Charlotte Lemay exerce le métier de mannequin et d’influenceuse. Elle est déterminée à démontrer que son métier et son influence en ligne peuvent aller de pair avec son engagement responsable, sans craindre de s’inscrire en décalage avec le milieu dans lequel elle évolue.
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Mannequin depuis l’âge de 17 ans, créatrice de contenus à succès, figure bien identifiée d’une écologie qu’elle veut inspirante et désirable…, Charlotte Lemay est tout cela à la fois. Pour comprendre sa trajectoire, il faut revenir sur l’éveil de sa sensibilité au sort de la planète et des êtres vivants qui la peuplent. « J’ai commencé à gagner ma vie très jeune, en volant d’un shooting à l’autre et en m’entendant dire que j’avais une vie de rêve. Jusqu’au jour où j’ai réalisé que je n’étais pas heureuse. »
Car, petit à petit, l’étudiante en droit et histoire de l’art qu’elle est encore à l’époque prend la mesure des dégâts causés par le monde de la mode. L’avion à outrance, la composition douteuse des produits cosmétiques, les conditions de travail des ouvriers et ouvrières de la fast fashion… Au plus profond d’elle-même, l’écart entre les convictions et les exigences du métier de la jeune femme se creuse jusqu’à l’insupportable. Avec, pour résultat, un burn-out et une promesse : celle de changer tout ce qui peut l’être, sans céder sur ses valeurs.
Le monde de la mode n’en est qu’au début de sa transformation. Quand je prends le train pour un shooting, on me demande encore de payer la différence avec le prix de l’avion.
Du jour au lendemain, la jeune femme demande à voyager en train et refuse d’associer son image aux marques les moins scrupuleuses sur le respect de l’environnement et des droits humains. Du jamais-vu dans un milieu où règne une concurrence féroce pour l’accès aux contrats ! « Certes, j’ai rencontré l’incompréhension et perdu quelques collaborations. Mais ma position a fini par être acceptée et, pour moi, le changement a été salvateur. »
C’est aussi le temps des premiers pas sur les réseaux sociaux. D’abord un blog, puis un compte instagram (@chamellow) qui réunit aujourd’hui plus de 250 000 followers. Avec cette communauté, Charlotte partage ses pratiques durables et met en avant des marques écoresponsables.
Aider les créateurs de contenus à s’engager
Le terme d’influenceur est souvent marqué d’une connotation péjorative. Parmi celles et ceux dont c’est le métier, beaucoup se voient accusés de promouvoir un mode de vie excessivement consumériste et de se soumettre aux stratégies marketing des annonceurs sans opposer le moindre regard critique.
« Je comprends parfaitement ces reproches, mais je pense qu’une autre voie existe. Aujourd’hui, il est possible de se renseigner sur les lieux de fabrication des produits, les matières utilisées, le sort réservé au personnel des sous-traitants, et les moins de 25 ans sont de plus en plus nombreux à s’informer directement via les influenceurs. Cela nous donne une responsabilité que l’on ne peut pas fuir ! »
Charlotte ne se contente pas de sélectionner ses partenaires avec rigueur, quitte parfois à solliciter l’avis d’experts de la mode si son enquête n’a pas levé tous les doutes. Elle milite aussi pour une influence plus responsable. Ainsi, le projet de loi – en cours d’élaboration – sur l’interdiction de promotion des marques d’ultra-fast fashion suscite son entière adhésion. « Je suis en contact avec plusieurs personnes qui participent à cette démarche et j’essaie de la relayer en publiant des contenus sur LinkedIn ou en signant et en faisant signer des pétitions. »
Entre les influenceurs lifestyle, souvent très pros, mais peu engagés, et les influenceurs militants, peu portés sur les recommandations pratiques, je pense pouvoir faire entendre ma voix.
Depuis 2022, Charlotte s’adresse directement aux créateurs de contenus via l’association Aware Collective, qu’elle a fondée pour organiser des voyages en train en France et des journées de sensibilisation. L’objectif poursuivi ? Attirer l’attention des participants sur des savoir-faire locaux, éthiques et responsables, et leur donner des clés pour communiquer sur ces sujets.
Plaidoyer pour une influence discrètement impactante
Dans toutes les dimensions de son activité, Charlotte tient sa ligne : montrer l’écologie sous un jour désirable, valoriser les actions vertueuses du quotidien, et refuser les injonctions culpabilisantes. « Il y a des personnes qui me suivent parce que mes looks leur plaisent ou qu’elles voient dans les voyages en train que je documente un moyen de partir à l’aventure plutôt qu’une solution de remplacement à l’avion. Je crois que cela peut être une manière d’orienter vers des choix plus réfléchis celles et ceux qui ne sont pas encore convaincus. »
À côté de cette approche discrètement persuasive, Charlotte reconnaît la qualité du travail effectué par des influenceurs au profil plus « activiste ». Elle mentionne d’ailleurs la militante écologiste Camille Étienne et le média indépendant Bon Pote comme deux aiguillons qui ont contribué à sa propre prise de conscience.
Au printemps 2025, missionnée par l’organisation Make the Label Count, Charlotte a pris la parole au Parlement européen. Elle y a défendu la nécessité de prendre en compte des services écologiques rendus par les matières naturelles (laine, lin, coton ou chanvre) dans la méthode d’évaluation environnementale en cours de développement au sein de l’Union européenne. « À cette occasion, j’ai pu poser les questions de ma communauté et j’ai apprécié le sérieux des réponses apportées par les députés européens et des représentants de la Commission. Il me semble important de faire entendre la voix des citoyens dans les lieux de décision. »
Charlotte tire-t-elle de cette expérience l’idée de donner une tournure plus politique à son engagement ? « J’irai là où je me sens utile. Pour le moment, ma préoccupation est de faire grandir mon association. » La jeune femme voudrait aussi créer des formats longs et didactiques pour approfondir les thèmes traités. Restituer la complexité des choses, et faire droit à la nuance : c’est l’une des ambitions qui animent Charlotte.
