La cyclologistique est une des solutions identifiées pour diminuer les impacts environnementaux de la logistique urbaine. Zoom sur quatre projets : K-Ryole, DKCNP, InViCy et HMS.
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L’optimisation des tournées de livraison à vélo fait l’objet de nombreuses recherches. Ces dernières portent sur les différents composants du véhicule (projet K-Ryole) ; sur les aspects numériques, par exemple sur le développement d’un logiciel spécifique au marché de la cyclologistique (projets DKCNP et CycloCo) ; mais aussi sur la partie organisationnelle, par exemple sur la place des espaces de logistique dans l’organisation des tournées (projet InViCy). Enfin, la cyclologistique peut être un maillon de la multimodalité : c’est ce que montre le projet HMS.
Le projet « K-Ryole connectée », de remorque innovante
K-Ryole est à la fois le nom d’une société fondée en 2015 et celui de l’un de ses produits phares : un modèle de remorque à assistance électrique pour vélo, dimensionné pour les pistes cyclables et les zones piétonnes. Tracté par un vélo avec chauffeur, cet équipement possède une capacité d’emport de 250 kg, correspondant à un volume utile de 1,3 m3. Cette remorque est déjà innovante dans la mesure où, une fois attelée, elle n’exerce plus aucun effort sur le vélo, quelles que soient les circonstances (freinage, accélération, virage, montée ou descente) et quel que soit le poids transporté. Cela a été rendu possible grâce à l’intelligence embarquée, qui actionne automatiquement les moteurs électriques de la remorque pour asservir en temps réel l’effort entre la remorque et le vélo à une valeur nulle. Ainsi, le cycliste n’a aucun pilotage de la remorque à effectuer.
Le projet « K-Ryole connectée » a permis, en 2021, de passer d’une K-Ryole « classique » à une K-Ryole « intelligente ». La performance de la cyclologistique est liée à la fiabilité du véhicule et à la confiance que le donneur d’ordre peut avoir. Les développements techniques réalisés au cours de ce projet ont non seulement rendu possible l’optimisation du pilotage de la remorque mais également l’acquisition de données pour identifier les différents usages de la remorque (fréquence d’utilisation, masse embarquée, vitesse moyenne…) et ses limites (autonomie). Cela permet d’améliorer le comportement de la machine et de simplifier son utilisation.
Cyke, un outil numérique spécialement conçu pour la cyclologistique
Les innovations ne portent pas que sur les aspects maté-riels de la cyclologistique. Ainsi, la coopérative de livraison à vélo Cargonautes a pu développer le logiciel Cyke via le projet DKCNP (« Dernier kilomètre : la cyclo-logistique, un nouveau para-digme »), lauréat de l’appel à projets de recherche TRANSLOG. Avancée notable pour le secteur, cet outil a été spécialement conçu pour la cyclologistique. Il ne s’agit pas d’une simple adaptation de solutions existantes pour transporteurs motorisés « classiques ». Ce logiciel permet en effet de gérer, de manière intégrée, les livraisons d’une PME de cyclologistique, en allant de la prise de commande jusqu’à l’application mobile du coursier, en passant par le dispatch et la tarification. L’approche R&D retenue dans cette partie du projet se distingue par la prise en compte des besoins des professionnels de la filière (cyclologisticiens mais également donneurs d’ordre) et des retours d’expérience de l’entreprise. Le projet a par ailleurs permis de développer une nouvelle caisse-bâche pour vélo-cargo afin d’assurer le transport en froid positif.
Une expérimentation à Bordeaux : le projet InViCy
Le projet InViCy visait à évaluer la performance des vélos-cargos pour optimiser la logistique du dernier kilomètre. Porté par Kedge Business School, en partenariat avec La Poste, il s’est attaché à suivre une année de livraison de colis à Bordeaux, afin de disposer de données réelles – et non simulées, comme c’est généralement le cas – pour modéliser une optimisation des processus (de la préparation des tournées à leur réalisation en vélo-cargo). Cette évaluation avait aussi pour objectif de comparer la performance de la cyclologistique versus l’utilisation de véhicules utilitaires légers (VUL) et d’en tirer des enseignements pour la reproductibilité et l’élargissement de cette pratique à d’autres métropoles.
Les résultats du projet montrent que la performance opérationnelle des vélos-cargos est compétitive par rapport à celle des véhicules utilitaires légers : amélioration du temps moyen par colis livré (- 15 %), réduction des émissions de CO2 (- 23,6 %) et réduction de la distance totale parcourue (- 42 % au moins).
Le projet HMS, de « hub multimodal serviciel en cœur de ville »
Autre verrou à lever : le frein que constitue le coût d’une rupture de charge pour le développement du report modal et de la multimodalité. Le projet HMS, porté par la société AMME, visait à développer, expérimenter et évaluer un hub multimodal serviciel en cœur de ville. Il a permis d’organiser une logistique combinant voie fluviale et cyclologistique. Et ce, dans les deux sens puisque, après avoir opéré la livraison du dernier kilomètre, les vélos-cargos récoltaient sur leur trajet retour des déchets d’équipement électrique et électronique. Ce projet a permis aussi d’innover en mutualisant les flux de plusieurs clients, avec l’exploitation du bateau comme « entrepôt flottant » permettant le tri des flux retours. Une évaluation environnementale « Empreinte projet » de niveau 2 a permis de quantifier les gains environnementaux de cette expérimentation : l’économie engendrée par la mise en place du service est évaluée à 5 670 tonnes équivalent CO2 sur une année, selon les hypothèses retenues1.
Même si la cyclologistique démontre d’ores et déjà ses avantages environnementaux pour la livraison du dernier kilomètre, elle peut encore progresser, notamment avec l’allongement de la durée de vie des vélos-cargos. Son développement passera par sa capacité à réduire les coûts liés à la rupture de charge et à trouver suffisamment de locaux adaptés à ses exigences (ou à transformer l’existant pour répondre à ses besoins !). L’innovation sera donc encore au rendez-vous dans les prochaines années, et l’ADEME poursuivra son accompagnement.
1. Hypothèses retenues pour évaluer l’empreinte du projet HMS : 17 vélos-cargos réalisant chacun des tournées de 20 km, 260 jours par an versus 17 véhicules utilitaires légers faisant chacun des tournées de 30 km, 260 jours par an, auxquels il faut ajouter un VUL de récolte de déchets circulant 52 jours par an, sur une tournée de 30 km.
La cyclologistique en France
Avec le soutien de l’ADEME et du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, l’association Les Boîtes à Vélo a réalisé le premier panorama de la cyclologistique en France. L’objectif était de pouvoir partager un état des lieux de cette filière, de comprendre ses enjeux et d’émettre des recommandations à la profession ainsi qu’aux différentes parties prenantes concernées par cette activité (aménageurs, collectivités, donneurs d’ordre…), pour poursuivre son déploiement à plus grande échelle. Ce travail a permis de poser les bases d’une définition de la cyclologistique, en l’absence d’une définition réglementaire : la cyclologistique est l’organisation et la réalisation du transport de marchandises ou de biens pour le compte d’autrui en cycle (vélo ou vélo-cargo).