Dossier

Recyclage du plastique : comment relever le défi ?

La France est le troisième pays le plus consommateur de plastique au sein de l’Union européenne, mais aussi l’un des plus ambitieux avec son objectif de 100 % de plastiques à usage unique recyclés d’ici à 2025.
Le point avec Axelle Bourry, ingénieure en génie des matériaux et processus industriels, service Écoconception et Recyclage de l’ADEME et Magali Palluau, ingénieure agronome, spécialiste en évaluation environnementale et cofondatrice de Bleu Safran.


Quels sont les freins au recyclage des plastiques ?
Axelle Bourry

Les plastiques constituent une grande famille de matériaux. Ils ne peuvent pas être recyclés en mélange. D’où l’importance d’un tri minutieux des déchets pour séparer les différentes résines. Un second frein réside dans la difficulté à recycler les produits composites. Certains plastiques contiennent des fibres végétales, des poudres minérales ou des molécules métalliques, qui participent  à la fonction du produit mais qui empêchent son recyclage.

Magali Palluau

On observe une réelle dynamique pour mettre au point puis déployer de nouvelles technologies permettant de traiter des déchets jusqu’alors non recyclables. Mais il est nécessaire de poursuivre les efforts et de penser la recyclabilité des produits dès leur conception. Améliorer le geste de tri des ménages et des entreprises reste aussi primordial. Il convient également de tenir compte des spécificités sectorielles : pour un même plastique, on n’appréhendera pas son aptitude au recyclage de la même façon d’une filière à une autre.

Le recyclage chimique va-t-il augmenter les volumes de plastiques recyclés ?
A. B.

En novembre 2022, l’ADEME a publié une étude qui évalue l’apport des techniques de recyclage chimique par rapport aux gisements de déchets plastiques présents en France. Il en ressort qu’elles peuvent être adaptées au traitement de certains plastiques. Elles permettent de revenir à des molécules de base, sans les additifs qui avaient été ajoutés à la matière. Mais elles consomment plus d’énergie que le recyclage mécanique. Elles ne doivent donc pas se substituer aux efforts de réduction à la source des déchets plastiques, ou d’écoconception des produits.

M. P.

Le recyclage chimique n’a de sens que s’il permet en premier lieu de traiter des déchets que l’on ne savait pas recycler jusqu’à présent. De plus, il est important d’évaluer les impacts environnementaux associés à la production des nouvelles matières recyclées.

Quels leviers actionner pour améliorer le recyclage des plastiques ?
A. B.

Il faut créer les conditions d’un marché stable du recyclage, avec un coût de la matière recyclée intéressant à la fois pour le recycleur et pour les industriels.
La réglementation est un autre levier important. Par exemple, la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) élargit la responsabilité des  producteurs à de nouvelles filières. L’ADEME soutient le développement du  recyclage grâce à des appels à projets couvrant l’écoconception, en vue d’une  meilleure recyclabilité des produits et de l’incorporation de matière recyclée.

M. P.

Les efforts des industriels pour prendre en considération, dès la phase de conception, la fin de vie de leurs produits, dont leur recyclabilité, méritent d’être poursuivis. Une évaluation environnementale basée sur l’analyse du cycle de vie et reposant sur des données objectives ancrées dans la réalité du terrain peut éclairer leurs décisions et les aider à hiérarchiser leurs choix. Mais de telles études prennent du temps et obligent à accepter la complexité et, parfois, la nuance.