La décarbonation de nos activités à tous les niveaux de la société est devenue un mot d’ordre incontournable, au vu des urgences environnementales. C’est aussi un processus exigeant, qui nécessite un diagnostic préalable approfondi à travers un exercice de comptabilité carbone. Sur ce plan, l’année 2023 amorce un changement d’envergure.
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États, collectivités, entreprises, citoyens… nous avons tous un rôle à jouer pour réduire rapidement l’empreinte environnementale de l’humanité à l’échelle mondiale. Un défi historique, d’autant plus complexe à relever qu’il est systémique, impliquant d’innombrables facteurs qui se combinent et interagissent entre eux. « Parmi tous ces facteurs, il y en a un qui se signale par le rôle prépondérant qu’il joue dans le dérèglement climatique : les émissions de gaz à effet de serre, indique Johan Ransquin, directeur Adaptation, aménagement et trajectoire bas carbone à l’ADEME. L’urgence de la décarbonation de nos sociétés est désormais largement reconnue, mais pour avancer dans le bon sens, encore faut-il savoir d’où l’on part. » Et c’est là qu’intervient la comptabilité carbone, et plus spécifiquement le bilan d’émissions de gaz à effet de serre (GES). « La comptabilité carbone est un concept popularisé dans les années 2000, précise Hervé Lefebvre, responsable du pôle Trajectoires bas carbone à l’ADEME. Il a été formalisé en France par l’ADEME à travers la méthode Bilan Carbone® qui est aujourd’hui portée par l’Association pour la transition Bas Carbone (ABC). Notre ambition était de permettre aux organisations de tous horizons de mesurer l’ensemble de leurs émissions GES, qu’elles soient directes ou indirectes (liées aux consommations d’énergie, aux approvisionnements et aux intrants en amont et à l’utilisation des produits en aval). »
Une obligation pour certains acteurs
En 2010, la France a capitalisé sur ces travaux en imposant aux grandes organisations la publication à intervalles réguliers d’un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre – BEGES – assorti de plans d’action destinés à décarboner leurs activités. À l’heure actuelle, environ 5 000 entités sont soumises à cette obligation : les entreprises de plus de 500 salariés, les collectivités de plus de 50 000 habitants, les établissements publics de plus de 250 agents et les services de l’État. Mais il y a un « mais » : le périmètre du BEGES réglementaire est bien plus restreint que celui couvert par la méthode Bilan Carbone, puisque seules les mesures des émissions directes et de celles associées à l’énergie sont obligatoires. « Or les émissions indirectes liées au transport, aux achats et à l’usage des biens produits sont parfois bien plus conséquentes ! » souligne Hervé Lefebvre. L’empreinte carbone minimale que certaines entreprises revendiquent sur la foi de leur BEGES se révèle ainsi à peu près aussi fiable qu’une empreinte digitale dont une grosse partie des sillons aurait été effacée… Depuis le 1er janvier 2023, la situation a considérablement changé : dans le sillage de la directive européenne sur la performance extra-financière des entreprises, un décret impose désormais d’élargir le bilan GES réglementaire à l’ensemble des émissions indirectes significatives. « C’est un virage important même si cela ne concerne pour l’heure que les entreprises qui ont à la fois plus de 500 collaborateurs et un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros pour les sociétés non cotées ou 40 millions pour les sociétés cotées », précise Hervé Lefebvre.
De plus en plus de démarches volontaires
Toutes les entreprises ne sont pas concernées, donc. Mais celles qui le sont respectent-elles leurs obligations de publication ? « Pas toutes, admet Nicolas Anselmi, ingénieur comptabilité carbone à l’ADEME. Une étude menée en 2021 révèle que six sociétés assujetties au BEGES sur dix ne répondent pas à leurs obligations, s’exposant ainsi à une amende de 10 000 € et 20 000 € en cas de récidive. Et c’est bien pire pour les collectivités et les établissements publics. On observe tout de même depuis quelques temps une évolution dans le bon sens et surtout on constate que de plus en plus d’organisations se lancent dans un exercice de comptabilité carbone alors qu’elles n’y sont pas tenues par la réglementation. »
Administratrice de la plateforme de dépôt des bilans GES réglementaires, l’ADEME joue depuis longtemps un rôle actif dans l’accompagnement de ces démarches volontaires, préalables indispensables à de véritables stratégies de décarbonation. Cet engagement se concrétise notamment par un partenariat avec Bpifrance pour le déploiement du dispositif Diag Décarbon’Action dédié aux entreprises novices en comptabilité carbone (lire encadré). Il s’illustre aussi par l’initiative ACT (lire reportage p. 11), conçue pour soutenir les entreprises dans le développement, la mise en œuvre et l’évaluation de leurs politiques bas carbone sur le long terme. « L’ADEME lance une nouvelle base de données, baptisée Base Empreinte. Elle rassemble l’ensemble des facteurs d’émissions nécessaires au BEGES ainsi que de très nombreux jeux de données sur tous les autres impacts environnementaux, avec l’ambition de favoriser l’émergence de démarches de transition globales », annonce Johan Ransquin en conclusion.
Du diagnostic à l’action
Cofinancé par l’ADEME et opéré par Bpifrance en collaboration avec l’ABC, le dispositif Diag Décarbon’Action a été lancé en 2021 pour permettre aux petites entreprises, PME et ETI de moins de 500 salariés de mesurer leurs émissions GES et de définir un plan de transition adapté. Il permet aux sociétés éligibles de bénéficier d’un accompagnement personnalisé qui les mène de la collecte des données à la valorisation des mesures de réduction mises en œuvre.
Plus d’infos : le site web Diag Décarbon’action