La France a rejoint fin 2024 la liste des pays affectés par la désertification. L’occasion de rappeler que ce phénomène n’est pas circonscrit à l’Afrique. Pour Jean-Luc Chotte, spécialiste des sols et président du Comité scientifique français de la désertification (CSFD), il serait même bien plus étendu dans nos régions qu’on ne pourrait le penser.
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Quand on entend parler de désertification, on a tendance à voir une grande étendue de sable comme le Sahara s’agrandir. Or il ne s’agit pas que de cela. Nous parlons d’un processus progressif de perte de productivité des sols et d’amincissement du couvert végétal, dû aux activités humaines et aux variations climatiques. Il faut que le grand public et les politiques se rendent compte qu’une telle dégradation des terres menace nos régions, et qu’il est donc urgent de protéger la santé de nos sols.
Avec le changement climatique, les épisodes de sécheresse se multiplient et s’allongent dans le sud de la France, au point qu’une grande partie du littoral méditerranéen entre désormais dans la catégorie des zones arides, semi-arides ou sub-humides secs, susceptibles d’être affectées par la désertification. Pour la Convention des Nations-Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), ce phénomène survient quand les sols, en plus d’être situés sous ce type de climat, souffrent d’un mauvais usage (monoculture, absence de rotation, etc.), présentent une faible couverture végétale et contiennent un stock limité de matières organiques. Ils sont alors trop dégradés pour produire de nouvelles plantes, stocker de l’eau, être résilients face aux perturbations et aux stress. Aujourd’hui, 0,14 % de la superficie totale de la France métropolitaine répond à cette définition.
Mais ce chiffre, relativement peu élevé, ne nous semblait pas refléter correctement la situation. D’autres critères peuvent conduire à la même perte de fertilité et de résilience, y compris sous des climats moins secs : l’érosion des sols par les pluies ou par le vent, la salinisation, les déséquilibres nutritifs, les pollutions… C’est pourquoi le Joint Research Center (JRC) de la Commission européenne propose de prendre en compte d’autres indicateurs pour mesurer la désertification. En partenariat avec l’association Nitidae, qui œuvre pour la préservation de l’environnement et le renforcement des économies locales, nous avons testé ces indicateurs. Résultat : on est plutôt à 1,4 % de la superficie totale de la France métropolitaine affectée par la désertification ou par un phénomène similaire. Soit 751 700 ha.
Jusque-là, la France faisait partie des pays ratificateurs de la CNULCD. Elle contribuait à la lutte contre la désertification dans le monde, notamment via sa politique d’aide au développement. En s’inscrivant sur la liste des pays affectés, elle continuera à soutenir ce type de projets, mais pourra aussi mieux contribuer à la production des connaissances sur l’état de dégradation des sols dans le monde, puisqu’elle s’engage à suivre la situation sur son territoire. Elle pourra également travailler sur de nouveaux indicateurs pour identifier les zones à risques, qui ne s’appliqueraient pas qu’aux régions arides. Par ailleurs, en changeant de statut, la France va pouvoir mieux valoriser ses actions en faveur d’une gestion plus durable des sols sur son territoire.
Oui, il est réversible. En soutenant des usages plus adaptés des sols, comme l’agroécologie, ou en replantant des forêts, il est possible de restaurer la santé des sols, donc de les rendre plus résilients face aux événements extrêmes. Une meilleure gestion des matières organiques en améliorerait la fertilité. Le problème, c’est qu’un changement de pratique ne donne des résultats qu’après une période de transition d’une dizaine d’années. Les agriculteurs ne peuvent s’engager sans soutien financier. Pour les aider, il faudrait valoriser les services qu’ils rendent à la collectivité, et pas seulement leurs productions. En améliorant leur gestion des sols, ils contribuent en effet à un meilleur stockage du carbone, à la préservation de la biodiversité, à la qualité des eaux, etc.
Le sol, une ressource non renouvelable à préserver
À quoi ressemblent des sols en bonne santé ? Pourquoi est-il important qu’ils le restent ? Quelles sont les causes de dégradation des sols ? Quel est l’état des sols en France ? Comment mieux les protéger ?… Autant de questions auxquelles l’ADEME répond dans un nouveau guide, paru en février 2025 à destination du grand public. Celui-ci vise à faire prendre conscience de la richesse et du caractère non renouvelable de cette ressource, dont nous ne disposons qu’en faible quantité. On a trop tendance à ne les considérer que comme une simple surface que l’on foule.
du territoire a vu son climat tendre vers un climat plus sec entre 1993 et 2022.