Dix ans après sa création, l’initiative ACT (Accelerate Climate Transition) s’impose comme un levier clé pour structurer, crédibiliser et accélérer la transition climatique des entreprises. Portée par l’ADEME, ACT a déjà permis à plus de 1 700 entreprises de construire ou d’évaluer leur stratégie climat. Le 9 septembre 2025, à la Sorbonne, la Journée ACT a réuni plus de 400 participants pour célébrer cette décennie d’engagements, dresser un bilan d’impact chiffré et ouvrir de nouvelles perspectives.
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Une décennie d’ACT : structurer la transition, concrètement
Née en 2015 en marge de la COP21, ACT avait un objectif clair : évaluer la crédibilité des plans de transition climat des entreprises. Cofondée par l’ADEME et le Carbon Disclosure Project (CDP), l’initiative est aujourd’hui portée à l’international par la World Benchmarking Alliance.
ACT repose sur deux piliers :
- ACT Pas-à-Pas permet d’accompagner les entreprises, ayant déjà mesuré leurs émissions de gaz à effet de serre, dans l’élaboration de leur plan de transition. Avec l’aide d’un consultant formé à la méthodologie, l’entreprise construit en 5 étapes un plan de transition. La démarche dure généralement de 12 à 18 mois et l’entreprise peut bénéficier d’aides financières de l’ADEME.
- ACT Évaluation permet à une entreprise de mesurer la solidité de son plan de transition, d’identifier ses points forts et axes d’amélioration, afin de pouvoir éventuellement communiquer le résultat de cette évaluation à ses parties prenantes externes.
Au fil des années, l’initiative a développé 18 méthodologies sectorielles (pour les secteurs les plus émissifs), deux méthodologies génériques (atténuation et adaptation), et prépare désormais ACT Biodiversité, en partenariat avec l’Office Français de la Biodiversité. Le 9 septembre 2025 a été l’occasion de dresser le bilan des premières entreprises accompagnées.
« Pour embarquer tout le monde, on touche au portefeuille » (Décathlon)
Première entreprise à adopter la démarche ACT en 2016, Décathlon a introduit une prime indexée sur la performance environnementale de ses collaborateurs. Cet indicateur repose sur la part du chiffre d’affaires « durable » (produits éco-conçus, d’occasion, réparables, etc.) dans le total des ventes. « Ça semblait logique pour tout le monde d’être primé là-dessus » explique Clémence Pétillon, cheffe de projet Trajectoires Climat. Loin d’être une surcharge, cette prime valorise l’amélioration des pratiques existantes : mieux produire, mieux vendre. Pour garantir l’équité et la clarté, un KPI commun (le CO₂ absolu) est utilisé pour comparer les efforts entre services. Une approche pragmatique qui allie transparence et responsabilisation pour mobiliser en interne.
« ACT Pas-à-Pas a structuré notre réflexion stratégique » (Harmonie Mutuelle)
Engagée dans la première promotion collective ACT Pas-à-Pas en 2021, Harmonie Mutuelle a fait de la formation interne et de la mobilisation de son écosystème les piliers de son engagement. « ACT Pas-à-Pas nous a permis de structurer notre réflexion stratégique et d’ancrer notre raison d’être dans la réalité des défis climatiques » explique Lionel Fournier, Directeur Santé et Impact. L’entreprise a intégré sa stratégie climat dans sa gouvernance puis déployé une formation obligatoire pour ses 7 000 collaborateurs (5 000 salariés et 2 000 élus représentants) via un module interactif permettant de s’approprier les enjeux du changement climatique, les résultats du Bilan Carbone® et les actions engagées. Pour garantir l’appropriation dans la durée, deux leviers complémentaires ont été mis en place : des consultations régulières des collaborateurs pour co-construire la stratégie climat avec les métiers et un critère d’intéressement indexé sur les déplacements professionnels pour relier théorie et pratiques concrètes. « On aura beau faire le meilleur plan du monde, si on ne le co-construit pas, il ne sera jamais porté » insiste Eva Bergier, responsable de projet Climat.
Mais Harmonie Mutuelle ne s’est pas arrêtée à sa propre transition. Elle a lancé une offre éco-incitative inédite, récompensant financièrement ses entreprises clientes engagées dans quatre dispositifs de l’ADEME (ACT Pas-à-Pas, ACT Évaluation, Fonds chaleur, Fonds de décarbonation de l’industrie) via un avantage tarifaire. Objectif : stimuler un cercle vertueux d’innovation et de réduction des émissions. « Nous ne voulions pas seulement élaborer un plan climat pour nous-mêmes, mais aussi contribuer à transformer notre écosystème pour protéger la santé » conclut Lionel Fournier.
« Par petits groupes, on a réussi à toucher tous les métiers » (Sodebo)
Sodebo a franchi une étape clé dans sa stratégie climat avec ACT Pas-à-Pas. Après avoir réalisé son bilan carbone sur les trois scopes (1, 2 et 3) et défini une première feuille de route, l’entreprise a choisi ACT pour structurer sa trajectoire de décarbonation à long terme. Pendant 12 mois, un noyau restreint de pilotes, épaulé par des collaborateurs issus de tous les métiers de l’entreprise, a été mobilisé pour co- construire une vision partagée, opérationnelle et réaliste. Loin de se limiter aux dirigeants, l’implication des équipes terrain a été déterminante, avec un objectif clair : intégrer les enjeux climatiques à tous les niveaux. « C’est une démarche transformante. Il y a un avant et un après » explique Claire Moison, chargée de développement durable.
La méthode ACT a permis à Sodebo de prendre conscience de l’ampleur des changements nécessaires pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris, en travaillant sur la sobriété, la proposition de valeur et même la raison d’être de l’entreprise. « ACT, c’est avant tout une méthode robuste, reconnue, exigeante aussi, qui permet de pousser loin la réflexion sur le sujet. Il y a une approche 360° assez systémique qui prend en compte la partie carbone mis aussi le business model, les parties prenantes ou encore la R&D » souligne Claire Moison. Pour Philippe Rondeau, responsable développement durable, ce travail profond « requestionne l’organisation et les fondamentaux de l’entreprise ». Résultat : une trajectoire claire en est ressortie, prête à être déployée.
« La démarche ACT évite l’écueil du greenwashing car elle demande des actions concrètes » (Kersia)
En 2021, ce groupe spécialisé dans la sécurité des aliments tout au long de la chaîne d’approvisionnement a engagé sa direction dans la démarche ACT, posant les bases d’un plan Climat co-construit avec 120 top managers. Portée par la directrice RSE Isabelle Demoment et le chef de projet RSE Gary Maillier, l’approche s’est traduite par une série de workshops transverses impliquant toutes les strates de l’entreprise. Chaque département a désigné des pilotes chargés de décliner et de s’approprier le plan d’action climat, garantissant un ancrage profond et durable. « On est passé d’une situation où chacun avait un avis, à une vision commune et partagée du groupe » résume Isabelle Demoment. La méthode ACT a permis d’ancrer une gouvernance climatique qui dépasse désormais ce seul enjeu : ce mode de travail collectif est devenu un modèle pour les autres stratégies d’entreprise de Kersia.
« ACT Pas-à-Pas permet d’identifier les leviers sur lesquels on n’a pas encore agi » (K•Line)
Le fabricant de fenêtres en aluminium s’est engagé dans une transformation environnementale profonde depuis 2020, année de son premier bilan carbone. K•Line a structuré sa feuille de route climat autour de 20 chantiers prioritaires définis lors d’un séminaire réunissant l’ensemble du comité de direction. À chaque chantier, un pilote opérationnel est nommé, chargé de mettre en œuvre des réductions concrètes dans son périmètre. Verdict à date : 200 tonnes de CO₂ évitées par an grâce au passage des chariots élévateurs de gaz à l’électrique, 1 000 tonnes de CO₂ évitées sur trois ans via des efforts de sobriété énergétique sur le site de production, 55 tonnes de CO₂ par an économisées grâce à l’optimisation des emballages et plus de 1 000 tonnes supplémentaires via le recours à des carburants moins émissifs dans le transport.
Mais c’est avec ACT Pas-à-Pas que K•Line a donné une nouvelle dimension à sa démarche. « Le bon sens, c’est intéressant, mais avoir un œil extérieur pour challenger notre démarche, c’est encore mieux » explique Mickaël Onillon, responsable environnement. ACT leur a permis de dépasser l’approche purement opérationnelle pour interroger la gouvernance, les objectifs carbone, les investissements, ou encore les relations avec les partenaires. « ACT Pas-à-Pas permet de se poser des questions assez larges et d’identifier les leviers sur lesquels on n’a pas encore agi », poursuit-il. Cette dynamique a déjà ouvert la voie à des projets structurants, comme le co-investissement dans une fonderie bas carbone en Vendée, capable de produire dès 2025 des billettes d’aluminium recyclé avec une empreinte carbone réduite, grâce à l’intégration de menuiseries en fin de vie. « Il faut que l’environnement ne soit pas juste un sujet de plus, mais bien un critère quotidien dans les décisions » conclut Mickaël Onillon.
Les chiffres de l’impact : une transformation réelle des entreprises
En dix ans, 1 700 entreprises ont rejoint la démarche. Plus précisément, 750 organisations françaises ont été accompagnées via ACT Pas-à-Pas, avec le soutien de l’ADEME et plus de 950 entreprises ont été évaluées via ACT Évaluation, certaines dans des benchmarks publics (WBA, FIR…). Une étude d’impact 2024 menée par la Junior Entreprise de l’ESSEC sur un panel de 72 entreprises ayant complété une démarche ACT Pas-à-Pas révèle des résultats concrets :
- 78 % des entreprises affirment que l’accompagnement a modifié leur offre vers des produits et services bas carbone.
- 66 % de celles ayant achevé la démarche depuis plus d’un an ont identifié de nouvelles opportunités commerciales et financières.
- 85 % déclarent avoir pu mieux valoriser leur stratégie climat auprès de leurs clients, fournisseurs ou du grand public.
« ACT a eu pour nous un réel intérêt financier » (Séché Environnement)
Pierre-Yves Burlot, directeur développement durable du groupe Séché Environnement salue la solidité de la méthode. « Nous avons utilisé ACT Pas-à-Pas pour construire un plan de transition robuste et nous sommes ravis de la démarche ! ACT a été pour nous à la fois un outil stratégique pour penser la résilience du groupe dans le temps, tout autant qu’un outil de pilotage et de suivi opérationnel au quotidien de la réalité des actions de transition que nous menons ». La rigueur scientifique de la méthode et sa capacité à s’adapter à tous les secteurs ont favorisé l’adhésion de l’ensemble de l’organisation, des instances de gouvernance jusqu’aux équipes opérationnelles, permettant ainsi de diffuser en profondeur les enjeux de la transition au sein de l’entreprise. « Enfin, ACT a eu pour nous un réel intérêt financier car la démarche environnementale amorcée grâce à cette méthode nous a permis de bénéficier de conditions très avantageuses lors du greenbond lancé par le groupe en mars 2025 » conclue Pierre-Yves Burlot.
ACT aujourd’hui : un outil au cœur des nouvelles exigences
L’entrée en vigueur en 2024 de la CSRD (directive européenne sur le reporting durable) impose aux grandes entreprises de publier leur plan de transition. Dans ce contexte, ACT répond à une double attente : offrir aux PME et ETI un cadre rigoureux pour planifier leur transition et aligner leur stratégie avec les objectifs de l’Accord de Paris et les standards internationaux.
Les extensions récentes de la démarche ACT témoignent de cette évolution :
- ACT Adaptation, lancé en 2023 et testé sur 13 entreprises, évalue la stratégie d’adaptation au changement climatique autour de trois dimensions : gouvernance et stratégie, risques climatiques, capacités et actions d’adaptation.
- ACT Biodiversité, actuellement expérimenté avec 12 entreprises volontaires, évalue l’ambition, la solidité et la crédibilité des plans de transition nature des entreprises.
« ACT Adaptation a attiré notre attention sur des aspects que nous n’avions pas assez pris en compte » (ENGIE)
Pour ENGIE, l’adaptation nécessite une réponse fine, locale, spécifique à chaque site. Clément Tremblay, Responsable climat Groupe, l’explique clairement : « En matière d’adaptation, le traitement doit être local. On ne peut pas faire une analyse fine pour nos 1 200 sites dans le monde ». Grâce à ACT Adaptation, ENGIE a mis en lumière des angles morts, notamment sur la chaîne d’approvisionnement et les infrastructures nationales critiques, « comme les réseaux de transport d’électricité » précise Clément Tremblay. L’entreprise se concentre désormais sur la mise à disposition de données et le développement d’outils d’analyse pour les sites, afin qu’ils puissent eux-mêmes caractériser leur exposition et définir les mesures pertinentes. L’objectif : que l’adaptation devienne un réflexe intégré au pilotage local, comme l’est déjà l’atténuation à l’échelle du groupe.