Le bâtiment est le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre après les transports. Et si, accélérer la rénovation plutôt que construire du neuf devenait la priorité pour réduire durablement son impact ? En 2024, l’ADEME a lancé sa 1ʳᵉ édition des Trophées de l’immobilier valorisant des projets innovants, porteurs de solutions concrètes en faveur de la sobriété foncière et immobilière : construire en surélevant, diversifier les usages selon l’heure de la journée, partager des bâtiments… Zoom sur les lauréats.
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Construire : à quel prix ?
Le secteur immobilier contribue fortement aux émissions de gaz à effet de serre. En 2019, ses activités représentaient 25 % de l’empreinte carbone nationale dont un tiers pour la phase de construction et de fin de vie des bâtiments. Les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment représentent 22 millions de tonnes de déchets par an dont moins de 1 % sont réemployés. Les enjeux de transformation du secteur sont donc considérables.
La construction a également un impact sur les sols. Or, depuis 2021, la lutte contre leur artificialisation est inscrite dans la loi Climat et Résilience avec un objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) d’ici 2050. Cette problématique a particulièrement été traitée par deux des lauréats des Trophées.
- Le premier, UPFACTOR a développé le « foncier aérien », c’est à dire, construire des logements en surélevant des bâtiments déjà construits. Cette densification douce permet d’optimiser l’existant. Par ailleurs, l’entreprise propose aussi un outil pour évaluer le potentiel de surélévation d’une construction en prenant en compte les règles d’urbanisme local. À grande échelle, ce procédé permettrait de créer des logements supplémentaires sans recourir à l’étalement urbain.
- Le second, le guide Intensi’Score, déployé par un groupement d’acteurs publics et privés engagés contre le « gaspillage immobilier » lutte contre la sous-utilisation d’un espace existant (public ou privé). L’outil évalue ainsi le potentiel d’intensification d’un espace en proposant des pistes pour de nouveaux usages : convertir des bureaux en logement en dehors du temps de travail ; offrir des espaces d’agriculture urbaine sur un toit inutilisé ; organiser des évènements culturels dans un gymnase ou un auditorium. Les solutions sont nombreuses ! Cette stratégie innovante résonne d’ailleurs avec l’approche chronotopique : prendre en compte l’usage temporel (chronos) et spatial (topos) d’un lieu de façon à en développer les usages.
La mutualisation des usages
Bureaux, logements… de très nombreux bâtiments sont sous-occupés, vides une partie du temps (les écoles et les bureaux le soir et le weekend), voire sur l’ensemble de l’année (logements vacants…). Dans ce contexte, la chronotopie s’impose comme une nouvelle tendance : appréhender les bâtiments dans leurs usages temporalisés. C’est-à-dire, multiplier les fonctions d’un espace donné à la façon d’une salle polyvalente.
Parmi les lauréats des Trophées, la ville de Rennes propose un bel exemple d’application sur 89 écoles publiques de la ville. Plutôt que de construire de nouveaux espaces, on optimise et on mixe les usages des bâtiments existants en mutualisant par exemple certains espaces avec une association jeunesse qui pourra y prendre ses quartiers en dehors des heures de cours. Des aménagements qui feront économiser 800 000 € de travaux à la collectivité.
D’autres projets similaires voient le jour comme La Balise porté par l’opérateur immobilier Bellevilles (également lauréat) qui permet de préserver un patrimoine industriel en proposant des logements à loyers modérés et d’autres espaces de vie ; ou encore Caracol qui propose des solutions d’habitat collectif dans les logements vacants, des colocations solidaires.
L’immobilier en faveur du secteur agricole
En dehors des villes, des solutions émergent aussi. Alors que le secteur agricole se verra amputé de la moitié de ses agriculteurs d’ici dix ans, partis à la retraite sans être remplacés, le foncier agricole nécessite d’être repensé. Le projet du ReNouveau Paysan s’inscrit pleinement dans cet objectif : s’associer avec des bailleurs sociaux pour réhabiliter d’anciennes fermes et en faire des logements sociaux et paysans en prenant soin de préserver des espaces privés pour chacun. Ce procédé original et inédit vise à faciliter l’accès au foncier agricole pour les petits maraîchers et les aspirants paysans. Cette perspective de mixité sociale encourage la cohabitation entre des personnes avec un bail classique et les agriculteurs avec un bail rural à clauses environnementales (BRE). Cette aspiration au collectif permet de lutter également contre la solitude des agriculteurs, tout en offrant des espaces partagés avec d’autres locataires.
Avec le lancement des Trophées de la sobriété foncière et immobilière, qui ont recueilli 51 candidatures, l’ADEME met en lumière un éventail de solutions innovantes. Longtemps réduite à sa seule dimension énergétique — notamment dans le secteur du bâtiment — la sobriété s’envisage aujourd’hui de façon plus large. Pour refléter cette évolution, les Trophées s’organisent autour de trois catégories : « utiliser l’existant », « concevoir de manière sobre et évolutive » et « outils et dispositifs pour accompagner le changement ». Ils esquissent ainsi les contours de l’immobilier de demain.
Venez découvrir ces pionniers qui prouvent qu’un autre immobilier est possible !
Le 26 août 2025 se tiendra la présentation des collectivités lauréates dans le cadre d’un webinaire accessible à tous sur ce lien. Vous pourrez également retrouver l’ADEME ainsi que les Lauréats au Congrès National Bâtiment Durable le 5 septembre pour une table ronde intitulée « Quels modèles économiques pour l’immobilier et l’aménagement demain ? »