Déchets textiles et chaussures : le nouveau défi à relever

Chaque année, plus de 800 000 tonnes de textiles d’habillement, linges de maison et chaussures (TLC) sont mises sur le marché en France. Elles représentent autant de futurs déchets. Or, le pays n’est pas encore en mesure d’en traiter une telle quantité, dont une grande part est difficilement recyclable, voire pas du tout. La filière REP TLC y travaille.


Qu’est-ce qu’une filière REP ?

La responsabilité élargie du producteur (REP), qui s’appuie sur le principe du « pollueur-payeur », est inscrite dans la loi depuis 1992. Elle rend responsables de l’ensemble de leur cycle de vie les acteurs économiques qui mettent des produits pour la première fois sur le marché français. Qu’ils soient fabricants, distributeurs ou importateurs, ils doivent financer et organiser la prévention et la gestion des déchets issus de leurs produits. D’abord créé pour les emballages ménagers, le dispositif a peu à peu été élargi à d’autres biens, comme les textiles d’habillements, les linges de maison et les chaussures (dispositif appelé « Filière REP TLC »), en 2007.

36,4 %

des 811 000 tonnes de TLC produits en 2023 ont été collectées séparément une fois usagées (267 899 t), soit 1/3 seulement.

14,4 %

ont été orientées vers un réemploi ou réutilisation (116 900 t)

7,2 %

ont été orientées vers le recyclage (58 500 t)

Comment la filière REP TLC s’organise-t-elle ?

Bien que basée sur la responsabilité individuelle du producteur, la REP peut être assurée de manière collective, au travers d’un éco-organisme agréé par l’État. Pour la filière REP TLC, c’est Refashion. Depuis 2009, cette structure coordonne la gestion des textiles jetés par les ménages. Elle sollicite et soutient les collectivités et les opérateurs de la filière (ceux de l’économie sociale et solidaire) qui organisent la collecte, le tri, le réemploi, la réutilisation et le recyclage de ces déchets. Elle accompagne les fabricants dans leurs démarches d’écoconception. Elle finance la recherche de nouvelles technologies de recyclage, leur industrialisation et le développement des capacités de traitement. Enfin, elle encourage les Français à allonger la durée de vie de leurs vêtements, via le bonus réparation, et elle les sensibilise au tri. Toutes ces missions sont financées par les écocontributions que les fabricants, distributeurs et importateurs de textiles paient à Refashion : entre 2 et 20 centimes par produit mis sur le marché. Au total, cela représentait 101,40 M€ en 2023. Depuis la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC), votée en 2020, des primes peuvent être appliquées à ces écocontributions, selon certains critères de performances environnementales tels que l’incorporation de matières premières issues du recyclage, et la certification par un label environnemental.

Où vont les 2/3 de textiles et chaussures usagés qui échappent à la collecte ?

Certains sont échangés directement entre particuliers, mais l’essentiel est jeté avec les ordures ménagères. « Avant, les gens donnaient pour les plus démunis. Ils étaient donc invités à ne donner que des vêtements en bon état, explique Manon Léger, chargé de la supervision de la filière REP TLC à l’ADEME. Or, maintenant, on demande d’apporter tous les textiles usagés, y compris ceux qui sont abîmés ou tachés. Ces derniers peuvent en effet être découpés en chiffons, servir de rembourrages, être transformés en isolants, en nouvelles fibres textiles… Mais le grand public ne le sait pas forcément. » Sensibiliser aux bons gestes de tri, c’est l’un des principaux enjeux de la filière aujourd’hui, puisque l’État lui a fixé pour objectif de collecter 60 % des TLC en 2028 (contre 36,4 % en 2023).

À quoi bon trier, si l’essentiel est exporté ?

Aujourd’hui, la France n’a pas les capacités suffisantes pour réemployer, réutiliser et recycler les 270 000 tonnes de déchets textiles qu’elle parvient déjà à collecter. Beaucoup d’entre eux sont exportés, sans connaissance effective de leur devenir. Mais des exutoires existent, et d’autres émergent. On peut citer, par exemple, des projets de reconditionnement (nettoyage, réparation…) pour détourner des flux destinés au recyclage, l’incorporation de déchets textiles dans des isolants thermiques et acoustiques (tels que le produit Metisse®, mis au point par Le Relais à partir de jeans recyclés), ou encore des procédés industriels mécaniques qui produisent du fil 100 % recyclé à partir de déchets textiles (comme le fait l’entreprise Filature du Parc). Plusieurs projets R&D sont en cours, pour le recyclagedes textiles synthétiques. Enfin, une refonte de la filière a été récemment annoncée par la ministre chargée de la Transition écologique, afin de renforcer ses capacités.

Parallèlement à de ces actions pour développer les capacités de traitement des déchets du secteur, il faut aussi agir en amont pour limiter leur production, par exemple, en s’interrogeant avant d’acheter des TLC (neufs et de seconde main) et en optimisant la durée de vie des TLC qu’on possède déjà (réparation, entretien…)

Manon Léger, chargé de la supervision de la filière REP TLC à l’ADEME

Pourquoi les textiles et chaussures sont-ils si difficiles à recycler ?

Ce sont des objets complexes à recycler, en raison de leur composition et leur structuration (nombre de coutures, superposition de couches, etc.). Pour les chaussures, par exemple, on peut recycler certaines semelles, mais il faut d’abord les démanteler pour les séparer de la tige (partie haute). Pour un textile, au-delà de deux matières (hors élasthanne), ou d’une couche (poche, par exemple), l’identification de chaque matière pour les diriger vers certaines voies de recyclage sera entravée. Afin de limiter ces verrous et les débloquer, la filière mène des actions, telles que la sensibilisation auprès des producteurs, pour améliorer la conception des produits. Elle finance également la recherche pour améliorer les technologies de recyclage, puis leur industrialisation.

Les cinq gestes à retenir

  • S’interroger sur son besoin avant d’acheter.
  • Privilégier les textiles monomatière.
  • Allonger la vie de ses habits, en respectant leurs consignes d’entretien.
  • Penser à la réparation, dont le prix peut être réduit par un bonus réparation de 5 à 25 € si l’on passe par un réparateur labellisé.
  • Apporter tous ses textiles et chaussures dans un point de collecte (borne, association, déchèterie…), même les plus abîmés. Seuls les textiles moisis ou souillés de substances chimiques n’y sont pas acceptés. Si le TLC semble réutilisable, préférer le céder à proximité, à des proches, par exemple, ou à une structure de réemploi voisine (exemple : boutique solidaire, fripier indépendant…).