Dossier

Biosourcés : des matériaux aux multiples atouts

Avec les biosourcés, les ingénieurs ne redécouvrent pas le bois, la laine ou la paille. Mais ils appliquent des procédés de transformation et de mise en œuvre qui rendent ces matériaux plus compétitifs et performants que ceux qui les avaient remplacés au cours des derniers siècles.


Constitués de biomasse, c’est-à-dire de matières végétales, animales, issues de champignons, algues ou bactéries, les produits biosourcés contribuent à la transition écologique. En se substituant à des matériaux conventionnels (plastique, acier…) ou à des carburants fossiles (pétrole, gaz…), ils évitent le recours à des ressources non renouvelables, plus énergivores ou émettrices de gaz à effet de serre. Ils ont par ailleurs d’autres atouts. Utilisées dans des composites, les fibres végétales peuvent alléger un véhicule, donc en limiter la consommation d’énergie. Les produits biosourcés à longue durée de vie (meubles, isolants, charpentes…) contribuent à stocker du carbone provenant de l’atmosphère. Rien d’étonnant à ce qu’on les retrouve dans plusieurs politiques publiques : dans la loi relative à la Transition énergétique pour une croissance verte, dans la réglementation environnementale RE 2020, dans le projet de loi pour une industrie verte présenté en mai 2023… Une stratégie nationale « Produits biosourcés et biotechnologies industrielles – Carburants durables », dotée de 420 millions d’euros, a même été lancée fin 2021 pour accélérer leur développement.

Garantir la plus-value sur l’ensemble du cycle de vie

Avec la hausse du prix de l’énergie et des transports, mais aussi les pénuries de matériaux comme l’aluminium, tous les secteurs de l’économie se lancent. Ils redécouvrent les ressources locales (le bois, le lin, le chanvre, la paille, la laine…). Et, à l’heure où le consommateur se préoccupe davantage de l’environnement, la mention « biosourcé » sur les packagings contribue à une bonne image de marque. Néanmoins, « le fait de remplacer une matière première par de la biomasse ne suffit pas à justifier une plus-value environnementale, insiste Émilie Machefaux, responsable de la Cellule Bois Biosourcés Biocarburants de l’ADEME. Seule une analyse du cycle de vie (ACV) permet d’affirmer qu’il n’y a pas eu de transfert de pollution. » Une fourchette en bambou à usage unique, par exemple, n’a pas une durée de vie assez longue pour stocker du carbone, alors qu’elle favorise la consommation inutile de ressources. C’est pourquoi, quand l’ADEME soutient un projet, elle incite systématiquement les porteurs de projets à réaliser des ACV.
« Nous nous intéressons aussi à la compétitivité des projets que nous accompagnons, ajoute Jérôme Mousset, directeur Bioéconomie et Énergies renouvelables à l’ADEME. Mettre sur le marché des produits vertueux, c’est bien. Les vendre, c’est mieux pour bénéficier du service environnemental visé. » Les biosourcés ont souvent un surcoût. Il est donc important que celui-ci soit compensé par d’autres avantages que le seul argument écologique, notamment par une qualité accrue. Certains composites permettent une meilleure résistance au choc. Les colles et les peintures biosourcées, si elles sont bien conçues, peuvent limiter les émissions de composés organiques volatils (COV) ou de formaldéhyde dans les logements. On ne parle pas assez de tout cela. C’est pourquoi l’ADEME, soucieuse de voir les produits biosourcés se développer au profit de la transition écologique, communique et informe sur la diversité de l’offre et ses atouts.

Des économies possibles

L’ADEME, qui a été très impliquée dans l’élaboration et le suivi de la stratégie nationale « Produits biosourcés et biotechnologies industrielles », a lancé un appel à projets du même nom en janvier 2022. Parmi les candidats, l’Agence soutient prioritairement les dossiers qui favorisent la diversification des sources de biomasse, pour ne pas faire pression sur quelques essences végétales seulement. Elle privilégie aussi les solutions qui ne concurrencent pas les cultures alimentaires et limitent les risques de déforestation, notamment celles qui trouvent des débouchés à des sous-produits ou co-produits agricoles ou forestiers. « L’ADEME cherche à avoir une vision globale de la disponibilité des ressources, explique Jérôme Mousset. Nous avons la chance, en France, d’être riches en forêts et terres agricoles. Mais celles-ci restent limitées et ont d’autres fonctions essentielles (puits de carbone, préservation de la biodiversité, attractivité territoriale, etc.). Il est important de chercher toujours le meilleur usage possible. » L’objectif de cet appel à projets, comme celui de tous ceux lancés dans le cadre de France 2030, est, par ailleurs, de soutenir les ruptures technologiques. Citons ainsi l’entreprise Lactips, lauréate du Concours Innovation 2019 de l’ADEME, qui a développé des bioplastiques solubles dans l’eau à partir de surplus de protéines de lait, pour emballer les tablettes de lessive.
Le soutien de l’ADEME aux biosourcés commence bien en amont de la conception de produits, par l’accompagnement de thèses et de projets de recherche, et se poursuit en aval, par des actions visant à favoriser l’intégration des nouvelles solutions développées dans des projets. Il y a en effet un enjeu de formation des utilisateurs finaux. Les artisans du bâtiment, par exemple, doivent apprendre à appliquer le béton de chanvre. Une formation aux écogestes, plus générique, peut aussi aider à compenser le surcoût d’un produit biosourcé. Ainsi, à Cognac (16), les agents d’entretien des écoles et bâtiments communaux ont été sensibilisés au respect des dosages prescrits pour les détergents. Résultat : bien que la Ville ait opté pour une marque biosourcée, plus chère au litre, elle a pu réduire de 15 % ses coûts globaux d’entretien en espaçant ses achats. Preuve que les produits biosourcés peuvent contribuer à la transition écologique sans dépenses excessives.

« Le chanvre a été un pari gagnant pour notre coopérative »

Valentin Colson, responsable R&D chez Cavac Biomatériaux.

« Quand notre coopérative agricole a décidé en 2007 de diversifier ses activités en investissant dans le chanvre, personne ne parlait encore de biosourcés. Pourtant, près de 200 agriculteurs de la coopérative se sont lancés et une usine de défibrage a été créée. Une partie des fibres est vendue à des clients industriels (automobiles, textiles…), une autre est exploitée sur place pour fabriquer des isolants, tandis que les coproduits de l’opération servent, entre autres, à produire du béton de chanvre. La commercialisation de nos isolants en fibres végétales a été plus facile à partir du moment où le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a attesté de leurs performances techniques et, surtout, de leur assurabilité. Aujourd’hui, le site, qui compte une soixantaine d’emplois, ne suffit plus à répondre à la demande de produits biosourcés, tirée par la RE2020. Il sera donc remplacé en 2024 par une usine plus grande. »

Plus d’infos : www.cavac-biomateriaux.com