Trois enseignements majeurs ressortent des différents baromètres financés par l’ADEME « Les représentations sociales de l’effet de serre et du changement climatique » (complété cette année par un Focus sur les parlementaires) et « Les Français et l’environnement ». Tour d’horizon.
Partager
L’environnement était passé en 2019 pour la première fois en première place des préoccupations des Français, à égalité avec l’emploi. Cette forte hausse de la préoccupation environnementale (+ 8 points l’an dernier) s’est maintenue.
Des préoccupations environnementales qui restent fortes malgré la crise sanitaire
Certes, on observe un accroissement sensible du sujet de l’emploi (+ 10 points par rapport à l’année dernière), mais le choix de l’environnement reste presque égal à ce qu’il était l’année dernière, et se maintient comme la deuxième préoccupation des Français.
Les seniors sont plus préoccupés par l’emploi que les jeunes, pour qui l’environnement reste la préoccupation principale, et qui sont plus nombreux à trouver qu’on ne parle pas assez du changement climatique (64 %, contre 30 % de leurs aînés). Quand on regarde plus précisément les problèmes environnementaux qui inquiètent le plus les Français, c’est l’effet de serre / le réchauffement climatique qui arrive en tête devant la dégradation de la faune et la flore ou la pollution de l’air. Et si les aspects les plus inquiétants du changement climatique restent l’augmentation des catastrophes naturelles (69 %), dans le contexte de crise sanitaire, le développement de nouvelles maladies est passé de la cinquième position dans le classement à la deuxième cette année (32 %, + 12 points).
Une très large majorité de Français attribuent la cause du réchauffement aux activités humaines (79 %, niveau le plus haut atteint, + 6 points par rapport à l’année dernière). Alors qu’on observe une diminution de 5 points des personnes qui pensent qu’il s’agit uniquement d’un phénomène naturel. De même, 63 % des Français ont conscience que les désordres du climat sont causés par le réchauffement climatique (c’est + 5 points, avec là encore un niveau jamais atteint). Les principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre (GES) sont toujours, dans l’opinion : les activités industrielles (92 %), les centrales au gaz, charbon ou fuel (90 %), et la destruction des forêts (88 %). On note cependant cette année deux évolutions : le numérique (80 %), introduit l’an dernier dans le questionnaire, qui connaît une augmentation de 4 points, et l’agriculture qui observe, elle, une baisse de 6 points (mais reste à 70 % de personnes qui considèrent ce secteur comme émetteur de GES). Une large majorité de l’échantillon (67 %) exprime sa crainte d’une dégradation des conditions de vie en raison du changement climatique, ce qui représente 2 points de plus que l’année dernière et le niveau le plus haut jamais atteint. Enfin, seulement 38 % des Français pensent qu’on arrivera à limiter le réchauffement climatique à des niveaux acceptables d’ici la fin du siècle.
Les Français sont conscients que leur mode de vie doit évoluer significativement et sont prêts à accepter des mesures fortes…
Pour limiter le changement climatique, la modification des modes de vie a toujours été privilégiée par le public dans cette enquête, et plus encore cette année (58 %, + 6 points), loin devant l’attente d’une solution politique internationale (17 %) ou l’évolution du progrès technique (13 %). La réponse de résignation (« il n’y a rien à faire ») recueille 11 % (et baisse de 6 points). Les Français considèrent que chacun a sa part de responsabilité pour lutter contre le changement climatique : à la question « Qui serait le plus efficace pour résoudre les problèmes de réchauffement climatique ? », 56 % estiment que c’est à chacun d’entre nous d’agir, et 50 % les États. Les Français ont conscience qu’il va falloir modifier de façon importante nos modes de vie, et ils sont prêts à le faire à condition que ces changements soient partagés de façon juste entre tous pour 66 %.
Plusieurs mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique sont testées dans l’enquête et toutes recueillent plutôt des opinions favorables. Bien sûr, on observe un haut niveau d’acceptation pour les mesures qui n’impliquent pas un fort degré de contrainte sur les individus, telles que « réduire le gaspillage alimentaire de moitié » (92 %) ou « développer les énergies renouvelables » (80 %), et un rejet massif pour des politiques ayant des conséquences directes sur les marges de manœuvre des individus telles que la limitation de vitesse sur les autoroutes (36 %), ou la restriction de l’habitat pavillonnaire (39 %). Mais les Français montrent globalement une plus grande adhésion à des mesures fiscales et réglementaires. Fait notable en 2020, trois mesures fiscales connaissent une hausse significative d’opinion favorable : taxer les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre (69 %, + 8 points), augmenter la taxe carbone (54 %, + 8 points, cf. p. 8 pour une analyse spécifique) ou taxer le transport aérien (67 %). Depuis 2004, la taxation du transport aérien a suscité un accord de plus en plus net du public (c’est notamment + 20 points depuis 2014).
Le baromètre « Les Français et l’environnement » souligne également une plus grande adhésion pour des mesures visant à limiter la présence des véhicules polluants dans les villes en vue d’améliorer la qualité de l’air extérieur, telles que l’obligation de livraison en ville par des véhicules propres (71 % d’opinion favorable, + 4 points) ou l’interdiction toute l’année de la circulation des véhicules polluants dans certaines zones (61 %, + 6 points). Mais les mesures visant à inciter l’usage de moyens de transport alternatifs aux véhicules individuels motorisés restent davantage plébiscitées : gratuité des transports en commun pendant les pics de pollution (88 %), développement des réseaux de transports en commun (87 %), mesures favorisant le télétravail (83 %), les déplacements à pied (84 %) ou à vélo (83 %), ou la mise à disposition de lieux permettant l’accès à de multiples services de proximité (84 %). Les habitants des communes rurales sont globalement plus rétifs aux restrictions portant sur les déplacements automobiles, par manque de solution alternative. Moins dépendants à la voiture, et subissant davantage la pollution résultant de la circulation automobile, les habitants des grandes agglomérations soutiennent plus fortement les mesures restrictives concernant les modes de transport. Globalement, et notamment pour les jeunes générations, l’opinion semble de plus en plus favorable à la mise en place des mesures fiscales et réglementaires pour améliorer la qualité de l’air et limiter le réchauffement climatique.
…Et à s’engager personnellement
52 % de Français se déclarent prêts à investir dans des projets d’énergies renouvelables (EnR). Et jamais une aussi grande part des Français n’avait déclaré avoir le projet dans les 12 prochains mois d’investir dans une ou plusieurs EnR (22 %), les énergies solaires photovoltaïque (37 %) et thermique (23 %) arrivant en tête du classement, devant la géothermie (21 %) ou encore l’éolien (14 %). Toutefois, la connaissance des opportunités de participation financière à des projets d’EnR reste mince (10 %) et limite considérablement la conversion des bonnes intentions en actions. Les incitations financières constituent les stimulants les plus efficaces pour inciter à investir dans les énergies renouvelables : « la baisse du prix des équipements ou des travaux » (88 %) et « une augmentation des soutiens financiers » (82 %). Mais les éléments susceptibles de garantir la qualité et la fiabilité de l’installation sont également importants et en hausse : « une labellisation des artisans garantissant une installation de qualité » (84 %, + 4 points), « une information démontrant la fiabilité et la performance des équipements ou des travaux » (83 %, + 2 points), « la possibilité de faire garantir la qualité de l’installation » (78 %, + 7 points).
Concernant les pratiques quotidiennes, les Français déclarent avoir adopté un certain nombre de gestes en faveur de l’environnement. Ces pratiques restent stables malgré la période de confinement. On retrouve toujours en tête : le tri des déchets (adopté par 82 % des Français), couper son chauffage ou chauffe-eau en cas d’absence prolongée (70 %), l’achat de légumes de saison (68 %) ou baisser la température de son logement en hiver/limiter la climatisation en été (61 %). On peut relever trois légères évolutions, sans doute liées pour une part à la crise sanitaire pour les deux premiers : l’achat de produits locaux (55 %, + 4 points), ne plus prendre l’avion pour ses loisirs (43 %, + 3 points) ou encore choisir des produits avec peu d’emballage (45 %, + 4 points). En outre, les gestes qui semblent présenter un plus grand potentiel de changement sont le choix de produits éco-labellisés (43 % des personnes déclarent qu’elles pourraient le faire facilement mais ne le font pas) ou avec peu d’emballage (39 %). Globalement, les jeunes, plus que les autres, déclarent qu’ils pourraient faire plus de gestes écoresponsables tels que faire du covoiturage ou de l’autopartage, acheter des produits de saison, des produits locaux, baisser la température de leur logement ou encore trier leurs déchets. En outre, si les moins de 35 ans se positionnent de façon plus exigeante en matière de qualité de l’air et se montrent plus partisans de mesures coercitives, ils restent significativement moins actifs au niveau des gestes concrets posés au quotidien (mauvaise pratique en matière de gestion des déchets verts, moins précautionneux et moins vigilants en matière de chauffage au bois, globalement moins impliqués dans les gestes d’économie d’énergie au domicile). Ils se montrent également très en retrait concernant les EnR (moindre connaissance, moins réceptifs à leurs avantages, plus défavorables à leur développement). L’écart est frappant entre la posture ambitieuse et exigeante de la jeunesse en matière environnementale et le déficit d’information de cette classe d’âge ainsi que la modestie de ses actions concrètes au quotidien.
Convergences et divergences entre les Français et leurs représentants
Le focus mené sur les parlementaires cette année (200 députés et sénateurs) montre que les convictions des parlementaires quant à la réalité du changement climatique et à ses causes ont considérablement évolué et se sont rapprochées de celles des Français. Dans les précédentes enquêtes auprès de cette cible, en 2003 et 2010, une minorité de parlementaires estimait que « les désordres du climat sont causés par l’effet de serre » (21 % des parlementaires en 2003 puis 34 % en 2010). Cette année, cette même opinion est partagée par 77 % des parlementaires (contre 63 % du public). Et 81 % des parlementaires interrogés estiment que le réchauffement climatique est le problème environnemental « le plus préoccupant » contre 51 % du public. Ces convictions s’accompagnent d’un relatif optimisme quant à la possibilité de limiter le changement climatique « à des niveaux raisonnables d’ici à la fin du siècle », opinion partagée par 52 % des parlementaires (contre 38 % du public). Cette anticipation plus optimiste avait déjà été remarquée parmi les décideurs économiques et les élus locaux lors des enquêtes 2018 et 2019. Comme le grand public, les parlementaires estiment « souhaitable » l’adoption de la plupart des mesures destinées à lutter contre l’effet de serre qui ont été citées dans cette enquête, et se montrent également favorables à une augmentation de la taxe carbone, plus encore que les Français dans leur ensemble. Leur choix d’instruments de politiques d’environnement les plus efficaces a beaucoup évolué ces dernières années, passant d’une préférence initiale pour « les démarches volontaires » en 2003, à des mesures de « fiscalité » en 2010 et désormais, à « la réglementation ». Cette évolution vers des modes d’action plus contraignants traduit vraisemblablement une prise de conscience des difficultés à faire passer dans les faits les ambitions des politiques publiques d’environnement, une majorité d’entre eux (58 %) estimant qu’à l’heure actuelle les actions mises en œuvre ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés. Ainsi, les parlementaires, comme le grand public, ont conscience qu’il faudra des mesures plus drastiques pour limiter le réchauffement climatique. Mais des divergences s’opèrent sur les orientations données. Les parlementaires se montrent nettement plus préoccupés par l’emploi que le grand public (63 % contre 26 %). Et si la majorité des Français (55 %) estime qu’il faudrait réorienter en profondeur notre économie en soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement, la santé et la cohésion sociale, 74 % des parlementaires pensent au contraire qu’il faut relancer l’économie par tous les moyens afin de renouer au plus vite avec l’activité (contre 43 % des Français). Il y a là une opposition assez tranchée sur les orientations à donner à la relance économique. Une explication pourrait être donnée par le rapprochement opéré par les uns et les autres entre crise économique et crise sanitaire : alors que 58 % des Français estiment que l’épidémie de Covid-19 est due certainement ou probablement à une exploitation imprudente de la nature, 64 % des parlementaires ne font pas ce lien.
Par ailleurs, en comparaison des efforts engagés par les États dans la crise sanitaire, les Français sont 77 % à souhaiter des efforts identiques concernant l’environnement.