L’intensification des aléas climatiques pousse le secteur du tourisme à repenser ses modèles. Pour l’accompagner, l’ADEME a mené une expérimentation auprès de sites emblématiques français afin de les aider à construire des stratégies résilientes face aux défis à venir.
Depuis 30 ans, la France est la première destination touristique mondiale. Si cette vitrine tricolore génère environ 8 % du PIB et 2 millions d’emplois, elle est aujourd’hui considérée comme extrêmement vulnérable face au changement climatique. Dans ce cadre, l’ADEME accompagne les sites touristiques dans leur adaptation face aux aléas à venir. En 2020, six sites touristiques des Hauts-de-France ont été sélectionnés, parmi lesquels le Parc Astérix, la commune de Gerberoy et le Parc d’Olhain. Forte d’une première édition réussie, l’initiative a été étendue en 2024-2025 à 25 sites touristiques répartis entre les Hauts-de-France et la Nouvelle-Aquitaine.
Construire un diagnostic de vulnérabilité
Pour chaque site, « nous avons identifié l’exposition du lieu aux aléas climatiques, puis la sensibilité des activités du lieu face à ces aléas, afin de pouvoir mesurer l’impact probable des évolutions » explique Eliane Métreau, alors animatrice adaptation au changement climatique pour l’ADEME dans les Hauts-de-France au moment du lancement du projet. Cette distinction entre l’exposition à un risque, telle que la présence de zones submersibles en cas d’élévation du niveau de la mer, et la sensibilité, comme la densité de population sur ces zones, permet d’établir une hiérarchie des vulnérabilités. Une méthodologie précise, qui s’accompagne de différents livrables :
- un diagramme radar pour présenter l’exposition de chaque site à plus d’une vingtaine d’aléas (sécheresse, vague de chaleur, tempête, érosion côtière…) ;
- une matrice de vulnérabilité reliant sensibilité et exposition ;
- un plan d’actions avec plusieurs démarches d’aménagements.
« L’objectif est de fournir un cadre et des actions concrètes pour que les opérateurs comprennent l’urgence d’intégrer les aléas climatiques dans leurs modèles économiques dès aujourd’hui » reprend Éliane Métreau. Ces études, financées par l’ADEME, sont ainsi le point de départ de différentes stratégies d’adaptation.
L’exemple de Lascaux IV
En Dordogne, l’ADEME a accompagné le Centre International de l’Art Pariétal Lascaux IV, musée et réplique de la célèbre grotte dans l’élaboration de son diagnostic de vulnérabilité. Cet accompagnement sur quelques mois, a débuté par une réunion de lancement : « nous étions déjà animés par une réelle volonté d’amélioration, mais nous souhaitions disposer d’une base solide et d’arguments concrets pour rassembler toutes les parties prenantes autour de la table » explique Laurent Puichaud, coordinateur technique de Lascaux IV. D’après le diagnostic technique de l’ADEME, le site sera, dans un avenir proche, particulièrement sensible aux inondations dues aux remontées de nappes phréatiques, aux canicules et aux pluies diluviennes.
Parmi les premières recommandations de l’ADEME se trouvent par exemple la possibilité d’installer des cuves de rétention d’eau pluviale, le redimensionnement des évacuations d’eau, ou encore la pose de panneaux solaires, et l’installation d’ombrières végétales au niveau des parkings. « Le classement du site nous invite à composer avec les spécificités du terrain et à adapter nos interventions pour en préserver la valeur, ce qui nécessite du temps, » reprend Laurent Puichaud. Cependant d’autres projets sont à l’étude, comme l’installation de toiles tendues amovibles entre le bâtiment et l’entrée de la réplique de la grotte. Elles devraient permettre de limiter l’écart de température, aujourd’hui de plus de 20 degrés lors des vagues de chaleur, entre les différentes zones de visite. « Les premiers effets du changement climatique sont déjà là : il faut que l’on anticipe, d’autant plus que ces adaptations sont des processus parfois longs à mettre en œuvre » conclut le coordinateur technique.
L’exemple du Parc Départemental d’Olhain (Pas de Calais)
Le Parc départemental de Nature et de Loisirs d’Olhain, situé dans un massif forestier de 450 hectares et proposant de nombreuses activités (sentiers pédestres et cyclables, golf, accrobranche, golf, luge d’été…) a également été sélectionné par l’ADEME pour être accompagné dans sa stratégie d’adaptation au changement climatique. Le parc doit lui aussi faire face à plusieurs aléas : les vagues de chaleur, le cycle des gelées, et l’augmentation de la température de l’air, ou les « coups de vents ». D’après l’ADEME, dans les années à venir le site sera de plus en plus menacé par des phénomènes de feux de forêts et de broussailles et à l’évolution d’éléments pathogènes. Face à cet état des lieux, plusieurs pistes d’actions ont été proposées, telles que ombrager les aires d’attente des activités et les aires de pique-nique pour éviter les coups de chaleur et protéger de la pluie, mettre à jour le plan de gestion sylvicole en prenant en compte les enjeux climatiques ou encore établir un protocole de prévention et d’intervention en cas d’événements météorologiques extrêmes. « Au total, nous avons une dizaine de fiches action très opérationnelles, explique Yannick Audineau, directeur général du parc. Certaines nécessitent de lourds investissements, mais d’autres peuvent être faites au fil de l’eau. Par exemple, nous avons lancé la replantation d’essences qui sont plus résilientes face au stress hydrique. »