Par ses enquêtes et ses baromètres annuels, l’ADEME évalue la perception des Français vis-à-vis de l’environnement et du changement climatique. Les enquêtes réalisées en 2020 montrent que nos concitoyens sont disposés au changement et prêts à faire des efforts, sous réserve que ceux-ci soient équitablement partagés. Décryptage avec Anaïs Rocci, sociologue, de la direction exécutive Prospective et recherche de l’ADEME.
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Les baromètres de l’ADEME montrent clairement un souci grandissant de l’urgence climatique. Cette prise de conscience se traduit par une plus grande acceptation de mesures, mêmes fiscales ou réglementaires. Ainsi, 66 % des Français estiment nécessaire de « taxer davantage le transport aérien » (+ 20 points depuis 2014) et 61 % de « taxer davantage les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre » (+ 8 points par rapport à 2019).
Opposer les instruments de l’action publique n’a pas de sens. Le terme d’écologie punitive est utilisé chaque fois qu’on choisit de refuser certains instruments par crainte d’impopularité. Il est pourtant indispensable de combiner toute la panoplie d’outils pour agir : réglementation, incitations économiques mais aussi communication et développement des infrastructures. Si l’on a une approche par l’incitation uniquement, on sera limité par la force des habitudes. Par exemple, le remboursement de l’abonnement de transport public ne suffit pas à faire abandonner la voiture individuelle si son usage reste facilité avec du stationnement gratuit…
À l’inverse, les seules mesures contraignantes suscitent immédiatement des résistances et doivent donc être accompagnées. Des compensations sont à trouver pour les publics les plus impactés par ces mesures, notamment les plus précaires, et il est primordial que des solutions alternatives existent ou soient proposées. L’environnement est une affaire collective que nous ne pouvons laisser au bon vouloir de chacun. Des règles sont nécessaires pour accélérer la transition écologique et limiter les pratiques peu favorables à l’environnement. Les contraintes collectives font parties des « règles du jeu » qu’une société adopte dans l’intérêt général, pas une punition !
Au-delà de l’opposition presque philosophique entre liberté individuelle et intérêt collectif, il faut se poser la question de l’équité, de la justice sociale. Et faire en sorte que les mesures nécessaires ne pénalisent pas les plus fragilisés. C’est d’ailleurs ce que demandent les Français eux-mêmes : deux tiers d’entre eux se disent prêts à modifier leurs modes de vie de façon importante, à condition que ces changements soient partagés de façon juste entre tous. Ils se déclarent aussi disposés à payer davantage de taxes, si celles-ci sont équitables. Par exemple, 77 % des Français sont favorables à une hausse de la taxe carbone quand cette hausse est assortie des conditions suivantes : ne pas pénaliser le pouvoir d’achat des ménages des classes moyennes et modestes et servir à financer des mesures de transition écologique… Donc sous certaines conditions, notamment d’équité, ces mesures pourraient être acceptées !
L’environnement reste une préoccupation majeure pour les Français, même dans le contexte de la crise sanitaire. Plus de la moitié (55 %) des personnes interrogées pensent qu’au sortir de la crise il faudrait réorienter notre économie en soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement, la santé et la cohésion sociale. Mais lorsque l’on interroge les parlementaires à ce sujet, ils sont 72 % à vouloir relancer l’économie par tous les moyens pour renouer au plus vite avec l’activité. Cette divergence montre que le public est plus volontariste que les parlementaires quant au contenu de la relance, que les Français souhaitent verte et solidaire. Les citoyens ont compris que des mesures drastiques étaient nécessaires pour limiter les effets du changement climatique.
La transition écologique repose à la fois sur la mobilisation des citoyens et sur des politiques publiques ambitieuses qui se traduisent en actes.
Une large majorité (58 %) des 201 parlementaires interrogés reconnaît que les actions mises en oeuvre jusqu’à présent dans notre pays pour respecter l’accord de Paris sur le climat ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés. Le plan France Relance mobilise des moyens financiers importants, mais, face à l’urgence, nous devrons poursuivre les investissements au-delà de 2022, et les accroître sensiblement. Pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone, il faudra aussi déployer un plus large éventail de mesures, incitatives mais aussi réglementaires et fiscales.
estiment que pour faire face au changement climatique ils devront modifier leur mode de vie.
expriment leur crainte d’une dégradation de leurs conditions de vie en raison du changement climatique (+ 12 points par rapport à 2016).