Les financements en faveur du climat progressent fortement ces dernières années… Mais ils restent encore très insuffisants pour permettre d’accompagner l’économie européenne vers la neutralité carbone. Un échec annoncé ? Non, le renforcement de la pression réglementaire et la multiplication d’outils dédiés devraient favoriser la transition rapide du monde de la finance.
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En 2015, à l’approche de la COP21, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney prononce un discours qui fera date. Il y alerte le monde de la finance des dangers du risque climatique et appelle à « briser la tragédie des horizons » en érigeant des ponts entre les intérêts de court terme des investisseurs et ceux de long terme de la planète. « L’électrochoc a eu de l’effet, indique Mathieu Garnero, directeur du projet Finance ClimAct à l’ADEME. Depuis l’accord de Paris, de nombreux banquiers, assureurs, gestionnaires d’actifs et investisseurs institutionnels se sont engagés à verdir leurs pratiques et leurs portefeuilles pour orienter davantage de ressources vers une économie durable, favoriser la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. » Et des ressources, il en faudra : l’atteinte des objectifs de neutralité carbone nécessiterait 125 000 milliards de dollars d’investissements, dont 32 000 milliards dans les dix prochaines années.
Derrière les annonces, l’attente de résultats
Lors de la COP26 de novembre 2021, le même Mark Carney – devenu entre-temps envoyé spécial des Nations unies pour l’action climatique et la finance – a de nouveau fait grand bruit en annonçant que 450 compagnies financières totalisant 130 000 milliards d’actifs avaient rejoint la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) en s’engageant dans une trajectoire de neutralité carbone. Une très bonne nouvelle sur le front de la finance verte… « Mais pour l’instant force est de constater que cette mobilisation ne porte pas tous les fruits attendus », poursuit Mathieu Garnero. Ainsi, alors que les énergies renouvelables doivent se partager 150 milliards d’euros d’investissements chaque année, les explorations pétrolières en engloutissent, elles, 500 milliards. Plusieurs explications à cela : des incitations à agir trop timides, une profonde difficulté pour les financeurs à s’affranchir des habitudes de rentabilité court-termiste, et surtout des normes et standards encore imprécis. « Or, pour transformer les bonnes volontés en actions qui répondent vraiment aux besoins d’une économie en transition, il faut un cadre incitatif, structuré et lisible par tous », insiste Mathieu Garnero. La bonne nouvelle est que ce cadre se précise au niveau européen avec plusieurs avancées notables, dont la taxonomie, qui classe les activités économiques en fonction de leur impact favorable sur l’environnement et la directive CSRD sur le reporting extra-financier.
Des dispositifs dédiés
Dans un contexte européen de plus en plus favorable à l’émergence d’une finance verte, l’ADEME s’attache, pour sa part, à contribuer activement à la dynamique à travers plusieurs dispositifs dédiés. Parmi eux figure l’appel à projets de recherche Finance et Climat – deux éditions en 2019 et 2022 – qui vise à orienter les investissements vers des actifs bas carbone, en apportant de nouvelles connaissances sur les outils de financement, les stratégies et les trajectoires de décarbonation ainsi que sur les impacts du monde de la finance. Par ailleurs, depuis 2019, l’ADEME coordonne un consortium français de huit acteurs qui portent le projet Finance ClimAct. « Doté d’un budget de 18 millions d’euros, ce programme est centré sur le déploiement d’un panel d’outils à destination des entreprises, des institutions financières, des instances de régulation et des épargnants avec l’ambition d’améliorer la prise en compte des questions climatiques dans les processus de décision. Cela afin d’aligner les flux financiers sur les besoins d’une économie bas carbone », résume Mathieu Garnero. Plusieurs réalisations sont en cours de déploiement comme l’initiative ACT pour l’évaluation des stratégies et des actions des entreprises, le dispositif de formation Inveest pour les acteurs du financement, neuf plans de transition sectoriels pour les industries les plus émissives, l’amélioration du reporting extra-financier ou encore un observatoire de la finance durable qui permettra de suivre dans le temps la concrétisation, tant attendue, des engagements.
Du vert dans mon épargne
Épargner durable ? Plus facile à dire qu’à faire ! Pour l’heure, en effet, les ménages qui souhaiteraient verdir leurs placements sont confrontés à une offre encore modeste, tant sur le plan des produits que de la qualité du conseil. Mais l’horizon de l’épargne verte devrait s’éclaircir avec l’arrivée d’un écolabel européen dédié aux produits financiers et le déploiement d’une plateforme en ligne permettant aux épargnants de trouver les placements les plus adaptés à leurs préférences extra-financières. Par ailleurs, l’ADEME élabore actuellement une campagne de communication grand public qui sera lancée l’an prochain sur cette thématique.