La parole à

Cyrielle Borde, cheffe de service adjointe au service décarbonation industrie et hydrogène de l’ADEME 

L’ADEME a réalisé un guide méthodologique pour accompagner les autres secteurs à se lancer dans la démarche. Une norme européenne s’inspirant de la méthode PTS élaborée par l’ADEME devrait être publiée à l’automne.


 

Cyrielle Borde, Cheffe de service adjointe – Service décarbonation industrie et hydrogène – ADEME

Ingénieure spécialisée en Énergétique & Environnement, elle rejoint l’ADEME en 2009 pour travailler notamment sur les Certificats d’économies d’énergie puis l’Écologie industrielle territoriale. Elle devient en 2021 cheffe adjointe en charge des sujets hydrogène et décarbonation industrie sur le volet innovation et prospective.

PTS : la vision de l’ADEME

Pourquoi vous êtes-vous engagée dans cette démarche PTS ?
Cyrielle Borde

La SNBC n’apportait pas de déclinaison sectorielle permettant aux industriels de se projeter en 2050. Nous avons alors réfléchi à la meilleure manière d’embarquer les 9 secteurs industriels français les plus émetteurs. C’est dans l’ADN de l’ADEME de proposer des outils d’aide à la décision innovants aux acteurs économiques : après le bilan carbone (depuis 2004), la méthode ACT (depuis 2015), les Plans de transition sectoriels sont nés en 2020, grâce à un financement européen LIFE.

Quelle est la spécificité des PTS par rapport à d’autres travaux de feuille de route de décarbonation ?
C.B.

Le point fort des PTS, c’est l’approche prospective systémique inspirée de Transition(s) 2050. Au-delà de la dimension technologique, les PTS permettent de se projeter en 2050, avec des évolutions de marché structurantes liées aux évolutions de consommation, d’habitat ou de transports. En établissant des hypothèses sur la consommation nationale, la politique commerciale et énergétique, en intégrant les leviers de sobriété et d’économie circulaire ainsi que la concurrence entre matériaux, les PTS permettent une modélisation à 2050 des émissions de GES, mais aussi des besoins d’investissements et des évolutions en emplois. Tout ceci nécessite un dialogue resserré avec les industriels.

Justement, pouvez-vous nous expliquer comment s’est passée cette concertation ?
C.B.

Les industriels et leurs fédérations ont été impliqués tout au long de l’exercice : en moyenne pour chaque PTS, 5 réunions plénières et plusieurs dizaines d’entretiens bilatéraux, préservant la nécessaire confidentialité tout en partageant les spécificités opérationnelles de chaque secteur. Les industriels ont été en particulier impliqués dans la modélisation d’usines de référence et des leviers technologiques de décarbonation associés.

Quelle complémentarité entre les PTS et les feuilles de route réalisées par les industriels et pilotées par le ministère en charge de l’Industrie ?
C.B.

Les PTS sont complémentaires aux feuilles de route. Par l’exploration de différents scénarios prospectifs volontairement contrastés à l’horizon 2050, ils complètent une vision industrielle plus tendancielle et souvent limitée à 2030, dont l’objectif assumé par les groupes industriels est la décarbonation tout en préservant les niveaux de production actuels. Or, l’intérêt des PTS est bien d’imaginer quelles seraient les conditions socio-économiques rendant possible une décarbonation profonde en 2050 tout en anticipant les évolutions nécessaires (par exemple, les emplois).

 L’enjeu devant nous est d’identifier et de planifier les infra-structures (H2, CO2, …) nécessaires à la transition industrielle. 

Cyrielle Borde, Cheffe de service adjointe

Et quelles sont les prochaines étapes ?
C. B.

Les PTS soulignent le besoin de visibilité dans la planification d‘infrastructures nécessaires à la transition (hydrogène, réseau électrique, CO2). Concrètement, l’ADEME décline l’approche PTS à l’échelle territoriale en opérant l’appel à projets Zones industrielles bas carbone (ZIBaC) du programme France 2030, qui permettra la construction de trajectoires de décarbonation à l’échelle des zones industrielles françaises les plus émettrices.

L’ADEME souhaite aussi donner envie à d’autres secteurs et d’autres pays de s’emparer de cette méthode pour accélérer leur décarbonation, par la mise à disposition d’un guide méthodologique et d’une norme dédiée élaborée par un panel d’experts internationaux dans le cadre des instances de normalisation. Enfin, il est essentiel de poursuivre le dialogue entre industriels, États et financeurs, compte tenu des forts enjeux de compétitivité et de réindustrialisation que porte la Commission européenne au sein du Clean Industrial Deal.