Le 25 janvier 2024, l’association Amorce déplorait que « les filières de collecte et de recyclage des secteurs du textile, des emballages plastiques ou des jouets n’aient pas atteint leurs objectifs environnementaux ». Nous avons voulu faire le point sur la question du recyclage avec Roland Marion, Directeur Économie Circulaire de l’ADEME.
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La France est, comme tous les autres pays, dans une situation où elle peut et doit s’améliorer, que ce soit sur la collecte, le maillage des capacités de recyclage et la réincorporation de la matière issue de recyclage dans les processus industriels. Pour autant, nous sommes parmi les « bons élèves » en Europe.
Ça signifie, déjà, que nous avons beaucoup progressé sur la collecte, le tri et le recyclage dans les dix dernières années. Par exemple, désormais chaque Français trie ses déchets d’emballage de la même manière, pour rejoindre des filières industrielles harmonisées et dont les capacités ont sensiblement augmenté.
Mais il y a de grandes différences de performances du recyclage selon les matériaux. Prenons l’exemple du plastique. Cette filière est très complexe, avec différentes résines, des modalités de collecte qui varient en fonction de la provenance (emballage, film agricole, équipement électronique…) et un recyclage qui doit finalement progresser. Aujourd’hui, seulement 25 % à 30 % du plastique utilisé est recyclé en fin de vie. La marge de progrès est donc importante. À l’inverse, pour le papier/carton, le taux de recyclage est supérieur à 80 %. Aujourd’hui, quand vous achetez du papier, il est majoritairement constitué de matériaux recyclés, les usines papetières utilisant des déchets triés et traités. Pour les déchets automobiles, on atteint même 95 % de recyclage. Le coût de la matière recyclée par rapport à la matière vierge est un élément encore fondamental dans ces filières. Les véhicules hors d’usage, qui sont acheminés dans des centres de dépollution puis sur les zones de recyclage, produisent une matière première qui couvre les coûts de collecte et de traitement. Le nerf de la guerre est souvent économique !
L’enjeu aujourd’hui, c’est de faire coïncider les capacités de recyclage avec les capacités de réincorporation de la matière recyclée dans des nouveaux procédés industriels. Tout ceci en augmentant le volume total de matières recyclées. Mais cela peut nécessiter de contourner la difficulté économique liée au fait que produire de la matière recyclée est souvent plus cher que produire de la matière vierge. Différents outils existent (obligations d’incorporation, modulation des éco-contribution pour n’en citer que deux), mais le soutien à l’investissement reste nécessaire. C’est pour cela que nous avons lancé en 2023 l’appel à projet ORMAT, renouvelé en 2024. Il fallait soutenir l’investissement !
ORMAT, acronyme d’Objectif Recyclage MATières, est un appel à projets qui vise à faire croître les capacités de production de matières premières recyclées et à leur trouver des débouchés industriels. Je rejoins d’ailleurs le constat formulé par l’association Amorce, nous avons encore des progrès à faire et pour cela, nous devons investir.
L’appel à projets s’intéresse à six grandes catégories de matériaux : les plastiques, les textiles, les métaux et batteries, les bois, les papiers/cartons, le verre et les matériaux minéraux. Ces matériaux, nous les retrouvons dans les produits de la consommation courante, comme l’électronique, le textile ou encore le mobilier. Pour beaucoup de nos produits quotidiens, une éco-contribution est collectée par un éco-organisme, qui doit atteindre des objectifs de collecte et traitement des déchets issus de la filière dont il a la responsabilité, au titre du principe « pollueur payeur ». Certaines de ces filières n’atteignent pas leurs objectifs, comme cela est dénoncé par Amorce. Il faut donc travailler avec elles pour identifier les installations de traitement potentiellement lacunaires, mais elles doivent aussi de leur côté s’engager à y diriger des flux de déchets à recycler, qu’elles auront capté et qui doivent croître.
Les entreprises en charge du tri, du sur-tri (qui permet de trier plus finement les différents plastiques en fonction de leur composition) et de la préparation des déchets en vue de leur transformation en Matière Première de Recyclage (MPR), qui souhaitent gagner en performance, augmenter leurs capacités ou tout simplement démarrer une nouvelle activité. Il concerne également les opérateurs qui transforment le déchet en MPR, ou encore les industriels qui incorporent cette MPR dans leurs produits en substitution de matière vierge… Avec ORMAT, l’ADEME veut favoriser la production locale de matières premières de recyclage, leur utilisation efficace et l’adéquation des capacités entre la production et d’utilisation des MPR. C’est essentiel si nous voulons réduire notre dépendance aux ressources primaires !
C’était une première édition très réussie ! Pourtant, lorsque nous avons lancé ce nouvel appel à projets, nous aurions pu avoir un doute sur l’appétence des filières industrielles à fournir un effort pour recycler davantage. En tout, 128 dossiers ont été déposés. Dans 35 % de ces dossiers un financement des études de configuration était demandé et 65 % ont permis de déclencher un investissement concret. Une grande majorité des dossiers traitaient des plastiques, dont nous savons qu’ils sont un enjeu majeur. De nombreux dossiers ont aussi été déposés concernant les métaux. Il faut innover pour accompagner les filières de la collecte à la réincorporation et pour que les déchets soient plus et mieux recyclés. ORMAT 2 est lancé cette année, avec un budget prévisionnel de 30 millions d’euros. Nous savons d’ores et déjà que nous aurons encore plus de dossiers déposés qu’en 2023 !
Les sucess stories d’Ormat
La première édition d’Ormat a été un véritable succès. Parmi les projets sélectionnés, on retrouve l’entreprise de recyclage Galloo qui a pu créer une ligne de sur-tri dans son centre à Halluin (59) afin d’augmenter de 30 000 tonnes par an son volume de matériaux recyclés. Quali-Filtres, cette entreprise à Saint-Égrève (38) qui peut désormais remplacer ses cartouches de filtration standard (à base de plastique neuf) en provenance de Taiwan et des Etats-Unis par des cartouches en matière recyclée et locales. Il y a l’entreprise Alomayjob à Mayotte (97), qui devant l’absence de solution de traitement des déchets plastiques, va lancer une usine de valorisation de bouteilles PET pouvant traiter entre 250 et 1 000 tonnes de plastique par an, tout en créant jusqu’à 15 emplois.