Résultats significatifs

Comment favoriser les démarches de transition?

Pour favoriser la transition écologique, il faut comprendre les déterminants des logiques d’action des individus, mais aussi les leviers permettant de généraliser ces comportements individuels à l’échelle d’un collectif. Quels sont les leviers de massification des changements de comportement et des démarches de transition ?


Les recherches issues de l’APR TEES nous apportent de premières pistes de recommandations : comprendre la motivation individuelle à agir, s’appuyer sur les plus convaincus et la dynamique de groupe pour engager une démarche de changement et favoriser la coopération et la transversalité.

Comprendre la motivation individuelle à agir

Chacun a ses propres motivations à agir. Dès lors, comment organiser une action au service de l’environnement ? Comment donner du sens à l’action individuelle pour engager et pérenniser les changements de pratiques ? Il s’agit tout d’abord de dépasser l’argument environnemental. En effet, il est extrêmement difficile d’inciter des personnes à changer si les raisons de ce changement ne leur apparaissent pas pertinentes ou ne les concernent pas. Montrer des bénéfices individuels et/ou collectifs qui font sens pour chacun permet une meilleure appropriation des enjeux environnementaux et de la nécessité de changer. Or il apparait dans les recherches que l’environnement est rarement la motivation première. Le projet CONDUIRE montre que l’usage de l’automobile, notamment en zone peu dense, est relativement délié de la sensibilité environnementale. Plusieurs projets (DIET4TRANS, APPEAL) soulignent qu’il est préférable de s’appuyer sur d’autres arguments (la santé, le gain économique, l’image de soi, le plaisir…) pour sensibiliser et mobiliser.

Ensuite, il est essentiel de donner du sens à l’action. 
Promulguer des messages positifs et déculpabilisants facilite l’adhésion au changement, tout comme réduire la distance (temporelle, spatiale, sociale) entre l’objet du message et l’individu. Parler du proche, du local est plus efficace que de parler de quelque chose de lointain et collectif. Les recommandations issues de certains projets insistent sur le caractère concret du message pour faire sens et augmenter ainsi la motivation à agir (TRANSPHERES, PUNCH, APPEAL, SENSI-GASPI). Ces travaux montrent par ailleurs que, pour être pérenne, la décision de changer doit découler d’une volonté individuelle. Plus la motivation sera intrinsèque et profonde, plus l’engagement sera fort. Alors que si l’action est attribuée à un facteur extérieur (obligation ou récompense), sa durée ou son champ seront limités à la situation en question.

Enfin, il est important de développer les capacités d’action individuelles. Les recherches s’accordent sur l’importance d’agir sur le sentiment de contrôle des individus, généré à la fois par le contexte matériel et organisationnel qui conditionne la pratique, mais aussi par l’accompagnement au changement (TRANSPHERES, APPEAL, SENSI-GASPI). Le projet DULCE montre que pour garantir la pérennité des changements, il est important de rendre les foyers capables de s’emparer des informations sur les économies d’énergie qui leur sont fournies et de les traduire en actions.

S’appuyer sur les plus convaincus et la dynamique de groupe

Il s’agit tout d’abord d’accompagner les plus convaincus pour en faire des « ambassadeurs ». Les projets issus de l’APR TEES révèlent que ce sont très souvent les publics déjà sensibilisés qui participent aux actions/dispositifs de changement. L’accompagnement reste en effet nécessaire pour passer des intentions à l’action. En accompagnant les convaincus qui n’ont pas encore passé le pas, c’est le processus de diffusion qui s’engage. Ces « ambassadeurs » ou « pionniers » essaimeront ensuite leurs pratiques autour d’eux et, petit à petit, ces pratiques se généraliseront dans la société. Le projet DIET4TRANS préconise par exemple de s’appuyer sur ceux qui ont déjà adopté des éco-gestes.

Ensuite, il est essentiel de miser sur les groupes de pairs. La dynamique de groupe, en particulier des pairs, joue un rôle majeur pour engager, consolider et pérenniser les pratiques. Le projet TRANSPHERES conclut que le transfert de pratiques sur le lieu de travail sera plus fort s’il provient d’un collègue plutôt que de la direction RSE. Le projet TI AMO montre, lui, l’influence déterminante des pairs pour faire évoluer la position des élus à l’échelle des collectivités. Les recherches conduisent à encourager le partage d’expériences entre pairs, notamment à travers le développement de cadres d’échange à l’échelle locale, régionale voire nationale (PRAIRIE, RECYCLUSE). Le projet COMPOST conclut que pour faire fonctionner un site de compostage, trois leviers sont nécessaires : le soutien institutionnel avec l’installation de l’infrastructure ; la formation et la qualité des référents ; la dynamique collective et le cadre socio–spatial qui garantit la pérennité.

Favoriser la coopération et la transversalité

Favoriser le déploiement de la transition écologique nécessite de limiter les décalages qui peuvent s’observer entre les intentions et modes d’action des uns, et les besoins et attentes des autres. Comment s’adapter aux contextes territoriaux, sociaux et économiques ? Et comment embarquer les parties prenantes ?

Les démarches de co-construction permettent une appropriation du changement plutôt que de susciter le sentiment de quelque chose d’imposé qui déboucherait sur un manque d’engagement voire un rejet. Afin de mettre en place une tarification incitative des déchets par exemple, le projet TI AMO recommande d’impliquer les usagers très en amont pour prendre en compte concrètement leurs attentes dans l’élaboration des grilles tarifaires. Le projet RESCOMPTE, qui s’intéresse au rejet des compteurs Linky par la population, montre que faire accepter « après coup » le dispositif aux habitants suscite des blocages. Les valeurs ou craintes de la population ne sont pas suffisamment prises en compte, et les bénéfices du compteur probablement pas assez partagés.

Ensuite, il est essentiel de s’appuyer sur les écosystèmesd’acteurs pour favoriser le changement d’échelle (RECYCLUSE, CORELAB, ESADICAS). Les recherches issues de l’APR TEES insistent sur le besoin de mettre en lien les acteurs publics, privés, associatifs d’un territoire et de renforcer les partenariats dans une logique de transversalité. Elles révèlent l’importance de la dimension systémique à la fois dans les enjeux de gouvernance mais aussi pour s’adapter au mieux aux logiques individuelles. Les projets TRANSPHERES, PRAIRIE ou encore SENSI–GASPI montrent que des passerelles sont possibles entre les différents domaines (énergie, déchets, mobilité), et ouvrent des perspectives sur des cadres d’action transversaux. Par exemple en expliquant que la tarification incitative n’est pas une fin en soi, mais constitue un outil au service d’une réduction des impacts environnementaux, le projet TI AMO souligne les possibilités de synergie entre le service déchets et d’autres services (urbanisme, eau potable…). Le projet CONDUIRE suggère même de construire de nouvelles expertises au sein des collectivités combinant problématiques économiques et sociales, d’aménagement, de transport, d’urbanisme et d’écologie. Le décloisonnement des politiques sectorielles apparaît prometteur mais suppose, pour les collectivités, de sortir de leur cadre de compétences administratives. Ces enseignements et premières recommandations pour l’action publique restent à approfondir, et les projets issus des prochaines éditions de l’APR TEES apporteront de nouveaux éclairages. 

Le séminaire du 4 février 2021

Dans la continuité du séminaire organisé le 4 juin dernier, cette journée aura pour ambition de poursuivre les échanges et d’aller plus loin dans la co-construction de recommandations pour l’action publique en faisant dialoguer chercheurs et acteurs territoriaux autour des enseignements de recherche et problématiques territoriales.

La troisième édition de l’APR TEES sera lancée début février 2021. Elle propose trois volets transversaux aux domaines d’intervention de l’ADEME : la gouvernance des projets de transitions écologiques ; les outils et instruments en appui aux démarches de transition ; les conditions de soutien et de pérennisation aux démarches de transition écologique.