Le football est le sport le plus populaire au monde et la parole de certains clubs et joueurs, suivis par plusieurs centaines de millions de followers sur les réseaux sociaux, est écoutée. Aujourd’hui, trop peu s’engagent pour l’environnement… mais cette situation est en train de changer !
Partager
« Le football a quinze ans de retard sur la transition écologique, concède Antoine Miche, fondateur et directeur général de Football Écologie France (FEF), une association qui, avec le soutien de l’ADEME, accompagne les clubs dans leurs démarches environnementales. Mais on assiste à une prise de conscience. Certains joueurs et personnalités s’engagent : Wendie Renard, de l’Olympique Lyonnais, Constance Picaud, du PSG, Victor Lobry, de l’EA Guingamp, Omar Da Fonseca, le commentateur franco-argentin… »
Mais tous ne se sentent pas légitimes ! « C’est pour pallier cela que nous avons lancé l’an dernier la formation en e-learning “Football et transition écologique”. Accessible à tous gratuitement sur notre site, elle fournit en deux à trois heures tout ce qu’il faut savoir sur le sujet. Nous avons aussi créé la Fresque écologique du football, un atelier ludique qui sert de support aux sensibilisations que nous organisons auprès des clubs (professionnels et amateurs) et des supporters de tous âges. Nous l’utilisons notamment sur les stands #TousEcoSupporters que nous installons en marge des rencontres sportives, par exemple dans une quinzaine de fan zones des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. »
Les clubs : le bon échelon de la transition ?
« Les footballeurs sont plus enclins à s’engager quand leurs clubs le font avant eux, note néanmoins Antoine Miche. C’est ce qu’on observe dans les petits clubs, souvent plus avancés dans la transition écologique. » En témoigne le club anglais amateur Forest Green Rovers, le seul du monde à avoir été salué par l’ONU tant sa démarche est poussée : construction d’un stade en bois, énergies vertes, pelouse bio, régime végétarien pour l’équipe, etc. À moindre échelle, les joueurs du Grenoble Foot 38 ont aussi adopté de nouvelles habitudes alimentaires, de transport et de consommation. Et ils vont régulièrement en parler avec des jeunes Grenoblois. Reconnaître et encourager la qualité des démarches environnementales des clubs, sites et événements sportifs, c’est justement l’ambition du label Fair Play For Planet, créé en 2020 en partenariat avec l’ADEME. Le Stade Lavallois MFC, dans les Pays de la Loire, lui, vient de le recevoir. « Depuis 2021, la notion de responsabilité sociale, sociétale, environnementale et économique (RSSEE) guide toutes nos décisions », indique Laurent Lairy, président du Stade Lavallois, tout juste promu en Ligue 2.
des Français auraient une image positive du football professionnel s’il se tournait vers la durabilité.
Comment cet engagement se traduit-il concrètement ? Mise en place du tri sélectif, rénovation énergétique du centre d’entraînement, aménagement d’un bassin de rétention des eaux de pluie sans oublier la fin du chauffage des pelouses en hiver et de leur arrosage en période de sécheresse.
« Ce dernier point, les pelouses, est un vrai sujet, souligne Amandine Richaud-Crambes, auteure du récent avis de l’ADEME sur le sport et le climat. Pour limiter les consommations d’eau et de pesticides, certains stades optent pour du gazon synthétique. Mais ce n’est pas mieux. Il est fabriqué à partir de pétrole, avec des processus polluants, et il n’y a pas de filière pour le recycler. Par ailleurs, 197 substances potentiellement cancérigènes ont été identifiées dans les billes de pneus usagés qui le remplissent. Mieux vaut se tourner vers des variétés de gazons naturels moins exigeantes en eau, ou vers les pelouses hybrides, constituées d’un substrat de sable et de tissus végétaux. »
La démarche RSE ne doit pas être vue comme une contrainte, un coût, mais comme un levier de développement.
Bon air de Brest !
Autant d’interrogations et de débats qui touchent également les grands clubs. En Ligue 1, cinq clubs français sont déjà labellisés Fair Play For Planet : l’Olympique Lyonnais, Toulouse FC, Le Havre AC, le RC Strasbourg et le Stade Brestois. Ce dernier s’est particulièrement démarqué cette année : privilégier les déplacements en bus ou en train du groupe pro pour les trajets de moins de cinq heures ne l’a pas empêché de se qualifier pour la Ligue des champions. « Cela montre qu’il est possible de conjuguer performances sportives et environnementales », se réjouit Clément Le Belleguy, responsable marketing et RSE du club. Recruté en 2022, c’est lui qui définit le nouveau programme écoresponsable du club, avec l’aide de Football Écologie France (FEF).
Les premières mesures de ce programme, intitulé « Bon air de Brest », sont mises en oeuvre rapidement : économies d’énergie et d’eau, réduction et tri des déchets, création d’un parking à vélos (avec le soutien de la région Bretagne), recours quasi exclusif à des prestataires locaux, vente de maillots au profit d’associations comme FEF ou Océanopolis Acts… « En tant que club ancré dans la vie de son territoire, nous avons la responsabilité de donner l’exemple. Nous aidons et encourageons donc aussi les clubs amateurs à nous suivre dans cette démarche », ajoute Clément Le Belleguy.
Le football, un « sport d’avion » ?
Le principal poids environnemental du football réside néanmoins dans ses grands événements. Selon The Shift Project, un stade de 50 000 places qui reçoit régulièrement des compétitions émet autant de CO2 sur un an que 800 Français moyens ! Et c’est encore plus quand les joueurs s’y rendent en avion. Sur ce sujet, la Fédération française de football (FFF) devait impulser un changement. En octobre 2023, constatant que l’abus de jets privés ternissait l’image du ballon rond, son président avait émis le souhait de voir les Bleus se déplacer en train pour les trajets de moins de trois heures. Le discours peine encore à se concrétiser. Deux leviers d’action pourraient accélérer le mouvement. D’un côté, la Ligue de football professionnelle (LFP) vient de faire évoluer la licence club : 10 % des critères demandés sont désormais liés à l’environnement (réduction de la consommation électrique du club, passage des stades à un éclairage led, réalisation d’un audit énergétique, bilan carbone…). « Ils ne sont pas indispensables pour obtenir la licence, explique Antoine Miche, mais le nombre de critères remplis conditionne le montant des droits de diffusion des matchs que perçoivent les clubs. La mesure est incitative. » D’un autre côté, de plus en plus de supporters aimeraient voir leur équipe s’engager. Publié en 2021 par FEF, le « Livre blanc de l’écosupporterisme » les incite à adopter des pratiques écoresponsables dans les tribunes des stades, mais aussi à faire entendre leurs voix auprès des clubs qu’ils soutiennent.