En Bretagne, des déchets de coquillages destinés à être enfouis trouvent une seconde vie sous forme de matériau design et durable. Ce procédé innovant, mêlant recyclage local et faible empreinte carbone, est désormais prêt à passer à l’échelle industrielle, ouvrant de nouvelles perspectives pour le secteur et pour l’environnement.
L’enjeu : un gisement de 250 000 tonnes par an à valoriser
Chaque année, la France génère environ 250 000 tonnes de déchets conchylicoles (restes de coquillages), dont seulement 5 à 10 % sont actuellement valorisés. Le reste est dirigé vers des installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND), avec un coût environnemental et économique non négligeable. C’est ce qui a inspiré Camille Callennec, Tanguy Blévin, Maxime Roux et Théo Joy à fonder ensemble en 2020 ce qui est aujourd’hui devenu une pépite française : Ostrea. Leur solution : concevoir un « terrazzo marin », un revêtement qui sert de substitut aux pierres naturelles ou synthétiques, composé de 65 % de coquillages recyclés (coquilles d’huîtres et de Saint-Jacques) et de 35 % de matrice minérale sans liant d’origine pétro-sourcé. Aujourd’hui, grâce à un nouveau site de 5 600 m² près de Rennes, à Thorigné-Fouillard (Ille-et-Vilaine) et un soutien massif de l’ADEME, l’entreprise Ostrea passe à l’échelle industrielle.
Un parcours semé de défis
Pour mettre au point son matériau breveté, Ostrea a mené deux années de recherche fondamentale. Le premier défi résidait dans la variabilité naturelle des coquillages : selon leur espèce, leur provenance ou leur état, les coquilles diffèrent en granulométrie, taux d’humidité ou résidus organiques, compliquant la création d’un matériau homogène et résistant. Le second défi concernait le nettoyage et la préparation : chaque coquille doit être débarrassée des impuretés et broyée avec précision, ni trop fin pour conserver l’effet terrazzo, ni trop grossier pour ne pas fragiliser la structure. Parallèlement, il fallait concilier performance et impact environnemental. La matrice minérale, sans liant pétrosourcé, apporte une résistance et une facilité de mise en œuvre, tout en limitant l’empreinte carbone. Enfin, Ostrea a structuré une filière locale d’approvisionnement : si la Bretagne et la Normandie fournissent un gisement abondant, la collecte, le transport et la logistique devaient rester cohérents avec les ambitions durables du projet.
Ostrea a été lauréat 2024 de l’appel à projets ORMAT (Objectif Recyclage des Matières) porté par l’ADEME, qui accompagne les acteurs du recyclage et les entreprises pour encourager l’incorporation de matières recyclées dans leurs produits semi-finis et finis.
Une nouvelle usine qui multiplie la production
Le matériau final a trouvé des débouchés dans le mobilier, les plans de travail et les revêtements de sol. Le 9 octobre 2025, Ostrea a inauguré son nouveau site de production de 5 600 m² à Thorigné-Fouillard (35). Ce nouvel outil, soutenu à hauteur de près de 500 000 € par l’ADEME, a permis de quintupler la surface de production (initialement de 1 000 m²) et d’acquérir un parc de machines haute performance pour atteindre une meilleure productivité. « Nous allons pouvoir multiplier notre production par 40 » explique Camille Callennec, CEO d’Ostrea. Grâce à ces nouveaux équipements, le site pourra également recycler jusqu’à 90 % de l’eau nécessaire à la production, dans une logique d’économie circulaire. L’usine valorisera d’abord 2 000 tonnes par an de déchets coquilliers avec un recours aux gisements locaux : coquilles Saint-Jacques de Saint-Brieuc et de Normandie. La montée en cadence se fera progressivement.
L’ADEME nous a soutenus dans le financement de nos machines industrielles, une étape clé pour accélérer notre mission de revalorisation des déchets coquilliers.
Emplois, marché et ambitions européennes
Aujourd’hui, Ostrea compte 25 collaboratrices et collaborateurs et prévoit 6 à 8 recrutements supplémentaires sur les deux prochaines années. La levée de fonds de 5 millions d’euros réalisée en mars 2025 consolide l’ambition de déployer sa technologie à l’échelle nationale, puis européenne. L’objectif : construire d’ici trois à quatre ans une usine européenne capable de répondre à la demande internationale.