« La question du changement de modèle s’impose aujourd’hui au secteur textile. »

L’industrie textile française a perdu plus de 300 000 emplois depuis 19901. Cette crise sectorielle s’explique par l’arrivée de la fast fashion et, plus récemment, de l’ultra-fast fashion et de leurs plateformes numériques. En proposant chaque jour des milliers de nouveaux modèles à bas coûts, celles-ci poussent à renouveler en permanence nos dressings. Elles parviennent à nous faire oublier que des vêtements vendus à des prix aussi dérisoires coûtent finalement toujours trop cher par rapport à leur qualité souvent médiocre, et ne peuvent exister qu’aux dépens de l’environnement et des droits humains. C’est donc un désastre social en termes d’emploi, un désastre écologique en matière de consommation de ressources, et un désastre économique pour notre pays.

La parole à Sylvain Waserman PDG de l’ADEME


Comme tous les biens manufacturés, nos vêtements ont des conséquences sur l’environnement : leur fabrication entraîne une grosse consommation d’eau et de ressources, émet des gaz à effet de serre, engendre l’utilisation de produits toxiques, contribue à la déforestation, génère de nombreux déchets… L’ultrafast fashion, qui repose sur une surconsommation irraisonnée, aggrave ces problèmes. Et ses dérives sont inquiétantes pour la planète. Certaines entreprises tricolores l’ont bien compris et proposent de nouvelles manières de produire, pour être compétitives et rentables en s’appuyant sur des ressources et des savoir-faire locaux.

L’ADEME agit autant pour l’emploi que pour l’environnement quand elle accompagne les entreprises dans leurs démarches de décarbonation ou d’écoconception. Nous appuyons également la création de nouvelles filières, 100 % françaises, qui reposent sur des ressources naturelles locales (lin de Normandie, laine d’Occitanie…) ou sur le recyclage de textiles. Celui-ci est en effet un volet important pour réduire la dépendance du pays aux matières premières vierges produites à l’étranger. Il renforce les capacités existantes (recyclage du coton, etc.) et développe de nouvelles filières, en particulier pour le recyclage de textiles composés de polymères complexes. Cela contribuera également à créer de nouveaux emplois. L’ADEME soutient cette industrie avec les appels à projets ORMAT (Objectif Recyclage MATières), lancé depuis 2023 et CAPTE pour « Circularité avancée des plastiques, textiles et élastomères », lancé cette année dans le cadre de France 2030.

Depuis le mois de mai, accompagné par les équipes régionales et nationales de l’ADEME, j’ai entrepris un Tour de France à la rencontre des entreprises pour leur présenter une nouvelle offre développée à leur intention : création de cursus de formation, lancement de la plateforme numérique Mission Transition Écologique, nouveaux appels d’offres, méthodologie de décarbonation, etc. Cela peut intéresser les acteurs du secteur textile au vu des enjeux du secteur, et ce, quel que soit le degré de maturité de leur démarche de transition écologique.

Nous continuons par ailleurs d’agir auprès des consommateurs, en les invitant à s’interroger sur leurs besoins, ainsi que sur l’impact de leurs achats avec des guides grand public ou des campagnes publicitaires. Nous avons aussi fortement contribué à la mise en place de l’affichage environnemental qui, prévu par la loi Agec, se concrétisera à la rentrée. Celui-ci devrait aider à la fois le consommateur à faire des choix plus éclairés, et les fabricants dans leurs démarches d’amélioration de la performance environnementale des produits.

La question du changement de modèle pour le secteur apparaît essentielle aujourd’hui. Prendre conscience de notre impact, changer nos habitudes, essayer d’autres façons de concevoir et de produire : c’est aussi ça, bâtir un avenir durable.

1 Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3632345#pesp