L’usine Essity d’Hondouville (Eure), qui fabrique des essuie-mains à partir de vieux papiers, teste un procédé visant à valoriser un coproduit de ce recyclage, le carbonate de calcium, en matériaux de construction. Cela représenterait une importante réduction d’impacts et un gain de compétitivité, tant pour le secteur du papier que pour celui des cimentiers.
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Le recyclage « zéro déchet »
Le papier et le carton contiennent des fibres de cellulose, mais aussi d’autres substances qui servent notamment à les rendre plus solides ou plus faciles à imprimer. Or, lors du recyclage, seules les fibres de cellulose sont récupérées pour produire de la nouvelle pâte à papier. Le reste, soit environ un tiers du poids des déchets entrant, est lessivé avec les encres et constitue les boues papetières, riches en matières minérales. « Une part de ce mélange peut être utilisé dans le processus de fabrication de briques en terre, mais ce débouché est assez limité. La majeure partie part à l’épandage ou à l’incinération, ce qui présente moins d’intérêt, d’un point de vue écologique et économique, qu’une valorisation matière », indique David Stephan, directeur de l’usine Essity d’Hondouville, qui fabrique du papier toilette et des essuie-mains, à partir de vieux papiers, cartons et de briques alimentaires, destinés au marché professionnel.
Engagé dans une stratégie « zéro déchet industriel », le groupe Essity s’est rapproché de l’institut Jean Lamour de Nancy et de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Strasbourg afin de développer un procédé inédit. Il s’agit de porter à haute température les boues papetières, de récupérer les cendres qui résultent de cette calcination pour en extraire le carbonate de calcium, puis de donner à ce dernier les propriétés physico-chimiques qui permettraient aux cimentiers de l’utiliser comme liant dans des enrobés routiers ou comme additif dans des bétons bas carbone. Le tout en flux continu, directement à la sortie de l’usine.
Valorisation matière et chaleur
Le projet, baptisé CalBouVal, fait partie des lauréats de l’appel à projets « Solutions innovantes pour l’amélioration de la recyclabilité, du recyclage et de la réincorporation des matériaux », lancé par l’ADEME en 2021, dans le cadre de France 2030. « Il répondait d’autant plus parfaitement à nos critères qu’il intégrait, en plus, un système innovant de récupération de chaleur », indique Mathieu Glais, chef de projets France 2030 à l’ADEME. Le consortium compte en effet un autre partenaire : l’entreprise Hevatech, spécialiste des moteurs H2P (Heat to power), capables de transformer la chaleur fatale des fumées « non propres » dégagées par le procédé en air chaud ou en électricité.
L’aide reçue a permis de construire le démonstrateur industriel. Depuis septembre 2024, l’installation fait l’objet de nombreux tests et ajustements, afin de parfaire le procédé défini en laboratoire et de le mettre à l’échelle. Les premiers résultats étant très prometteurs, l’entreprise espère pouvoir le raccorder à sa ligne de production entre 2026 et 2027 et industrialiser la production de carbonate de calcium d’ici à 2028. Le cimentier Eqiom s’est déjà proposé pour tester la qualité du minéral et, si celui-ci lui convient, en devenir client.
Moins de pression sur les ressources et moins de transports
« Si elle se concrétise, la technologie développée dans le cadre du projet CalBouVal réduirait l’empreinte environnementale de deux secteurs industriels, se réjouit Nolwenn Touboulic, ingénieure Économie circulaire à l’ADEME. Pour les papeteries, il contribuerait à améliorer la compétitivité et le bilan environnemental des usines de recyclage, en optimisant la valorisation matière des déchets papiers/cartons et en réduisant la facture énergétique des sites. Pour le secteur cimentier, il limiterait la pression sur les carrières de calcaire et éviterait d’importantes consommations d’énergie, liées au chauffage de ce calcaire et à sa transformation en carbonate de calcium. » Les retombées attendues du projet ne sont pas négligeables. En effet, Essity prévoit de le répliquer sur plusieurs de ses sites produisant des papiers d’hygiène à partir de papiers usagés, tandis qu’Eqiom dispose de nombreuses cimenteries dans le monde.