Décryptage

« Les plastiques compostables ne sont pas la solution miracle ! »

Dans un avis publié en mai, l’ADEME rappelle les limites des emballages en plastique compostables. Ce qu’il faut en retenir ? Qu’ils ne constituent pas une solution à la dispersion du plastique dans l’environnement et présentent finalement peu d’intérêt, excepté pour certains usages très précis… Le point avec Alice Gueudet, ingénieure au service Écoconception et Recyclage de l’ADEME.


Pourquoi publier un avis sur les limites des emballages en plastique compostables ? N’est-ce pas la solution à l’épineux problème de la dispersion et de l’accumulation du plastique dans l’environnement ?
Alice Gueudet

C’est précisément l’une des idées reçues que nous souhaitons battre en brèche. Les plastiques compostables servent principalement à fabriquer ces sacs très fins à usage unique que nous trouvons dans les rayons fruits et légumes de nos supermarchés. Ce serait l’emballage parfait, issu de matière première végétale et disparaissant totalement après usage, sans ajouter de carbone dans l’atmosphère ni de polluants dans le sol. Une sorte de solution miracle… qu’il faut regarder de plus près. Ces plastiques peuvent en effet contenir des polymères compostables issus du pétrole, le plus courant répondant au nom de polybutylène adipate téréphtalate, ou PBAT. Inversement, ce n’est pas parce qu’un plastique est biosourcé qu’il est compostable ou biodégradable. Les emballages dont nous parlons ici doivent avoir passé avec succès des tests en laboratoire, pour vérifier un taux minimum de 90 % de biodégradation en CO2 en un temps défini ainsi que l’absence de toxicité du compost obtenu sur les vers de terre ou les graines en phase de germination. Le problème, c’est qu’on ne retrouve pas toujours les conditions de laboratoire dans nos composteurs domestiques. Des tests en conditions réelles sur des sacs ont révélé qu’au terme des délais normés –six mois en filière industrielle et douze mois en filière domestique –, des morceaux de plastiques de quelques millimètres pouvaient subsister. 

Est-ce si important ? Ces petits morceaux ne vont-ils pas achever de se dégrader dans la nature ?
A. G.

La nature offre rarement la combinaison d’humidité, de chaleur et de vie  bactériologique requise. Ni sur terre ni dans l’eau. Nos restes d’emballages en plastique compostables risquent donc d’y séjourner un temps suffisant  pour avoir les mêmes impacts sur les écosystèmes que les autres plastiques : ingestion par les animaux, pollution visuelle, etc. C’est pourquoi il ne faut  surtout pas les jeter dans la nature. Nous préconisons même de ne pas tenter de les composter chez soi, mais de les placer, comme tous les emballages, dans les sacs et containers jaunes. Au centre de tri, ils seront dirigés avec les autres matières non recyclables vers une unité de valorisation énergétique  par incinération ou, à défaut, vers un site d’enfouissement. Le seul usage qui nous semble acceptable, c’est d’utiliser les sacs fins comme contenants pour la collecte des biodéchets à domicile ou en point d’apport volontaire. Et encore, ce n’est pas une solution idéale puisqu’ils finiront parfois dans des unités de méthanisation qui n’ont pas les mêmes capacités de « digestion »  que les plateformes de compostage.

Pourrait-on remédier techniquement à ces inconvénients ?
A. G.

Qui peut le plus peut le moins ! Un emballage qui, en laboratoire, se dégraderait intégralement en un an dans les conditions d’un compostage à domicile serait assuré d’y parvenir sur une plateforme industrielle, alors que l’inverse n’est pas vrai. C’est pourquoi l’ADEME milite pour que les fabricants soient tenus de s’aligner sur la norme en milieu domestique. Récemment, le projet de règlement européen débattu à Bruxelles s’orientait plutôt vers un alignement sur les standards industriels. Mais cela peut changer…

Finalement, quelle est la solution ?
A. G.

Se souvenir que le meilleur emballage est celui qui n’est pas produit. Même correctement compostés, ces plastiques n’apportent quasiment aucun bénéfice agronomique pour les cultures, contrairement aux biodéchets. Si l’on se réfère à la directive cadre européenne, ils se situent donc dans les derniers échelons du traitement des déchets, où rien n’est récupéré ni évité. Pourquoi ne pas tout simplement les remplacer par des sacs réutilisables ? Si ceux-ci sont en plastique, le surcoût écologique est amorti à partir de huit utilisations et, en fin de vie, ils peuvent être recyclés. S’ils sont en coton lavable, le surcoût est amorti en quarante utilisations.
À nous de jouer sur notre pouvoir individuel de décision !

-20 %

D’emballages en plastique à usage unique d’ici fin 2025. C’est l’objectif que s’est fixé la France dans un décret du 29 avril 2021.

-100 %

Quand ces emballages, en plus d’être à usage unique, sont« inutiles » (ex : blisters autour des piles, films de  protection autour de pommes ou bananes, etc.)