Résultats significatifs

Quel apport des micro-capteurs pour améliorer la qualité de l’air et préserver la santé ?

L’APR DIQACC visait à mieux comprendre l’apport des outils d’évaluation de la qualité de l’air, en particulier les micro-capteurs, sur les comportements individuels et collectifs, à travers cinq projets de recherche.


L’étude « Liens entre données individuelles, changement de comportement et mise en œuvre de pratiques favorables à la qualité de l’air – Quel apport des micro-capteurs ? » a montré que de nombreuses expérimentations à travers le monde mettent à disposition des citoyens des micro-capteurs leur permettant d’accéder à une donnée individuelle de qualité de l’air, extérieur et/ou intérieur. La donnée peut également être consultée sur des applications numériques qui partagent des données mesurées ou calculées par des tiers mais plus contextualisées géographiquement que des données génériques. Pour comprendre quelle part joue le capteur dans le processus de changement de comportement, l’ADEME a lancé en 2018 un appel à projets de recherche DIQACC « Données individuelles de qualité de l’air et changement de comportement ». Cinq recherches ont ainsi été soutenues par l’ADEME.

Vers une objectivation du niveau de pollution de l’air

Le projet AccPrepa « Apports des micro-capteurs dans les changements de comportement écoresponsables » visait à évaluer quantitativement et qualitativement la plus-value de l’utilisation auprès du grand public de micro-capteurs de qualité de l’air intérieur et extérieur pour faire adopter de « bons » gestes sur une durée de trois mois. Trois groupes expérimentaux de 40 personnes chacun ont été constitués :

  • Un groupe « Témoin » pour tester la « normalité de la situation » sans application de variable, qui n’a eu ni formation en ligne, ni suivi SMS, ni prêt de micro-capteur.
  • Un groupe « Formation », qui a bénéficié d’une formation en ligne et d’un suivi SMS.
  • Un groupe « Capteur », qui a bénéficié d’une formation en ligne, d’un suivi SMS et a été équipé de micro-capteurs de particules fines AirBeam2 pendant un mois.

L’évaluation s’est basée sur une échelle d’attitude spécifiquement créée pour mesurer les changements de comportement vis-à-vis de la qualité de l’air. Au bout de trois mois, les scores des groupes « Formation » et « Capteur » ont significativement augmenté par rapport à ceux du groupe « Témoin ». Par rapport au groupe « Formation », les personnes équipées de capteurs ont pu objectiver le niveau de pollution de l’air, détecter des sources de pollution propres à leur environnement, et changer ou imaginer des changements qui n’auraient pas eu lieu sans la mesure par le capteur.
Des résultats comparables se retrouvent dans le projet QALIPSO, « Qualité de l’air intérieur, micro-capteurs et comportement des occupants ». Une campagne de terrain de quatre mois impliquait 40 familles, équipées dans leur logement d’un système de capteurs. Les résultats du projet confirment la pertinence de la mise à disposition de données individualisées afin de sensibiliser le public aux enjeux de la qualité de l’air intérieur. Cela permet l’amélioration des connaissances, la déconstruction de certaines idées reçues et l’adoption de pratiques nouvelles et pérennes. L’équipe de recherche a cherché à savoir si le capteur pouvait avoir un effet sur la stabilisation, dans la durée, du changement de comportement. Ainsi, une enquête a été menée un an après l’expérimentation. Il s’avère que l’expérience a été marquante pour les utilisateurs  : le geste d’aération est pérenne, et nombreux sont ceux qui se demandent encore comment le capteur réagirait à telle ou telle de leurs activités.

Accompagner les personnes équipées de capteurs pour faire émerger de nouvelles pratiques

Dans ces projets de recherche DIQACC, différents protocoles d’accompagnement autour des micro-capteurs ont été imaginés et testés. Dans QALIPSO, certaines des personnes recrutées ont eu accès à des plaquettes d’information ou à des visites de conseillers. Dans ces cas-là, et contrairement aux cas où les personnes recrutées ne bénéficiaient d’aucun accompagnement, on observe que de nouvelles pratiques (autres que l’aération) peuvent se mettre en place. Ainsi, dans les configurations où des informations sur les pratiques vertueuses sont mises à disposition et expliquées, soit par des brochures soit par des conseillers, une plus grande palette de pratiques est testée. Il est utile d’expliquer les bonnes pratiques. L’indication du micro-capteur, qui fonctionne à la manière d’un nudge, déclenche une réaction de type réflexe, comme l’aération. Mais elle ne permet généralement pas d’enclencher une posture réflexive et approfondie pour interroger les pratiques. Nous rencontrons là les limites d’un outil technologique pris isolément, en dehors d’une démarche globale d’accompagnement. Qu’en est-il d’un accompagnement numérique ? Dans le projet ALLO « Accompagner les habitants pour l’intégration de la qualité de l’air dans leur logement », dix foyers volontaires ont été recrutés dans deux bâtiments de l’OPH de La Rochelle et ont été équipés de tablettes numériques type « portier » leur offrant une interface attractive et facilement accessible pour consulter des données en matière de confort et de qualité de l’air intérieur. Les résultats de l’enquête sociologique montrent que les tablettes ont été peu utilisées, et que les fonctionnalités permettant d’avoir accès à des informations plus précises n’ont pas été explorées. Ainsi, contribuer à la montée en compétences des habitants sur le sujet de la qualité de l’air, c’est-à-dire qu’ils détectent une source de pollution, qu’ils connaissent les pratiques pour y remédier et qu’ils les adoptent, ne peut se limiter à fournir un équipement technologique, que ce soit des micro-capteurs seuls ou des micro-capteurs avec une plateforme numérique.

Le programme Ambassad’air

Le programme Ambassad’air est une initiative menée par la ville de Rennes qui consiste à prêter des micro-capteurs à des volontaires pour qu’ils deviennent ambassadeurs de la qualité de l’air. Le projet CAPCI, soutenu par DIQACC, a analysé les trois premières années de captation citoyenne du programme afin de répondre à la question suivante : les métrologues citoyens deviennent-ils des porteurs de cause, capables de faire évoluer les comportements sur la qualité de l’air ?
Le projet souligne que mesurer la qualité de l’air est considéré comme un acte citoyen pour la plupart des participants, qui sont souvent ouverts à l’adoption de protocoles de mesure parfois contraignants afin de mieux connaître et comprendre la qualité de l’air de leur ville.
Elle montre également que l’accompagnement des citoyens ambassadeurs est essentiel, notamment par l’organisation d’échanges entre pairs et avec des experts.

Autre résultat de ce programme de recherche : si la mesure issue des micro-capteurs joue un rôle dans le dévoilement du sujet « qualité de l’air » et éventuellement dans le changement des pratiques, elle n’en est qu’une des facettes. D’une part, les expérimentations ont montré un vrai besoin d’accompagnement pour une montée en compétences. D’autre part, il apparaît que la dimension collective est indispensable à l’émergence de nouvelles pratiques. D’abord parce que la qualité de l’air ne repose pas entre les seules mains des individus mais qu’elle est la résultante de plusieurs systèmes d’acteurs complexes, ensuite parce que les pratiques des individus s’inscrivent aussi dans des dynamiques collectives à plusieurs échelles (famille, quartier, territoire…).

Les recherches de DIQACC rappellent les limites de laisser les individus seuls, même équipés d’un micro-capteur, face au changement. L’entraide et le sentiment d’appartenance sont des processus sociaux qui ont montré leur force pour enclencher des dynamiques, comme cela a été observé dans le domaine de l’énergie avec le défi « Familles à énergie positive ». Créer des collectifs autour des environnements intérieurs, autour de rues ou de quartiers permettrait peut-être de juguler la posture fataliste retrouvée dans nombre de projets. DIQACC a montré que la mise à disposition de capteurs auprès du grand public est pertinente, en matière d’appropriation des connaissances des individus sur le sujet, à la condition que cette mise à disposition soit accompagnée d’une montée en compétences et qu’une animation collective soit prévue dans le dispositif. Des réflexions sont à poursuivre quant aux acteurs à impliquer et aux moyens à mettre en œuvre pour capitaliser sur ces initiatives.