Aujourd’hui les plus exposés à l’urgence climatique, les outre-mer présentent des écosystèmes très sensibles aux évolutions du climat et aux pressions démographiques. Ils se caractérisent par une grande hétérogénéité de situations en matière d’aménagement et d’infrastructures, et par des fragilités structurelles qui contrarient leur dynamique de développement durable.
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Isolés, souvent insulaires, ils se placent de fait aux avant-postes de la transition énergétique, par des objectifs ambitieux d’autonomie énergétique dès 2030. Les territoires d’outre-mer sont des lieux d’innovation, par rapport aux autres territoires de l’Hexagone et de l’Europe, dans plusieurs champs de politiques publiques. Ils peuvent ainsi s’avérer riches d’enseignements pour d’autres territoires.
Des questionnements génériques à l’identification d’axes de recherche spécifiques
Historiquement, les territoires ultramarins ont toujours été mentionnés dans les appels à projets de recherche (APR) de l’ADEME de façon générique, en rappelant la diversité géographique du territoire national, justifiant de réponses spécifiques à des questionnements génériques. En 2016, la publication de la Réglementation thermique, acoustique et aération (RTAA), adaptation de la réglementation thermique des bâtiments aux territoires d’outre-mer, va justifier que leur soient consacrés des axes de recherche spécifiques autour des questions d’adaptation climatique, de conception bioclimatique et d’indépendance énergétique. Cette réglementation dédiée se centre sur trois enjeux majeurs : l’isolation pour un confort thermique en climat chaud, la production d’eau chaude et l’aération des bâtiments. Les orientations prises dans la réglementation thermique métropolitaine visent en effet quant à elles davantage le confort thermique d’hiver et les solutions énergétiques ancrées sur un réseau électrique centralisé.
Ces questionnements prendront place dans la troisième édition de l’APR « Vers des bâtiments responsables ». Ils ouvriront les problématiques liées au confort d’été vers des solutions low cost et low-tech. En effet, les différences de disponibilité des matériaux de construction/rénovation à un coût abordable, les façons d’habiter propres à chaque territoire ou les spécificités climatiques et énergétiques sont autant d’exemples illustrant le besoin de connaissances propres à ces situations géographiques et sociales. L’APR mettait en avant le confort thermique en climat tropical et l’autoconsommation avec stockage. Les recherches attendues devaient en particulier cibler la conception de solutions architecturales et techniques passives adaptées au marché de la rénovation favorisant également la modularité des bâtiments, la recherche de matériaux pour l’isolation des toitures à partir de matériaux biosourcés et/ou issus du recyclage, le développement d’équipements de rafraîchissement à très haute performance énergétique et environnementale, la mise au point de chauffe-eaux solaires simplifiés et bon marché réalisés à partir de matériel recyclé, ou encore l’étude du comportement des occupants dans le but d’améliorer le confort thermique. Ces enseignements nourrissent les travaux sur le confort estival en France continentale, problématique priorisée par le réchauffement climatique.
Les résultats des recherches ont été diffusés aux professionnels via les programmes CEE OMBREE 1 puis 2 (programme inter outre-mer pour des bâtiments résilients et économes en énergie). Ce programme partenarial d’accompagnement à destination des professionnels ultramarins de la construction permet d’alimenter un centre de ressources multiterritoires visant la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte.
Un enjeu majeur : les sargasses
Depuis 2011, les algues sargasses prolifèrent dans les Caraïbes et s’échouent sur les littoraux de la Guadeloupe et de la Martinique, dégageant des gaz toxiques en condition anaérobie (réactions chimiques se produisant en l’absence d’oxygène) présentant des risques pour la santé, en plus d’une odeur pestilentielle. Leur collecte et leur stockage sont donc des actes nécessaires, mais coûteux.
L’ADEME est associée à l’appel à projets Sargassum III de l’Agence nationale de la recherche (ANR), programme visant à étudier les impacts des sargasses et leur valorisation.
Les travaux financés par l’ADEME portent sur le développement de matériaux innovants (bioplastiques, isolants), leur utilisation en agriculture (biostimulants, biocides) et/ou l’exploration des possibilités d’une valorisation énergétique (méthanisation, combustion). Une autre valorisation a également été explorée à travers le projet Terre d’Algues, proposant la transformation des sargasses en matériau isolant.
Le programme Interreg Caraïbes 2021-2027
Le Fonds européen de développement régional (FEDER) est l’un des principaux instruments de la politique régionale européenne. Il finance des projets stratégiques qui renforcent les économies locales. Les programmes Interreg, une branche des fonds FEDER, sont des projets de coopération des régions ultrapériphériques avec les pays et territoires voisins de leur environnement qui intègrent des projets d’innovation et de recherche. Le programme Interreg Caraïbes 2021-2027 prend la suite des projets Géothermie Caraïbes 1 et 2. Ambitieux, celui-ci vise à mettre en place un centre d’excellence géothermique abritant des formations et des activités de recherche pour accélérer le développement de la géothermie. La Guadeloupe est le seul territoire ultramarin hébergeant déjà une installation géothermique, qui contribue à 6,4 % de la demande électrique. De nombreux travaux ont également démontré l’existence d’un potentiel important en Martinique, à La Réunion et à Mayotte. Des forages exploratoires y sont prévus dans les années à venir.