Exposé

Comportements et usages dans les bâtiments

L’ADEME a de longue date financé des travaux de recherche dans le champ de l’efficacité énergétique des bâtiments, y compris en mobilisant les sciences humaines – notamment la sociologie –, pour mieux documenter le volet comportemental des enjeux de maîtrise des consommations d’énergie.


Le bâtiment est un système sociotechnique où l’occupant a une place centrale

En concevant des bâtiments, qu’il s’agisse de logements, de bureaux, de commerces ou de bâtiments publics, les professionnels cherchent à conjuguer équilibre architectural et technique afin de répondre au mieux aux enjeux d’efficacité énergétique. Or on constate que, lorsque les occupants ne sont pas associés et sensibilisés au fonctionnement, voire à la conception même du bâtiment, cette optimisation ne se traduit pas pleinement par une réduction de ses impacts énergétiques et environnementaux. On rencontre en effet de multiples exemples d’inadaptation entre certains choix, effectués en phase de conception, et la réalité des usages. Les bonnes intentions techniques ne rencontrent pas leurs usagers ou les pratiques des occupants diffèrent des attendus des concepteurs (par exemple, réglages et entretien des équipements de chauffage/refroidissement, obstruction des bouches de ventilation, gestion malaisée des ouvertures/ fermetures de fenêtres ou des stores…).

Ce constat a été fait dès le PREBAT (Programme de recherche et d’expérimentation sur l’énergie dans le bâtiment, 2012-2015), qui avait mis en place un suivi des consommations énergétiques des bâtiments démonstrateurs et des enquêtes auprès des occupants, visant à mesurer leurs usages et leur satisfaction. Partant du constat que pour pouvoir agir sur les consommations, il faut en premier lieu les connaître, l’ADEME finance aussi depuis plusieurs années des études et projets de recherche pour disposer de données fiables, relatives à la consommation d’énergie des bâtiments en France, dans le résidentiel et le tertiaire. Le suivi dans le temps de ces projets (comme pour Panel Elecdom sur les consommations électrodomestiques) permet également d’évaluer de manière dynamique l’impact des évolutions sociétales et des modes de consommation.
Ces travaux sont par ailleurs indispensables pour alimenter les scénarios prospectifs de l’évolution de la consommation d’énergie.

Changer les comportements : rendre les usagers plus sobres dans leurs pratiques énergétiques

Dès les années 2010, des projets de recherche ont visé à développer des outils pour mieux impliquer les usagers dans la question de la gestion énergétique du bâtiment qu’ils occupent. L’édition 2014 de l’APR « Vers des bâtiments responsables » a dédié une large place aux outils numériques. Les enseignements montrent que travailler la relation avec l’usager est essentiel pour bien caractériser et dimensionner les informations à partager, mais aussi leurs modalités d’acquisition et de diffusion, afin que les occupants du bâtiment soient en mesure de s’en saisir et de les utiliser.

En 2016, l’ADEME lance l’APR TEES, « Transitions écologiques, économiques et sociales ». Cette première édition cible alors l’évolution des comportements individuels et des pratiques des consommateurs et citoyens, nécessaire à la transition énergétique et écologique, et encourage des projets s’intéressant aux déterminants des types et des modes d’habiter ainsi qu’à des émergences, comme les mouvements d’habitat participatif. Il intègre aussi la question des usages dans l’habitat à travers les compteurs communicants, les capteurs, etc., pour interroger l’impact de ces outils sur la manière de concevoir et d’utiliser son logement. Cet axe dédié aux comportements individuels, notamment dans le bâtiment, sera présent dans les éditions suivantes de l’APR.

Comprendre la décision de rénovation énergétique

Ces champs de recherche, notamment la sociologie de l’énergie, ont été dynamisés depuis 2018 par les politiques nationales de rénovation énergétique. Dans l’APR « Vers des bâtiments responsables », cette même année, l’un des axes de recherche propose d’étudier les facteurs contribuant au passage à l’action pour investir dans des travaux de rénovation ou pour faire évoluer ses pratiques de consommation énergétique, qu’il s’agisse de ménages ou de TPE/PME propriétaires de leur local. Ces recherches ont permis de mettre en lumière l’insuffisance de la seule incitation financière, ainsi que de nombreux autres facteurs, révélés par les approches psychosociales, influençant la prise de décision des ménages : perception de sa propre capacité à faire, charge mentale associée aux travaux, peurs liées aux arnaques ou à des croyances concernant l’incompétence des artisans…

L’implication citoyenne dans la transition écologique des bâtiments

L’ADEME, dans son APR « Vers des bâtiments responsables », a choisi en 2022 de financer des projets portant sur l’assistance à maîtrise d’usage (AMU) celle-ci pouvant constituer une des solutions à une meilleure appropriation des questions liées aux travaux et à l’énergie par les usagers. Tout comme le maître d’ouvrage est le commanditaire à l’attention duquel est réalisé le projet, la maîtrise d’usage représente le groupe des usagers pour lequel le projet est réalisé in fine. L’assistant à maîtrise d’usage est quant à lui le professionnel qui appuie le groupe des usagers dans l’expression de ses besoins et de ses savoirs empiriques en ce qui concerne son habitat. Enfin, l’autorénovation accompagnée, dans laquelle l’habitant s’implique directement dans les travaux de son logement avec l’appui d’un professionnel de la rénovation, est également une piste de meilleure appropriation de son habitat et de ses dimensions technique et énergétique.