La préservation de la nature, la limitation de son atteinte et la renaturation, selon une logique suivant la séquence « éviter-réduire-compenser » (ERC), interrogent la recherche sur la ville, tant au niveau des échelles spatiales et temporelles que des politiques à mettre en place et leurs instruments.
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Des décennies de recherche ont permis de reconnaître différents services écosystémiques rendus par la nature. Ainsi, la végétalisation est convoquée pour relever des défis environnementaux et de biodiversité certes, mais aussi climatiques, sociaux et sanitaires.
La nature remplit ainsi un rôle d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, de régulation des microclimats urbains, de lutte contre l’îlot de chaleur urbain. Elle a aussi un rôle social à jouer en favorisant le bien-être urbain, les déambulations et probabilités de rencontres dans un espace apaisé et de qualité ; et aussi une fonction sanitaire, via l’impact potentiel sur la qualité de l’air, voire sur la santé psychique. Si la nature en ville concourt à l’ensemble de ces défis, les réponses s’expriment à différentes échelles de la planification, de l’aménagement et de l’agir urbain et s’inscrivent dans des instruments de natures différentes. Les réponses attendues questionnent aussi la disponibilité des outils à inventer ou à mobiliser pour aider aux meilleurs choix. L’enjeu est de maximiser les impacts positifs de la nature et de faciliter sa prise en compte dans les cadres de vie, artificialisés ou non, en y intégrant les questions de sa gestion dans le temps (évolution du climat, cycle de l’eau, entretien…). Différents travaux de recherche, initiés ou suivis par l’ADEME, permettent de poser les bons questionnements aux bonnes échelles sur la place du végétal en ville.
Prendre en compte l’îlot de chaleur urbain : interprétation du projet ARTISAN
Le projet Life ARTISAN, dont l’ADEME est partenaire, recense les Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) en permettant une analyse sémantique quantitative ou qualitative de leurs contenus. Dans ce contexte, un travail spécifique1 a été conduit pour appréhender les solutions mises en place pour lutter contre l’îlot de chaleur urbain dans les PCAET.
Premier constat, parmi les 183 PCAET recensés, l’analyse sémantique ne fait ressortir que 12 plans utilisant au moins une fois l’expression « îlot de chaleur urbain », alors qu’ils sont 134 à parler de biodiversité et 84 d’adaptation. L’analyse qualitative sélectionne 70 plans sur des critères de réponses aux différents aléas climatiques. Sur ces 70 PCAET, 33 proposent des solutions de lutte contre l’ICU : 33 % des solutions vertes et 57 % des solutions douces relevant de la planification urbanistique.
Ce travail souligne l’importance des solutions douces et vertes et montre que l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans les documents de planification n’est pas encore systématique, ni très opérationnalisée. Pour le moment, il s’agit souvent d’un encouragement à la végétalisation.
Optimiser l’intégration du végétal dès la conception du cadre de vie
Le projet MESH 2C a pour objectif d’optimiser l’intégration du végétal et des SAfN par la modélisation dès la conception du cadre de vie et à mieux comprendre les relations entre projet urbain et ressenti climatique.
L’aboutissement de cette recherche vise la production d’un outil d’aide à la conception 3D des formes architecturales et urbaines intuitif et puissant pour qualifier ce confort thermique.
Si les premiers résultats soulignent l’importance de l’ombrage des arbres comme des bâtiments dans le rafraîchissement urbain et dans son ressenti, ils révèlent aussi que la densité végétale n’est pas une garantie de confort thermique car les masses végétales peuvent ralentir les circulations d’air. Il est donc déterminant de préserver une aéraulique dynamique dans les tissus urbains et de constituer une base de données sur les arbres pour évaluer les apports de chaque essence en fonction des conditions microclimatiques.
Créer des oasis urbaines, pour le confort thermique et le bien-être des habitants
Trois projets, IUPI, OASIS et RECRé, issus des APR MODEVAL-URBA, permettent d’identifier les conditions concrètes de la mise en œuvre des oasis en tissu urbain constitué.
Le projet OASIS permet de définir et de circonscrire les aménités attendues des oasis urbaines. Ainsi, l’omniprésence du végétal joue un rôle déterminant pour l’ambiance visuelle, sonore et thermique des oasis. La nature y est souvent perçue un peu moins domestiquée et est évocatrice des saisons qui passent. L’oasis urbaine est vivante, traversée de flux piétons, poussettes, trottinettes, générés par des lieux de type écoles, commerces, jeux d’enfants, terrains de sport…
Le projet IUPI étudie les interstices urbains, de façon interdisciplinaire, du point de vue de l’aménagement et de leur perception par les citadins. Au-delà d’une cartographie des espaces verts, il vise à analyser les critères d’appropriation par les habitants des interstices, et la richesse écologique de ces espaces. Ce travail, encore en cours, présente déjà quelques résultats intéressants. Ainsi, les riverains acceptent d’autant mieux l’interstice et projettent son devenir qu’il est proche d’aménités urbaines.
Dans le cas de la flore, ces interstices semblent héberger autant d’espèces implantées que d’espèces spontanées. Plus intéressant encore, ces espaces semblent jouer un rôle non négligeable dans le maintien d’espèces patrimoniales. La taille du site, la diversité végétale et sa gestion sont autant de paramètres influençant la biodiversité animale.
Le projet RECRé, largement détaillé dans l’interview qui suit, vise à appréhender comment et pourquoi transformer les cours d’école, très largement imperméabilisées, en oasis urbaines ouvertes aux publics. Il s’agirait alors de considérer les cours d’école comme des écosystèmes urbains, répondant à des enjeux de confort d’usage, ce qui amène à interroger les services socio-culturels (tels que les aménités esthétiques, spirituelles, récréatives, éducatives) que ces espaces peuvent offrir dans le cadre de leur transformation.
Ainsi, la question de la nature en ville interroge celle de la nature de la ville face à une société de plus en plus majoritairement urbaine.
1. « La planification stratégique et territoriale pour l’intégration des solutions d’adaptation fondées sur la nature et la lutte contre l’îlot de chaleur urbain : le cas des PCAET » , Élodie BRICHE, Baptiste SALMON, Aurélie TAILLEUR, Charlotte DA CUNHA.
Quelques précisions
Les solutions d’adaptation fondées sur la nature (SAfN) visent à favoriser la conservation de la biodiversité et la fourniture de services écosystémiques ciblés sur les impacts des changements climatiques permettant à nos sociétés d’être plus résilientes face à ces enjeux (Life Artisan).
« L’oasis urbaine », selon le projet OASIS, est « une parenthèse, propice à la détente et au bien-être, un environnement extérieur, à forte présence végétale, produisant une perception cohérente de calme et de fraîcheur, propice à l’apaisement des comportements ».
L’expression « phénomène d’îlot de chaleur urbain » a fait son apparition vers le milieu du XXe siècle. Elle fait référence à un phénomène d’élévation de température localisée en milieu urbain par rapport aux zones rurales voisines.
Un micro-climat désigne le climat d’une petite couche atmosphérique adjacente à une surface telle que le sol, le tronc d’un arbre, etc. (Beltrando et Chéméry, 1995).