Dossier

Climat : les Français attendent une plus grande implication de l’État

Les résultats de nos différents baromètres pointent l’importance majeure d’un investissement institutionnel plus fort dans une planification écologique claire, crédible et juste, et l’enjeu de transformer ces orientations en actions, pour faciliter l’adoption de modes de vie et de modes de production plus sobres.


Conscients de l’urgence climatique, les Français considèrent agir à leur niveau et attendent des changements plus structurants.

Une préoccupation avérée, qui se traduit par un fort pessimisme

L’environnement toujours dans le top 3 des préoccupations des Français, malgré le contexte économique et politique

On avait observé une forte montée de cette préoccupation en 2019. Depuis, le sujet se maintient dans le top 3 des enjeux pour la France même s’il passe après les événements conjoncturels, comme le contexte de la crise sanitaire en 2020 et 2021, qui plaçait la santé publique en tête, ou comme aujourd’hui la forte inflation qui propulse la question de la hausse des prix très largement en haut du classement depuis 2022[1].
Parmi les enjeux environnementaux, c’est le changement climatique qui inquiète le plus, loin devant la pollution de l’air, de l’eau ou la dégradation de la faune et de la flore. Les aspects les plus inquiétants du changement climatique sont l’augmentation des catastrophes naturelles (forte inquiétude pour 69 % des Français), mais aussi, ces dernières années, le réchauffement des températures (42 %, soit + 5 pts par rapport à 2022)[1]. Les canicules et les sécheresses sont des risques particulièrement redoutés par les Français[2].
L’appréhension quant aux conséquences possibles du changement climatique se situe généralement au-dessus de deux tiers des répondants depuis 2017. Ainsi, 68 % pensent que les conditions de vie deviendront extrêmement pénibles à cause du dérèglement climatique, quand seulement 28 % pensent qu’on s’y adaptera sans trop de mal[1]. De même, 72 % se disent inquiets des conséquences potentielles du changement climatique sur la qualité de vie au sein de la région qu’ils habitent[2]. Ce sont notamment les habitants d’Île-de-France, de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), d’Occitanie et d’Auvergne-Rhône-Alpes (AURA). Cette préoccupation est également plus marquée chez les jeunes (plus d’un quart se dit très inquiet) et les urbains[2]. Globalement, les plus jeunes sont les plus nombreux à redouter les conséquences du changement climatique : 83 % parmi les 15-17 ans contre 52 % au-delà de 69 ans. Seulement 15 % des 15-17 ans pensent qu’on s’y adaptera sans trop de mal contre 40 % des 65 ans et plus[1].

Des Français pessimistes

Ils se montrent pessimistes quant à la possibilité de limiter le changement climatique à « des niveaux raisonnables d’ici la fin du siècle ». Près des deux tiers n’y croient pas (64 %, soit – 3 pts)[1].
Ils se montrent également pessimistes quant aux capacités d’adaptation de leur territoire. Alors que plus de huit Français sur dix (83 %) considèrent que leur territoire sera obligé de prendre des mesures importantes dans les décennies à venir pour s’adapter aux conséquences du changement climatique[1], seulement 37 % ont confiance dans leur capacité à se transformer pour réduire leur vulnérabilité[2]. 38 % des personnes ayant connaissance de mesures prises par leur territoire pour s’adapter aux conséquences du changement climatique les jugent insuffisantes[1].
Seuls 13 % des Français estiment que, « compte tenu des actions mises en place par les gouvernements et les citoyens », les enjeux environnementaux auxquels nous faisons face actuellement seront résolus d’ici les 50 prochaines années (dont 2 % seulement semblent en être réellement convaincus)[3].
Face à l’ampleur des changements attendus, le dérèglement climatique est déjà aujourd’hui perçu comme une contrainte plus qu’une opportunité pour 58 % des Français (+ 9 pts cette année, plus haut niveau jamais atteint)[1].

Des français conscients de la nécessité de faire évoluer nos modes de vie, mais…

Quand 11 % se montrent résignés, pensant qu’il est déjà trop tard, 60 % des Français, inquiets pour l’avenir de la planète, considèrent qu’il est urgent d’agir. 16 % de nos compatriotes se montrent confiants, jugeant qu’on a le temps d’agir. 7 % sont indifférents, pensant qu’on s’inquiète pour rien[4].

Les Français ont le sentiment d’agir à leur échelle

Une augmentation significative des pratiques déclarées pour limiter les émissions s’observe ces dernières années. 66 % des personnes interrogées déclarent avoir changé certaines de leurs pratiques au quotidien pour réduire l’impact de leur consommation. Et 13 % disent faire tout leur possible pour réduire l’impact de leur consommation et sensibiliser les autres[4]. On relève notamment une hausse marquée des personnes qui déclarent moins consommer (56 %, soit + 19 pts depuis 2017), limiter leur consommation de viande (52 %, soit + 16 pts depuis 2014), ne plus prendre l’avion (56 %, soit + 20 pts par rapport à 2018), ou encore baisser la température de leur logement (70 %, soit + 9 pts depuis 2018)[1].
Si 60 % déclarent qu’ils pourraient faire plus, 84 % des Français considèrent faire des efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre[1]. Et 82 % jugent leur mode de vie actuel d’ores et déjà sobre[3].

Des Français lucides, qui savent que les écogestes, bien que nécessaires, ne suffiront pas

Face à l’enjeu climatique, ils ont conscience qu’il faut des changements plus structurants dans nos modes de production, de consommation et, plus globalement, dans nos modes de vie. Ainsi, plus de neuf Français sur dix (92 %) considèrent qu’il faudrait modifier nos modes de vie pour limiter les impacts sur l’environnement et le climat (+3 pts par rapport à 2021), dont 20 % pensent qu’une « modification radicale » est nécessaire, 44 % que « des changements importants » doivent être réalisés, et 28 % qu’il faudra « quelques changements »[2]. En outre, plus de huit Français sur dix (81 %) pensent que la société doit se transformer pour mieux fonctionner (+ 3 pts par rapport à janvier 2022, + 12 pts par rapport à janvier 2020)[5].
Les Français sont prêts à changer leurs pratiques et modes de vie, mais pas tout seuls. Ils attendent plus d’action de la part des décideurs politiques et des décideurs économiques.
67 % des Français accepteraient des changements importants dans leur mode de vie à condition qu’ils soient partagés de façon juste entre tous les membres de la société.

… En attente d’une intervention publique claire, crédible et juste en matière d’écologie

Préoccupés par l’urgence climatique, les Français attendent une plus grande implication des pouvoirs publics dans la transition écologique, et un engagement massif de moyens pour lutter contre le changement climatique : 82 % (+ 2 pts) souhaitent que la lutte contre le réchauffement climatique mobilise autant de moyens que la crise du Covid-19[5].

Les Français attendent plus d’action de la part de l’État et des grandes entreprises

À la question « À votre avis, qui serait le plus efficace pour résoudre le problème du changement climatique ? », les répondants classent en premier les États (55 %), suivis des citoyens (38 %) puis des instances internationales et des entreprises (respectivement 29 et 28 %). Mais, lorsqu’on leur demande qui agit le plus aujourd’hui, les États arrivent seulement en quatrième position (26 %), suivis des entreprises (18 %). Les Français classent d’abord les citoyens (43 %), les associations (33 %) et les collectivités (27 %)[1]. Alors que les instances décisionnaires (États, instances internationales, entreprises) auraient un rôle majeur à jouer, ce sont les acteurs locaux (citoyens, associations, collectivités) qui sont perçus comme les plus actifs.
On constate notamment une baisse régulière année après année de la confiance et de la capacité des instances internationales à régler le problème du changement climatique : la réponse « C’est aux États de rechercher un accord au niveau mondial » pour limiter le changement climatique a perdu 10 points depuis 2006. Ils sont 27 % cette année à juger les instances internationales efficaces, alors qu’ils étaient 34 % en 2016. A contrario, le rôle accordé aux collectivités a augmenté, passant de 9 % en 2017 à 20 % aujourd’hui[1].
En complément, en ciblant les actions des différents acteurs pour limiter les impacts de leurs activités sur les ressources de la planète, 77 % estiment que les citoyens/consommateurs agissent pour limiter leurs impacts, alors que moins d’un sur deux (49 %) juge que l’État agit effectivement. 42 % jugent qu’il n’agit pas du tout. De même, 44 % pensent que les grandes entreprises n’agissent pas du tout pour limiter l’impact de leurs activités. Les réponses s’élèvent même à 49 % pour les banques et 50 % pour les industriels[3]. 86 % des Français considèrent que les entreprises et les marques incitent à la surconsommation[4].

Et notamment plus d’encadrement des activités par les pouvoirs publics

Les Français plébiscitent un encadrement des activités économiques pour lutter contre le changement climatique comme le montrent trois sources. 93 % considèrent qu’il faut revoir notre modèle économique (53 % en partie, et 40 % complètement), notamment en prenant davantage en compte les aspects de santé et le respect de la planète[4]. Par ailleurs, 71 % souhaitent que la société soutienne exclusivement les activités économiques qui préservent l’environnement, et pénalise celles qui y nuisent[5]. Enfin, 74 % considèrent que les politiques publiques devraient privilégier en priorité la protection de l’environnement à la croissance économique[3]. Ainsi, 62 % préconisent de réguler davantage les incitations à la consommation (publicité, promotions…) afin de maîtriser l’impact des modes de vie sur l’environnement[5]. Il apparaît également évident pour une très large majorité des Français (90 %) que les normes de fabrication devraient favoriser des produits plus résistants, facilement réparables, quitte à ce que cette évolution se fasse au détriment du prix. De même, le principe de l’interdiction à la vente de certains produits néfastes pour l’environnement fait l’objet d’un relatif consensus parmi les Français (82 %)[3].
Ces enquêtes montrent, de manière complémentaire, que les Français adhèrent très majoritairement à la plupart des principes et mesures de sobriété et qu’ils se montrent favorables à des mesures collectives favorisant le développement de modes de vie plus sobres. 67 % estiment que des règles collectives doivent limiter les comportements nocifs pour l’environnement, même si cela restreint certains choix de consommation individuels (comme choisir certains modèles de voiture, prendre l’avion, changer souvent d’équipements électroniques)[5]. Et, pour 72 % des Français, « l’État devrait faire plus pour préserver l’environnement, même si cela signifie contrôler ou limiter certaines pratiques (voyages en avion, déplacements avec des véhicules essence…) », plutôt que « laisser les gens vivre comme ils le souhaitent, même si leurs modes de vie nuisent à l’environnement »[3]

Un recul du consentement à l’impôt, mais une attente pour plus de justice fiscale et sociale… 

Si les Français soutiennent la mobilisation de moyens exceptionnels pour lutter contre le changement climatique, dans le contexte économique actuel, on observe un recul du consentement à l’impôt, qui affaiblit dans le même temps l’adhésion à la fiscalité environnementale. 53 % des Français ne souhaitent pas payer plus d’impôts, quel qu’en soit l’usage (+ 3 pts par rapport à 2022).
78 % estimant être perdants de la redistribution socio-fiscale (+ 4 pts par rapport à 2021), les Français attendent un système plus juste. Celui-ci se matérialiserait d’abord par une plus grande contribution des hauts revenus au financement de la transition (37 %, + 7 pts par rapport à 2022). Il se matérialiserait ensuite par le fait que tout le monde paie l’impôt sur le revenu (22 %, – 3 pts), par la suppression des niches fiscales (22 %, – 3 pts) et, enfin, par la baisse des impôts et taxes en général (18 %, – 1 pt)[5].
Par ailleurs, 79 % des Français sont d’accord avec l’idée que « pour avancer sur les sujets environnementaux, il faut réduire les inégalités économiques et sociales »[4], et 57 % avec l’idée qu’« adopter collectivement des modes de vie plus sobres permettrait de réduire les inégalités »[3]. Mais, aujourd’hui, 70 % jugent que « la société française ne traite pas de manière juste et équitable l’ensemble de la population »[3].

… Et une attente pour plus d’implication dans les prises de décisions et les démarches locales

73 % des Français souhaitent une société qui impliquerait davantage les citoyens dans les décisions qui concernent la collectivité (via des conventions ou des consultations citoyennes), contre seulement 26 % qui préféreraient une société où l’État aurait plus de latitudes pour prendre rapidement les décisions nécessaires. Cette attente est plus forte chez les professions « intermédiaires » (81 %), les soutiens des gilets jaunes (83 %) ou les personnes se déclarant à gauche de l’échiquier politique (83 %, et 96 % pour les très à gauche)[5].
Par ailleurs, 81 % des Français se montrent intéressés pour participer à des démarches locales pour agir concrètement en faveur de l’environnement et du climat (dont 7 % le font déjà, 20 % participeraient activement et 55 % pourraient être intéressés)[2].
En outre, si plus de la moitié des Français ne savent pas s’il existe une possibilité pour les habitants de participer à des projets locaux de développement des énergies renouvelables dans leur région, 7 % déclarent déjà investir financièrement dans de tels projets et 15 % envisagent de le faire. De même, 12% envisagent de s’impliquer dans la gouvernance d’un tel projet[6].

1. « Les représentations sociales du changement climatique » – 24e vague du baromètre réalisé auprès des Français par OpinionWay pour l’ADEME, décembre 2023.
2.« Observatoire des usages et représentations des territoires » – 4e édition, publiée par L’ObSoCo, en partenariat avec l’ADEME, Bouygues Construction et France Ville Durable, septembre 2023.
3. « Baromètre sobriétés et modes de vie » – 1re vague, réalisé par l’ADEME et l’ObSoCo, novembre 2023.
4. « Baromètre de la consommation responsable » – 16e édition, GreenFlex-ADEME, juin 2023.
5. « Sensibilité à l’environnement, action publique et fiscalité environnementale : l’opinion des Français en 2023 » – 4e édition, enquête ADEME/CREDOC, mai 2023.
6. Baromètre « L’opinion des Français sur la qualité de l’air et de l’énergie » – 10e vague, réalisé par OpinionWay pour l’ADEME.