraient l’être d’ici 2030. Sur l’île d’Oléron, la collectivité a su développer un projet fédérateur : habitants, professionnels et touristes ont tous été partie prenante du changement. Ils ont tous été concernés dans leur pratique quotidienne, leur comportement et… leur facture. « Les Oléronais peuvent être fiers de cette réussite, où chacun est devenu acteur du changement », souligne Marie-Josée Villautreix, vice-présidente de la CCIO en charge des déchets. En conjuguant solutions techniques, pédagogie et incitation tarifaire, l’île d’Oléron démontre qu’une gestion des déchets plus juste et plus efficace est possible, même sur un territoire sous haute tension estivale.