Dans quatre ans, la créosote sera interdite dans l’Union européenne. Ce produit chimique sert aujourd’hui à protéger les traverses, ces pièces en bois qui maintiennent les rails. Pour anticiper cette interdiction, SNCF Réseau a mis au point un nouveau traitement à base d’huile cuivrée, plus écologique.
En France, environ 10 000 kilomètres de voies sont équipés de traverses en bois. Jusqu’à présent, ces dernières étaient traités grâce à de la créosote, un liquide noir issu de goudrons toxiques et CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques). D’ici à 2029, tous les membres de l’Union européenne devront cependant trouver une alternative efficace. SNCF Réseau a déjà choisi le sien : un produit à base d’huiles cuivrées. « Nous avons lancé officiellement ce projet d’imprégnation aux huiles cuivrées en 2022, explique Vincent Auriat, responsable de la Transformation Durable. Plusieurs produits ont été testés en chambre climatique, ce qui permet d’accélérer le vieillissement, pour déterminer leur durabilité. »
Le principe actif est l’hydroxyde de cuivre, connu en agriculture et horticulture pour ses propriétés fongicides et bactéricides, sur une base d’huile afin de faciliter l’imprégnation et la rétention du produit dans le bois. Si la durée de production ne diffère pas entre créosote et huiles cuivrées, ces dernières ne sont pas CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques), assurant ainsi de meilleures conditions de travail pour les agents de production, tout en réduisant l’impact sur l’environnement.
Un investissement de 6,5 millions d’euros
Ce nouveau procédé d’imprégnation des traverses a été installé sur le site SNCF Réseau de Bretenoux-Biars, dans le Lot, qui compte une centaine de personnes et produit chaque année quelque 350 000 traverses. Au total, 6,5 millions d’euros ont été investis dans ce projet, dont 2 millions d’euros de l’ADEME pour adapter l’unité de production au traitement par huile cuivrée.
En plus des enjeux de santé publique et de préservation de la biodiversité, le remplacement de la créosote par de l’huile cuivrée devrait permettre des gains environnementaux et des économies d’énergies lors du processus d’imprégnation des traverses. D’une part, la température de chauffe des traverses sera divisée par deux, ce qui pourrait entraîner une réduction par quatre de la consommation énergétique. D’autre part, le procédé ne nécessitera pas d’eau en chaudière, ce qui permettra d’économiser 3 000 m3 d’eau chaque année, tout en limitant les rejets de substances chimiques dans l’environnement. Au total, la production de carbone sera divisée par deux.
Pour produire de nouvelles traverses ferroviaires, SNCF Réseau consomme chaque année 40 000 m3 de bois, issu de forêts françaises gérées durablement. Au-delà de l’enjeu environnemental, ce projet permet donc de sécuriser la filière bois en France et a dans ce cadre été lauréat de l’appel à projets industrialisation Performante des Produits bois. « Le marché national du chêne, première essence feuillue, est fortement dépendant de celui des traverses, note Florian Rollin, ingénieur produits biosourcés. En définitive, il s’agit d’un projet au croisement de nombreux enjeux liés à la transition écologique : transport ferroviaire, filière bois, santé, etc. »
Le remplacement de traverses se fera progressivement au rythme de leur usure, chacune ayant une durée de vie d’environ 35 ans, qu’elle soit traitée à la créosote ou aux huiles cuivrées. « Les traverses traitées à la créosote et historiquement présentes sur le réseau, continueront d’être éliminées en fin de vie dans des filières de valorisation énergétiques explique Vincent Auriat. SNCF Réseau travaille à développer de nouvelles filières : les anciennes traverses alimenteront bientôt un important site industriel français dans l’Est de la France qui est en train de réaliser sa transformation énergétique, le surcroit de consommation fournira du chauffage urbain à la ville voisine. » Quant aux traverses traitées aux huiles cuivrées, elles feront elles aussi l’objet d’une revalorisation au terme de leur durée d’usage, notamment dans le cadre de projets d’aménagement paysager.