Dossier

Performance énergétique : un enjeu pour la valeur verte des logements

Soutenu par l’ADEME dans le cadre de l’appel à projets de recherche « Finance Climat », le projet HERMES – pour Hétérogénéité à la rénovation des ménages : simulations –, aborde les motivations des ménages, la précarité énergétique et la prise en compte de l’information contenue dans le diagnostic de performance énergétique (DPE). Autant de sujets qui intéressent de près les acteurs de l’immobilier et de la rénovation énergétique… Et même les banques. Interview croisée de Anna Creti, professeur d’économie à l’université de Paris Dauphine-PSL, directrice scientifique de la chaire Économie du climat et coordinatrice du projet HERMES et Sarah Marquet, économiste au service bâtiment de l’ADEME.


Quel est l’objectif du projet HERMES ?
Anna Creti

Porté depuis 2019 par une équipe de l’université Paris Dauphine, le projet de recherche HERMES se compose de trois volets. Les deux premiers cherchent à comprendre les décisions et les préférences des ménages en ce qui concerne la performance énergétique de l’habitat, avec un focus spécifique sur l’impact du DPE dans les choix immobiliers. Le troisième volet concerne l’évaluation de l’impact des politiques publiques liées à la rénovation sur les situations de précarité énergétique.

Sarah Marquet 

Outre son périmètre et la qualité académique des équipes, ce qui nous a intéressés dans ce projet, c’est qu’il cherche à mieux comprendre les comportements et les motivations des ménages par une approche statistique. C’est un atout pour l’ADEME, qui a besoin de s’appuyer sur les études les plus objectives possible, pour calibrer au mieux les actions permettant de faire monter en puissance la rénovation énergétique performante.

Quelles ont été, jusqu’à présent, les principales découvertes ?
S.M.

Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à isoler l’effet de la classe du DPE sur les décisions d’achat des ménages. Cela prouve que les acheteurs sont sensibles à l’effet « étiquette ». C’est une information importante dans le cadre des réflexions sur la valeur verte des logements.

A.C. 

Pour ma part, j’ai été particulièrement marquée par les premiers résultats de notre troisième axe de recherche. Nous avons ainsi constaté que les rénovations résultant des politiques publiques actuelles d’encouragement aux travaux n’ont que peu d’impact sur les situations de précarité énergétique. Elles ne sont ni assez globales ni suffisamment ambitieuses pour permettre aux ménages de réaliser des économies substantielles. Il y a là, je crois, un levier de réflexion capital pour l’avenir.

En quoi ces enseignements peuvent-ils nourrir les réflexions des professionnels ?
A.C. 

Depuis le début du projet, nous rencontrons de nombreux professionnels de l’immobilier et de la rénovation qui expriment des attentes fortes. Ils nous font remonter que la rénovation énergétique a parfois mauvaise presse, en raison de son coût et de la durée des chantiers. Le fait de savoir qu’une « bonne classe » énergétique a une valeur intrinsèque peut être un levier à mobiliser pour faciliter les passages à l’acte.

S.M.

Ce sont en effet des données intéressantes pour les institutionnels qui communiquent auprès des ménages et ça permet une « accroche » sur les enjeux de la rénovation énergétique ­performante auprès des agences immobilières et des notaires. Ces travaux pourraient même intéresser les banques ; elles pourraient moduler leurs crédits en fonction des prévisions de rénovation des ménages, ce qui leur permettrait ensuite de « verdir » leurs portefeuilles de créances immobilières.