Le 31 décembre 2024, 43 villes françaises devraient avoir leur ZFE-m, zone à faibles émissions mobilité. En réglementant la circulation des véhicules les plus polluants, elles préparent l’avènement de nouvelles mobilités, protégeant autant notre santé que le climat. Le point avec Nadine Dueso, cheffe du service Qualité de l’air de l’ADEME.
À l’approche de leur apparition dans 33 nouvelles villes françaises, le débat sur les zones à faibles émissions mobilité, ou ZFE-m, ne faiblit pas : leurs inconvénients ne dépassent-ils pas leur intérêt ?
Nadine Dueso Le déploiement de ces zones dans les villes de 150 000 habitants et plus avant le 31 décembre 2024 est inscrit dans la loi Climat et Résilience, pour répondre d’abord à un problème de santé publique. Le transport routier est en effet responsable de 54 % des émissions d’oxydes d’azote au niveau national, avec des pics de 60 % à 70 % dans certaines métropoles. En réduisant leur concentration – ainsi que celle de particules fines – dans l’air de nos villes, les ZFE-m permettront de diminuer les maladies liées et de sauver des vies. Alors oui, il faut sortir de nos villes les véhicules les plus polluants et réduire la place de la voiture en ville pour protéger ceux qui y vivent et qui y travaillent…
L’un des principaux arguments de leurs opposants est qu’elles pénalisent les personnes aux revenus modestes, qui n’ont pas les moyens d’habiter en centre-ville, ni d’acheter des véhicules propres pour s’y rendre…
N. D. En incitant les collectivités à développer de nouvelles offres de mobilité, les ZFE-m pourraient bien, au bout de compte, améliorer leur situation, alors que le prix des carburants ne fait qu’augmenter. Avec l’obligation de contenir le changement climatique et de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, n’est-ce pas l’ensemble de nos modes de vie et de travail qui vont devoir changer ? Aussi faut-il voir les ZFE-m comme une voie pour repenser nos mobilités. En prenant, bien sûr, toutes les mesures transitoires nécessaires pour limiter leur impact sur celles et ceux qui peuvent plus difficilement s’adapter.
Parmi les mesures d’aménagement fréquemment citées, lesquelles vous semblent les plus pertinentes ?
N. D. Les « pass » qui accordent aux propriétaires de véhicules polluants un nombre limité de dérogations pour des déplacements occasionnels semblent répondre à un vrai besoin. Tout comme la levée des restrictions la nuit et les week-ends, quand l’offre de transport public est réduite. À chaque territoire de trouver le bon équilibre, en fonction de sa situation spécifique. Mais attention à ne pas perdre le bénéfice des ZFE-m en multipliant les dérogations. Mieux vaut aider nos concitoyens à passer à des modes de déplacement plus vertueux, comme la ville de Strasbourg, qui conditionne l’octroi d’une aide au renouvellement des véhicules individuels à un entretien avec un conseiller mobilité. D’autant que la Commission européenne a annoncé son intention d’abaisser les seuils de polluants acceptables, pour se rapprocher des valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé.
Justement, comment s’y prend-on ailleurs en Europe ?
N. D. Londres a procédé par phases, de l’hypercentre à la périphérie. Des consultations, toujours favorables, ont jalonné le processus. À Madrid, l’adhésion de la population a été considérablement facilitée par l’abondance des parkings relais et des bus à haut niveau de service. L’Italie a pour sa part ajouté une tonalité patrimoniale au projet car particules fines et oxydes d’azote s’attaquent aussi à la pierre de ses nombreux monuments. Les mesures de restriction y ont parfois été étendues à une région entière, comme la Lombardie. Notre étude comparative pour l’Europe montre que partout où les ZFE-m ont été créées, la qualité de l’air s’est améliorée, avec les effets d’annonce permettant d’accélérer le renouvellement du parc automobile, puis avec la mise en place des dispositifs de contrôle. Rares ont été les retours en arrière. Les exemples récents en Allemagne ont été motivés par l’atteinte des résultats en matière de qualité de l’air.
Concrètement, que va-t-il se passer le 31 décembre 2024 ?
N. D. D’ici le 31 décembre 2024, les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants en métropole seront dans l’une des trois situations suivantes. Soit elles devront avoir instauré une ZFE-m. Soit, pendant au moins 3 années sur
les 5 dernières années, elles seront restées en dessous d’une concentration moyenne annuelle en dioxyde d’azote (NO2) de 10 µg/m3. Ceci sur l’ensemble des stations fixes de mesures de la qualité de l’air de l’agglomération ou pour au moins 95 % de la population de chaque commune de l’agglomération. Soit elles devront avoir mis en place des actions permettant d’atteindre cette concentration dans des délais similaires à ceux de la mise en place d’une ZFE-m. Les trois mots d’ordre sont : concertation, nouvelles offres de mobilité et accompagnement des publics fragiles. En partenariat avec les collectivités, l’ADEME assure l’animation d’un réseau favorisant le partage d’expérience et propose des fonds d’aides à la conversion des véhicules professionnels, complémentaires des aides importantes proposées par l’État dans le cadre du Fonds vert. L’ambition est forte mais nécessaire pour reconquérir la qualité de l’air en ville !