Pour impulser un changement de modèle dans l’industrie textile, comment la responsabilité doit-elle s’articuler entre consommateurs, marques et législateur ? Anne-Cécile Violland, députée, rapporteure de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, et Nicolas Rohr cofondateur de la marque écoresponsable FAGUO, livrent, dans cet entretien croisé, leurs réponses éclairées.
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Elle est également secrétaire de la Commission Développement durable et de l’Aménagement du territoire, présidente du Groupe Santé Environnement et rapporteure de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.
Diplômé de l’ISTEC, il se donne pour mission de concevoir des collections à l’empreinte carbone toujours plus basse
La première raison est simple : cette industrie est l’une des plus polluantes au monde. On ne peut plus constater cela sans agir. Parallèlement, et de façon unanime, les parlementaires ont à coeur de soutenir l’économie française et nos savoir-faire en redynamisant notre industrie.
En effet, nous sommes à un moment charnière. Les faits sont établis : les impacts environnementaux du textile sont massifs. Réguler, c’est reconnaître que l’inaction a un coût, et que le système actuel, fondé sur des volumes infinis, a atteint ses limites.
La France est le premier pays à légiférer sur cette question. Pour la première fois, les parlementaires reconnaissent que le modèle de la fast fashion, ou mode express, n’est viable, à long terme, ni pour la planète, ni pour les humains.
La nouveauté vient aussi du fait que la loi défendue par Anne-Cécile Violland trace enfin une ligne claire entre les entreprises qui intègrent la responsabilité environnementale au coeur de leur modèle, comme la nôtre, et celles qui la contournent. Nous espérons qu’elle incitera les marques encore hésitantes à franchir le pas.
La responsabilité commence par ceux qui produisent. Les entreprises du textile ont une capacité d’action immédiate et directe, et un rôle de prescripteur auprès des consommateurs. Par exemple, FAGUO est société à mission depuis 2008 et membre B.Corp depuis 2021 : concrètement, nos produits émettent en moyenne 24 % d’émissions de CO2 de moins que le marché. Quant au pouvoir politique, à mon sens, il est là pour sécuriser cette transition et poser des gardefous.
Oui, tous les acteurs doivent changer, même s’ils ne sont pas au même niveau de responsabilité. Les marques ont la capacité de structurer des filières plus durables. Les consommateurs exercent aussi une influence non négligeable, l’acte d’achat est un acte citoyen. Côté législateur, une réglementation contraignante offre, quant à elle, une base équitable pour toute l’industrie et favorise les entreprises qui s’engagent. C’est un puissant levier de transformation !
Changer de modèle suppose de remettre en question ce qui a très bien fonctionné pendant des années ! Autre difficulté : les actions à mettre en place pour activer le changement peuvent être assez exigeantes, par exemple pour l’obtention des labels bas carbone.
La peur de perdre en compétitivité est en effet le frein majeur côté entreprises. Il y a d’autres problèmes de taille, comme la facilité de consommation via Internet et les réseaux qui contribuent à la surconsommation, en particulier du public jeune. D’où l’importance d’informer davantage, via l’affichage environnemental, et de légiférer sur la publicité comme le prévoit la loi.
Si notre entreprise a choisi d’être en tête de cordée à ce sujet, c’est parce que nous sommes convaincus que montrer qu’un autre chemin est possible donne du courage aux suivants.
Les marques les plus vertueuses sont souvent celles qui sont le plus pénalisées si la concurrence n’est pas mieux régulée. C’est la loi qui doit imposer le cadre pour réorienter tout le système, en lien avec l’Europe. La force viendra du commun, il faut avancer ensemble. Nous ne sommes pas sortis de l’impasse, mais pour la première fois on aperçoit une lumière !
Que dit la loi « anti-fast fashion » ?
Portée par la députée Anne-Cécile Violland, la loi qui vise à réguler l’industrie de la mode express en imposant des mesures pour réduire son impact environnemental a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée le 14 mars 2024, avant son examen au Sénat en juin 2025. Elle prévoit ainsi des restrictions sur la publicité, des pénalités pour les marques ne respectant pas les normes environnementales et des bonus pour les entreprises les plus vertueuses.