Autrefois adepte de l’avion et des périples lointains, le créateur de contenus Tolt s’est rallié aux transports alternatifs à faible empreinte carbone. Une conversion heureuse, sous le signe du confort et de la découverte, et qu’il s’emploie à faire partager au travers du média HOURRAIL !
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L’heure du voyage bas carbone aurait-elle sonné ? Savoir que le Journal de TF1 promeut les vacances sans avion auprès de millions de téléspectateurs incite à poser la question. D’autant plus que SNCF Voyageurs, de son côté, n’a jamais vendu autant de billets. « Les choses ne sont pas si simples, tempère Tolt, fondateur du média HOURRAIL ! L’année 2024 va être celle de tous les records pour le secteur aérien. Et quand on voit l’impuissance des États à s’entendre pour reporter l’impact écologique de l’avion sur le prix des billets, et la difficulté des entreprises ferroviaires alternatives à se financer, on comprend que le combat n’est pas encore gagné. » Celui de Tolt, de son vrai prénom Benjamin, a d’abord été mené contre ses propres habitudes. Après avoir été embauché chez Canal+ à la sortie d’une école de commerce, le jeune homme choisit rapidement de suivre ses aspirations. Plutôt qu’à faire du marketing digital, elles le portent à raconter des histoires à travers l’image. Le succès vient avec la série YouTube Don’t Go to, dans laquelle les idées reçues sur des pays étrangers sont méthodiquement déconstruites. Benjamin est alors un globe-trotter qui ne compte pas ses heures à bord des avions. « Mon mode de vie reposait sur un mélange de déni et d’ignorance, explique-t-il sans détour. Mais les conversations avec mes proches, et mon inquiétude pour la planète ont entraîné de plus en plus de dissonance cognitive. Jusqu’à la décision, prise à l’été 2019, de faire pivoter à 360 degrés ma ligne éditoriale. »
Quand on dirige une société de production dont la moitié des revenus proviennent des commandes de compagnies aériennes, il faut du cran pour devenir l’apôtre du voyage à faible empreinte carbone. Afin d’amortir le choc, Benjamin envisage l’année 2020 comme une période de transition, s’autorisant à prendre l’avion à petites doses si ses missions l’y conduisent. La pandémie de Covid-19 en décide autrement.
Nous aurons réussi quand une photo de paysage aura davantage de succès sur Instagram en étant prise depuis l’intérieur d’un train plutôt que derrière le hublot d’un avion.
L’aventure commence sur le pas de la porte
Cloué au sol par le confinement, Benjamin se prend à décliner dans les régions françaises peu ou mal connues – Creuse, Lozère, Aveyron… – le principe de Don’t Go to. Bilan : une empreinte carbone divisée par vingt-cinq et un chiffre d’affaires presque doublé grâce à l’engouement des acteurs territoriaux pour ses webdocumentaires. C’est au cours de cette période qu’il redécouvre avec délice le charme des parcours en train. Le départ et l’arrivée dans le cœur des villes, l’absence de portiques de sécurité, l’accès au Wifi, et la libre circulation à bord donnent à l’expérience de voyage une qualité sans commune mesure. Plus encore, choisir le train pour couvrir de longues distances ouvre la possibilité de faire des découvertes en chemin. « Pourquoi pense-t-on que les vacances ne démarrent qu’une fois arrivé à destination, après un parcours subi comme une succession de contraintes ? », interroge-t-il. Et d’illustrer son propos : « Rallier la Sicile par le rail prend du temps, mais c’est l’opportunité de s’émerveiller devant la variété des paysages italiens et de découvrir, par exemple, une ville comme Milan ».
On pourrait avancer que le choix de « consommer » plusieurs jours pour atteindre un lieu que l’avion place à seulement quelques heures suppose d’avoir du temps devant soi. De là à penser que le slow travel est une forme de privilège, il n’y aurait qu’un pas… Communicant avisé, Benjamin pare l’objection. « Quand je suis parti visiter des pays comme l’Albanie ou la Roumanie, j’ai pris deux semaines de congés estivaux, comme la majorité des Français. C’est une durée qui permet d’explorer l’Europe de l’Est et du Sud, et même de pousser jusqu’au Maroc ou la Tunisie. » Pour l’Asie ou le continent américain, c’est autre chose. Mais l’ambition de l’entrepreneur est aussi de renouveler les représentations, en montrant que l’aventure et le dépaysement ne se vivent pas nécessairement à des milliers de kilomètres.
Un lexique à renouveler autour de la sobriété
Benjamin l’a longtemps éprouvé à ses dépens : difficile de construire de longs itinéraires en train sans disposer d’un outil adapté. C’est pour combler ce manque qu’est née, début 2023, la plate-forme HOURRAIL ! « Nous avons déjà aidé plus d’un million d’internautes à réaliser leurs projets sans avion ni voiture. Lire leurs récits est la plus belle récompense : on veut que les gens passent à l’acte et prêchent ensuite la bonne parole autour d’eux. »
Car, il en est convaincu, il faut une véritable bascule sociale pour réinventer le voyage. L’impact de l’action publique ? Fort de son statut de leader d’opinion, Tolt a été invité à débattre avec Clément Beaune, alors ministre délégué chargé des Transports. Un échange sans complaisance où l’homme politique a été mis au défi d’œuvrer pour la taxation du kérozène ou encore d’accélérer la mise en œuvre du Pass Rail. « La plupart des décideurs sont encore dans une approche techno-solutionniste, n’osant pas parler de sobriété de crainte de braquer l’opinion, estime Benjamin. Ils alimentent ainsi la vision d’une écologie triste, synonyme de privations. Si je prends mon exemple, c’est tout le contraire : plus sobre dans mes pratiques, je me sens bien mieux dans mes baskets ! » Reste l’écueil du prix. « On oublie souvent les coûts cachés liés à l’avion, comme le taxi pour rejoindre l’aéroport ou le supplément bagage. En réservant à l’avance, en économisant une nuit d’hôtel grâce au train de nuit, en privilégiant les trains subventionnés – Intercités ou TER en France – et en s’informant sur les pass et autres cartes avantages, il est possible de réduire l’écart de tarif entre les deux modes de transport. »