Quelles solutions les villes peuvent-elles mettre en oeuvre pour ne pas se transformer en fournaise à chaque nouvelle vague de chaleur ? Et comment s’assurer que ces démarches seront pérennes ?
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En ville, l’air est en moyenne 2 à 3 °C plus chaud que dans la campagne alentour, parfois jusqu’à 10 °C ! Ce phénomène d’îlot de chaleur urbain s’explique par la concentration des activités humaines, la présence de matériaux foncés absorbant la chaleur le jour et la restituant la nuit, etc. En été, cette surchauffe urbaine impacte le bien-être des habitants et certains secteurs économiques (bâtiments, tourisme, etc.). Elle pose un problème de santé publique. On se souvient en effet de la différence de surmortalité entre Paris (+190 %) et les zones rurales (+40 %) lors de la canicule de 2003. Or cette surchauffe est amenée à devenir la norme. Villes du sud ou du nord, de métropole ou d’outre-mer : toutes doivent s’y préparer. Plutôt que d’être prises de court et de réagir avec des solutions coûteuses, peu adaptées sur le long terme et pas toujours écologiques (brumisateurs, climatisation, etc.), les collectivités commencent à investir dans des solutions de rafraîchissement plus durables et pérennes.
Pas de « prêt-à-rafraîchir »
« Il n’y a pas de réponse unique. Chaque contexte est différent, tant au niveau du climat que de la configuration des lieux, rappelle Daniela Sanna, responsable du pôle aménagement des villes et des territoires (PAVT) de l’ADEME. Les solutions dites “vertes”, fondées sur la nature (création de parcs, etc.), sont à privilégier. Si elles sont bien conçues, elles contribuent autant à l’atténuation qu’à l’adaptation au changement climatique. » Ce sont les options avec le plus de cobénéfices. Les arbres, par exemple, s’ils ont un bon apport en eau et sont plantés à proximité les uns des autres, apportent ombre et fraîcheur par évapotranspiration, tout en contribuant au stockage du carbone, à la qualité de l’air et à la préservation de la biodiversité. Les sols perméables favorisent l’infiltration des eaux de pluie et l’évapotranspiration des végétaux. Mais « il ne suffit pas de changer de revêtement et de planter des arbres pour régler le problème, avertit Perrine Prigent, conseillère municipale déléguée à la valorisation du patrimoine, à l’amélioration des espaces publics et à la place de l’eau à Marseille. Il faut aussi penser à l’après : les essences choisies supporteront-elles le climat local, actuel et futur ? Ont-elles besoin de beaucoup d’eau ? Qui va entretenir les plantations ? Si ces questions ne sont pas anticipées, la végétation risque de dépérir assez vite. » « Une autre erreur serait de ne pas prendre soin des arbres existants », ajoute Élodie Briche, coordinatrice R&D Urbanisme durable à l’ADEME. La métropole d’Orléans l’a bien compris : elle a inscrit en 2021 la protection des cœurs d’îlots et autres espaces végétalisés dans son plan local d’urbanisme.
« Il est impératif de combiner plusieurs solutions, poursuit Élodie Briche. Les solutions vertes ne sont pas toujours judicieuses dans les villes où on s’attend à une raréfaction de l’eau dans le futur, ou dans les zones urbaines très contraintes : sous-sols occupés par des réseaux, centres historiques classés, etc. » Il est alors pertinent de les compléter par des solutions dites « grises », qui agissent sur les formes urbaines pour recréer une ventilation naturelle, sur le mobilier urbain pour créer de l’ombre, ou encore sur les revêtements et matériaux de sols, de murs et de toits pour augmenter leur albédo (la valeur physique qui permet de connaître la quantité de lumière solaire incidente réfléchie par une surface) et leur capacité d’isolation. Mais, là encore, il faut penser aux limites de ces solutions et au coût global du projet.
L’accompagnement de l’ADEME
Définir une trajectoire de rafraîchissement urbain efficace est complexe. C’est pourquoi l’ADEME met son expertise à la disposition des collectivités. Via ses appels à projets de recherche, comme PACT²e (Planifier et Aménager, face au Changement climatique, la Transition des Territoires), elle contribue à produire des connaissances sur les phénomènes physiques en jeu, l’efficacité et les limites des différentes solutions. Elle partage ce savoir via des ressources méthodologiques, des retours d’expérience, des outils d’aide à la décision comme ArboClimat ou le service numérique public « Plus fraîche ma ville », ou encore via son réseau d’experts en régions. Elle contribue à la montée en compétence des agents de collectivités via des formations comme le MOOC « Villes et territoires durables – Méthodes et outils pour passer à l’action », qu’elle propose avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur la plateforme FUN. L’ADEME noue par ailleurs des partenariats pour conjuguer les expertises (Cerema, Météo France…) et favoriser le passage à l’échelle opérationnelle (Association des maires de France…).
S’adapter ne signifie pas relâcher les efforts sur l’atténuation au changement climatique. Moins le thermomètre grimpera, moins le défi du rafraîchissement sera grand. La recherche de sobriété au sens large reste donc primordiale, avec une attention particulière sur les usages qui accentuent autant la surchauffe que locale. Les climatiseurs notamment, en plus d’être émetteurs de gaz à effet de serre, contribuent à réchauffer l’air extérieur et à intensifier la surchauffe urbaine notamment en été. Le seul moyen de casser ce cercle vicieux est d’améliorer durablement le confort thermique intérieur et extérieur des citoyens.
Quelques définitions
Surchauffe urbaine : Phénomène d’amplification des fortes chaleurs en ville. L’usage des bâtiments comme des espaces extérieurs devient inconfortable, de jour comme de nuit.
Îlot de chaleur urbain (ICU) : différence de température observée entre un site urbain et un site rural environnant.
Pic de chaleur : épisode bref, de 24 à 48 heures, durant lequel les températures sont supérieures aux normales de saison.
Vague de chaleur : épisode de températures nettement plus élevées que les normales de saison, pendant plusieurs jours consécutifs.
Canicule : épisode de températures élevées, de jour comme de nuit, sur plus de trois jours. Pour les identifier, Météo France a défini des seuils de température et de durée qui varient selon les départements.
Une nouvelle stratégie pour l’ADEME
Afin de mieux accompagner ses partenaires, notamment les collectivités, dans leur transition écologique, l’ADEME s’est dotée en février 2023 d’une nouvelle stratégie d’adaptation au changement climatique pour 2023-2027. Baptisée « Agir maintenant, collectivement ! », elle explicite les priorités pour s’adapter sur le long terme au changement climatique et donner à tous des clés pour agir.
Plus d’infos : Stratégie Adaptation Changement Climatique 2023-2027
Attention : sécheresse
Le plan « Eau » présenté par le gouvernement en mars le rappelle : le climat s’annonce plus chaud, mais aussi plus sec. Tout projet de rafraîchissement urbain doit intégrer ce paramètre : choix des arbres à planter par rapport à leur besoin en eau, recyclage des eaux de pluie, fonctionnement des fontaines…
48 % des Français mentionnent les canicules. (source : Obsoco, 2021)