Résultats significatifs

Décarbonation : les solutions à l’œuvre

Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, des solutions de rupture sont attendues. Pour diminuer les émissions de CO2, différentes options peuvent être mises en œuvre. La recherche permet de développer de nouveaux procédés, d’intégrer de nouveaux vecteurs énergétiques (électricité, hydrogène, EnR) ou de récupérer le CO2 émis.


L’industrie lourde est confrontée à un verrou technologique. Les solutions aujourd’hui matures connues en matière de décarbonation demeurent nécessaires mais insuffisantes pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Il est estimé par exemple que les meilleures techniques disponibles permettront à l’industrie cimentière de n’atteindre que la moitié de l’objectif de réductions des émissions de CO2 à l’horizon 20501. C’est pourquoi, à travers l’APRED, l’ADEME a financé 22 projets pour un montant d’aides de 4,96 M€. La moitié de ces projets ont porté sur des procédés d’efficacité énergétique, l’autre moitié sur les procédés bas carbone, la décarbonation de la chaleur et des procédés, et sur le captage stockage du CO2.

Les procédés bas carbone

L’APRED a permis de soutenir sept projets : SOLARWOOD, CI2D, SMART’AIR, INCINERATIONDE, FACInEN, SERENADE, SEMISOL. Plusieurs de ces projets concernent des secteurs particulièrement énergivores : le séchage ou la distillation. Ainsi, SOLARWOOD visant le séchage du bois d’œuvre a démontré la faisabilité technique et économique du couplage d’une énergie solaire hybride à air (dite thermovoltaïque) à un séchoir de bois d’œuvre. La baisse des émissions de CO2 avec cette solution peut atteindre 25 %. La rentabilité ne peut être atteinte qu’avec des économies d’échelle et un soutien public (un prix incitatif de la tonne de CO2 par exemple). Le projet FACInEn, issu de l’édition 2018/2019 et encore en cours, s’adresse à la distillation, l’une des plus importantes méthodes de séparation thermique dans l’industrie des procédés chimiques mais dont les besoins énergétiques sont importants (environ 3 % de la demande énergétique mondiale). Ce projet prend la suite du projet InTherCoMM, initié dans le cadre du huitième AMI ADEME TOTAL et financé par TOTAL, qui a démontré la faisabilité d’une solution technologique innovante. L’objectif du projet FACInEn, coordonné par le laboratoire de génie chimique de l’ENSIACET, est de mettre en œuvre un démonstrateur pré industriel de colonne HIDiC (Heat-Integrated Distillation Column) permettant de réduire de 40 % la consommation énergétique des colonnes à distiller.
INCINERATIONDE, issu de l’édition 2017, est un projet innovant d’électrification des procédés permettant en outre de réduire les impacts sanitaires et environnementaux des Composés Organiques Volatils (COV) dans l’industrie. De nombreux secteurs sont en effet contraints d’utiliser un traitement d’oxydation thermique des COV, pour abattre leurs émissions polluantes dans l’air au niveau qu’il leur est réglementairement imposé. Or ces équipements sont fréquemment alimentés en gaz naturel. Ils contribuent aux émissions de CO2, et sont également coûteux et encombrants. Ce projet a permis de mettre au point un prototype dont l’efficacité est supérieure à 99 % pour l’incinération de COV de trois familles différentes et a montré que cette technologie semble très bien adaptée au traitement de faibles débits d’air et présentant des concentrations élevées en COV. À ce stade, les marchés visés sont donc la pharmacie et l’imprimerie car ce sont des industries qui font face à de telles contraintes.

Vers une approche systémique de la décarbonation de l’industrie

Les projets traitant de la décarbonation doivent être abordés également de manière systémique, à une échelle plus grande que le procédé ou qu’un site industriel seul.
Le projet EPIFLEX vise ainsi à développer une méthodologie innovante de conception économiquement optimisée d’éco-parcs industriels en prenant en compte la dynamique de chaque procédé industriel étudié ainsi que les opportunités de production et de valorisation de ressources (énergie et matières) renouvelables et récupérables à l’échelle du territoire. La méthodologie développée vise à optimiser des zones industrielles existantes mais aussi la construction d’éco-parcs neufs ou encore l’implantation d’un nouveau site industriel dans une zone industrielle ou dans un éco-parc déjà existant.
Une fois la méthodologie développée et implémentée dans un outil d’aide à la décision (TRL 4-6), elle sera testée et utilisée sur des cas d’études (Grand Port Maritime de Dunkerque, Fos-sur-Mer, etc.). En parallèle de ces développements, une méthodologie d’évaluation de l’efficacité environnementale de la zone industrielle, basée sur l’analyse de cycle de vie, sera proposée afin de caractériser les principaux impacts environnementaux de la zone et de favoriser l’implémentation de synergies entre industriels selon différents critères (émissions de gaz à effet de serre, consommations énergétiques, consommations d’eau, etc.).

La récupération du CO2

Lorsqu’il n’est plus possible d’améliorer l’efficacité énergétique des procédés, ou que la décarbonation n’est pas possible, le captage et le stockage géologique du CO2 peuvent constituer une solution si elle est validée au plan technique, économique et social. Cette filière présente notamment un intérêt pour les secteurs industriels fortement émetteurs (sidérurgies, cimenteries, raffineries…) pour lesquels il existe aujourd’hui peu d’alternatives techniques pour réduire leurs émissions.
Onze projets liés au CSC ont été soutenus depuis 2005, pour un montant d’aide de 3,7 M€. Le CO2 peut être valorisé de différentes façons. L’utilisation du CO2  comme matière première et « réactif » en chimie, est réalisable par différentes techniques : minéralisation, synthèse organique, hydrogénation, reformage sec, électrolyse, thermochimie, etc. Les produits obtenus trouvent des applications comme vecteurs énergétiques, composés chimiques ou encore matériaux de construction. La valorisation biologique qui consiste à utiliser le CO2  comme nutriment auprès d’organismes qui réalisent la photosynthèse (comme des algues), présente plusieurs intérêts dont celui de pouvoir utiliser directement du CO2 contenu dans les fumées d’incinérateurs. Nous vous invitons en complément sur ce thème, à lire l’article sur la thèse de Clara Tosi, Valorisation des solutions de captage du CO2  pour la décontamination des sols, publié dans la version digitale de cette lettre, qui étudie la manière d’extraire des métaux notamment toxiques des sols contaminés par des solutions organiques issues du captage du CO2  et de les valoriser en augmentant la part de matériau de substitution rentrant dans la composition du ciment.
De nombreuses améliorations ont été obtenues grâce à la R&D, mais pour parvenir à la décarbonation, des ruptures technologiques sont nécessaires. L’ADEME a donc engagé un travail collaboratif avec l’Alliance de recherche ANCRE pour identifier de nouvelles voies de recherche. Un premier webinaire s’est tenu le 9 mars 2021 sur les « Innovations de rupture pour la décarbonation de l’industrie chimique » pour rapprocher les laboratoires de recherche académiques de la demande industrielle et orienter de futurs appels à projets. D’autres industries technologies et industries seront ciblées dans le courant de l’année 2021.

Les leviers de la décarbonation industrielle

Afin d’atteindre des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, les industriels peuvent choisir d’activer plusieurs leviers pour décarboner leurs activités :

  • L’amélioration de l’efficacité énergétique ;
  • L‘efficacité énergétique et matière des procédés ;
  • L’utilisation de matières premières alternatives ayant une empreinte carbone plus faible ;
  • L’utilisation d’un mix énergétique décarboné ;
  • Le captage, stockage du CO2 et sa valorisation.