Résultats significatifs

Ammoniac : tester des pratiques et favoriser le transfert de connaissances

Sous la pression des enjeux réglementaires, la recherche s’amplifie pour mieux évaluer les facteurs d’émission, identifier les bonnes pratiques et transférer les connaissances acquises vers les acteurs.


La réglementation, qui a intégré tardivement l’agriculture, s’intensifie progressivement pour les polluants agricoles majeurs (ammoniac et particules fines PM2,5 en particulier). Le respect des plafonds d’émissions nationaux est maintenant une obligation, visé d’abord par le protocole de Göteborg puis la directive européenne 2016/2284/UE1. Pour la France, l’objectif à atteindre en 2030 est d’abaisser de 13 % les émissions d’ammoniac (NH3) par rapport à 2005. Enfin, la directive IED (Industrial Emission Directive) reste toujours d’actualité pour réglementer les sources agricoles d’émissions locales dans les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Les conditions d’autorisation de ces installations doivent être fondées sur les meilleures techniques disponibles (MTD), documentées par des « BREF » (Best available techniques REFerence documents). Au total, environ 6 950 ICPE sont visées en France, parmi lesquelles on dénombre en agriculture près de 3 400 élevages.

De la recherche aux démonstrateurs

Afin de répondre à ces défis réglementaires, la thématique a été déclinée pendant plusieurs années au travers des programmes PRIMEQUAL et CORTEA ciblant une meilleure évaluation des facteurs d’émissions, une identification des pratiques les plus efficaces pour réduire la volatilisation de l’ammoniac ou encore l’amélioration métrologique et l’évaluation des impacts de ce polluant.
Sur la base des connaissances acquises, et pour favoriser le déploiement de matériels et pratiques agricoles en faveur d’une réduction des polluants, l’appel à projets Agr’Air, présenté brièvement en fin d’article 1, a permis de soutenir 6 projets concernant la réduction des émissions d’ammoniac et 3 relatifs aux alternatives du brûlage des résidus agricoles, source de particules. 
Agr’air a permis de tester des équipements limitant les émissions de NH3 et/ou de PM qui n’auraient pas été déployés en l’absence d’obligation réglementaire (comme par exemple pour réduire les émissions ammoniacales dans le projet MethaN’H3 en Bretagne, avec des couvertures de fosses à lisier intégrant une récupération de biogaz dans le dispositif Nénufar). Bien que certains investissements prévus dans les projets (en particulier des achats de matériels) aient dû être différés ou abandonnés en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, et de ce fait n’ont pas permis d’aller aussi loin que prévu dans la réduction d’émissions de polluants au sein des exploitations pilotes, Agr’Air a démontré que les solutions testées en faveur de la qualité de l’air sont réellement efficaces. Les projets suivants en apportent des exemples, ciblant le NH3.

Épandre des engrais en limitant la volatilisation de l’ammoniac au champ

L’objectif du projet DINAMO était de montrer l’intérêt de l’épandage de lisier suivant plusieurs matériels (buse palette, pendillard, injection type chisel) et pratiques (enfouissement) de réduction d’émissions de NH3. Les essais, réalisés avec des conditions météorologiques favorables aux émissions, ont montré par exemple qu’un épandage par chisel avec l’injection directe du lisier dans le sol permettait une diminution de 80 % des pertes azotées. Dans cet essai, le rendement obtenu avec la culture semée a été plus important, compensant nettement le surcoût de l’épandage lié à l’amortissement du matériel d’injection. Globalement, en considérant l’ensemble des matériels et pratiques testés aux divers postes (épandage, bâtiment d’élevage, alimentation des animaux) dans le réseau des fermes impliquées, on obtient une réduction très intéressante de 4 à 18 % des émissions totales de NH3 par ferme.
Sur le département Nord-Pas-de-Calais, on estime que près de 9 000 tonnes de NH3 sont émises dans l’air lors d’épandages agricoles sans mesure de réduction. Le projet Epand’Air a montré que l’association de matériel d’épandage moins émissif en NH3, avec une forte réorganisation du travail pour enfouir rapidement, et en adaptant les pratiques (épandage sur couvert, prétravail du sol, conditions météorologiques…), permettrait de limiter les émissions de NH₃ lors des épandages d’engrais organiques et minéraux (jusqu’à 22 % selon les scénarios, voire 33 % pour le plus ambitieux).

Valoriser des fumiers équins

Le projet IRAEE a montré l’intérêt de valoriser par ­compostage des fumiers équins, ce qui permet d’utiliser l’azote en amendement organique (dans ce projet du crottin de cheval). Jusqu’à 250 tonnes par an de fumiers équins ont été valorisées pour fertiliser les sols du territoire grâce à la création d’une Cuma (coopérative d’utilisation de matériel agricole) de compostage, Equicompost Var, démontrée rentable sur cinq à sept ans avec les prêts contractés, qui a mis en relation quatre maraîchers, un viticulteur et un centre équestre (situés en zone proche).

Soutenir le transfert des résultats vers les utilisateurs

La valorisation des connaissances acquises est au cœur des priorités de l’ADEME, afin de favoriser la transition des systèmes productifs vers la mise en place de leviers connus et robustes en faveur de la qualité de l’air. Outre les actions menées par PRIMEQUAL et CORTEA, on peut citer : 
– La base de données ELFE (Élevages et facteurs d’émissions) : accessible aux personnes qualifiées dans le domaine de la mesure des émissions gazeuses, elle vise à produire des références régionales d’émissions et de concentrations en gaz spécifiques des différentes catégories d’élevages ;
– L’ouvrage « Mesurer les émissions gazeuses en élevage, gaz à effet de serre, ammoniac et oxydes d’azote » ; 
– L’ouvrage « Agriculture et qualité de l’air : comprendre, évaluer, agir » ;
– Le guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air
Dans un contexte de climat changeant et de plus en plus incertain d’une année à l’autre, l’acquisition de résultats de recherche reste indispensable pour contribuer à l’évolution du système productif agricole. Ces connaissances peuvent alimenter des travaux de prospective en représentant l’effet sur la qualité de l’air des différents leviers mis en place, afin d’aider au choix des trajectoires à suivre en fonction des objectifs visés à l’horizon 2050, comme celui en particulier de la neutralité carbone.

  1. Directive (EU) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/CE (dite NEC – National Emission Ceilings).

Des évolutions à venir ?

Des discussions au niveau européen viseraient à réduire davantage le plafond d’émission de lammoniac à horizon 2030. Le calendrier et lampleur de ces révisions ne sont pas stabilisés, mais des contraintes grandissantes concernant le respect du plafond national d’émission sont plausibles. Au niveau national, la mise à jour du PREPA pour la période 2022-2027 définira par secteurs les actions à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs de réduction d’émissions de polluants. Le plan matériels d’épandage moins émissifs (PMEE) 2020-2025, adopté en janvier 2021 et qui vise la réduction des émissions dammoniac, cherche à horizon 2025, grâce à la mise en place de coups de pouce réglementaires et financiers, à inciter les acteurs de la filière agricole à opter pour du matériel plus performant tel que les rampes à pendillards ou bien les injecteurs, et à supprimer lusage de la buse palette, considérée trop polluante.