Décryptage

« On ne peut pas mettre n’importe quoi sur une étiquette ! »

Produit « naturel », « durable », « Bio »… À en croire leurs étiquettes, bien des produits seraient meilleurs pour l’environnement. Le nouveau guide pratique du Conseil national de la consommation aide à faire
le tri dans ce type d’allégations, trop souvent globalisantes et parfois trompeuses. Tandis que, dans la loi, la clarification avance.


Avec la participation de l’ADEME, le Conseil national de la consommation (CNC), vient de faire paraître la 3e édition de son « Guide pratique des allégations environnementales » pour les produits non alimentaires : dans quel but ?
Émily Spiesser

« Bio », « Compostable », « Recyclable », « Dépolluant », « Naturel »… Il y a peu de domaines où la confusion règne autant que dans celui des allégations environnementales. Elles s’inscrivent pourtant dans un cadre juridique bien établi puisqu’elles relèvent des « pratiques commerciales trompeuses » définies dans le Code français de la consommation. Toute « allégation, indication ou présentation » non fondée ou laissant supposer des bénéfices environnementaux imaginaires peut donc tomber sous le coup de la loi. Et il suffit que ce soit par omission, imprécision ou exagération. Simple à énoncer, ce principe l’est moins à appliquer car il nécessite une évaluation précise des bénéfices en question. Au sein du conseil qui a préparé cette troisième édition, le rôle de l’ADEME était d’apporter l’expertise environnementale nécessaire à celle-ci. À l’arrivée, le guide fournit quelques rappels réglementaires et des préconisations détaillées pour l’utilisation de 17 allégations courantes, ainsi qu’une fiche pratique à portée plus générale pour établir une allégation « loyale ». Tout producteur réellement engagé pour améliorer l’empreinte environnementale de ses produits peut s’y référer pour sécuriser sa communication et tout consommateur pour ne pas se tromper dans ses achats.

Qu’est-ce qu’une allégation environnementale loyale ? 
E.S.

Là encore, il faut être précis. J’écarte ici les informations obligatoires telles que l’étiquette énergie ainsi que les labels qui reposent sur un cahier des charges et sont certifiés par un organisme indépendant. Concernant ces derniers, qui ne se valent pas tous, je renvoie nos lecteurs à l’outil mis en ligne par l’ADEME « 100 labels recommandés ». Les allégations, ce sont tous les autres messages, verbaux et visuels, qui accompagnent un produit. Ils peuvent figurer sur le produit lui-même ou sur son emballage, mais aussi sur une publicité ou un document technique, physique ou numérique. Comme le guide du CNC, je vais me limiter aux messages verbaux, plus faciles à objectiver que les images. Ils doivent exprimer un gain environnemental bien réel, qui ne peut s’évaluer que sur l’ensemble des impacts, tout au long du cycle de vie du produit, bien ou service concerné. Un téléphone portable « réparable », par exemple, est moins impactant pour l’environnement s’il se casse, puisqu’il évite à son propriétaire d’avoir à en racheter un nouveau. Autres points de vigilance : la confusion entre le produit et son emballage ou le produit et son entreprise. Le consommateur doit pouvoir distinguer sur quoi porte l’allégation, pour en comprendre la portée. Ainsi, quand l’allégation « compostable » est apposée sur l’étiquette cartonnée d’un tee-shirt, est-ce l’étiquette qui est compostable, ou le tee-shirt ? De même, quand le fabricant fait un don à une association environnementale, est ce que ses tee-shirts sont plus écologiques ? En plus d’être prouvée, une allégation loyale doit donc être précise dans ses termes et proportionnée dans sa -présentation.

Ce guide appelle à la vigilance collective : pourquoi ?
E.S.

Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à souhaiter prendre en compte l’environnement dans leurs achats. Ils ne sont hélas pas toujours en capacité de discerner le caractère trompeur de certaines allégations. Certains producteurs n’y voient donc qu’un filon commercial et se servent de ces allégations pour faire du greenwashing sur des produits dont l’impact n’est pas si réduit que ça. Il est essentiel de leur barrer la route pour ne pas décourager ceux qui tentent honnêtement d’améliorer leurs pratiques et ne pas décourager les consommateurs qui consentent parfois un effort financier pour soutenir leur démarche supposée. Ce souci est d’ailleurs partagé par les organisations professionnelles et associatives, très actives dans le CNC.

Quelles sont les prochaines étapes vers plus de transparence ?
E.S.

Nous venons de passer deux étapes importantes avec les récentes lois Antigaspillage pour une économie circulaire (AGEC) et Climat et résilience. La première a banni les mentions définitivement trop vagues comme « respectueux de l’environnement ». La seconde prévoit, chaque fois que c’est possible, une information environnementale synthétique considérée sur l’ensemble de la durée de vie des biens et services. L’idéal pourrait être une incitation fiscale, par exemple une TVA réduite, conférant un avantage économique aux produits les plus écologiques. De son côté, l’Europe travaille sur une directive Green Claims qui vise à mieux encadrer l’usage des allégations environnementales de tous types et à combattre le greenwashing. Quel que soit l’avenir, prendre en main ce guide ne peut que nous y préparer !