Sensibilisation par l’image, développement de formations, promotion de parcours professionnels plus vertueux… Conscients des enjeux climatiques et sociaux, et de l’urgence de renforcer la transition écologique, de plus en plus de jeunes s’engagent. À leur échelle, ils font changer les perceptions sur leur territoire, dans leur milieu socioculturel, voire au sein de la société tout entière. C’est le cas de Léa Falco, Arthur Gosset et Féris Barkat qui incarnent, chacun à sa manière, l’énergie des transformations à l’oeuvre en France.
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Féris Barkat, 21 ans – Fondateur de Banlieues Climat
L’histoire de Féris, c’est d’abord celle d’un adolescent qui prend confiance grâce à sa prof d’histoire-géo qui croit en son potentiel.
Il travaille son éloquence, prend conscience qu’il peut s’exprimer, être écouté… et gravit toutes les marches jusqu’à entrer à la London School of Economics pour y faire ses études. Une fois là-bas, sa mère tombe malade pour des raisons environnementales. C’est alors que tout bascule pour Féris : face à l’urgence d’agir, il quitte Londres et se consacre à 100 % à son association Banlieues Climat, qui vise à faire émerger les voix des habitants des quartiers populaires sur les questions environnementales. « J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de gens inspirants et soutenants, comme Laurence Tubiana ou Abdelaali El Badaoui, fondateur de Banlieues Santé. » Aujourd’hui, Féris est mû par une conviction : la transition écologique est émancipatrice et tout le monde doit être embarqué. Aux côtés de Libération, il conçoit un cycle de conférences dans le cadre du Libé Tour, rebaptisé pour l’occasion Banlieues Climat Libé Tour. « Avec tout le travail qu’il y a à accomplir, nous sommes en sous-effectif chronique. » En effet, Banlieues Climat poursuit par ailleurs son développement en France, mais aussi au Maroc et en Allemagne. Formations, plaidoyers, partenariats… L’enjeu : sensibiliser, donner confiance et mobiliser toujours plus de jeunes.
Je n’ai pas de rêve, je veux juste être le plus libre possible et permettre à mes proches de l’être à mes côtés.
Arthur Gosset, 26 ans – Auteur et réalisateur du film Ruptures
Pour Arthur, c’est vers 2018 que la prise de conscience se joue. Même s’il est engagé depuis ses 12 ans pour la protection des baleines à bosse jusqu’à donner des conférences, le documentaire Cowspiracy, qui montre l’impact de l’agriculture animale sur l’environnement, le bouleverse.
« C’est la claque. Je commence alors à avoir une vision systémique, qui se renforce grâce à mes études d’ingénieur et aux échanges constants avec mes camarades. » 2018 est aussi marquée par le Manifeste pour un réveil écologique, qu’il signe lui aussi, suivi par les nombreuses marches pour le climat. C’est toute une génération qui refuse d’occuper des emplois ne contribuant pas à la transition écologique. Arthur en fait partie.
S’il devient réalisateur, c’est sans doute grâce à Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, un couple de documentaristes engagés depuis plus de 30 ans sur les questions sociales et de santé.
Après Ruptures, son premier documentaire sur les doutes écologiques des futures élites, sorti en 2021 avec un succès aussi franc qu’inattendu, Arthur en prépare un second en partenariat avec l’ADEME. « Il parlera du défi de redirection écologique des organisations, par le prisme de celles et ceux qui s’engagent de l’intérieur. » En parallèle, son association Séisme veut donner de la visibilité aux jeunes sur les manières de s’engager pour les transitions écologiques et sociales dans les différents métiers, car « l’emploi est un levier puissant pour militer ».
Si collectivement, on décide de refuser les emplois qui contribuent au creusement des inégalités et à la destruction du vivant, on redirige l’économie. C’est indéniable.
Léa Falco, 25 ans – Militante au sein du collectif Pour un réveil écologique et fondatrice de Construire l’écologie
C’est à Sciences Po que Léa se forge un groupe d’amis solide et des convictions. « On lisait, on partageait nos sources, nos questions… On ne savait ni quoi ni comment faire, alors on a testé des choses. »
Les moments marquants ? En 2018, elle rejoint le collectif Pour un réveil écologique, quelques semaines après l’écriture du manifeste du même nom signé par plus de 34 000 étudiants, et participe à la marche pour le climat. En 2022, dans un tout autre registre, elle rejoint Les Grandes Gueules sur RMC : « En plateau et au-delà, sur les réseaux sociaux, je me suis retrouvée confrontée à des réactions hostiles, voire violentes. Cela m’a forgée. » Léa se dit très entourée par des gens formidables qui nourrissent et soutiennent son engagement. Et parmi celles et ceux qui l’inspirent, elle cite volontiers Virginie Raisson-Victor, géopolitologue, ou Éric Duverger, fondateur de la Convention des entreprises pour le climat. « Rien n’est perdu, tout reste à écrire », dit-elle souvent. Ses projets sont nombreux : promotion de son essai, Faire écologie ensemble, media-training d’associations, intégration de conseils d’administration… Et au milieu de tout ça, une thèse sur la formation des agents publics à la transition écologique qu’elle réalise à l’École nationale des ponts et chaussées avec, en toile de fond, cette question clé : comment intégrer enfin l’enjeu écologique aux pratiques professionnelles ? Parallèlement, elle crée avec Pierre Charbonnier (philosophe) Construire l’écologie, un espace pour faire dialoguer les acteurs de la transition. « Nous travaillons également sur des démonstrateurs de concertation, la première concernant la stimulation de l’emploi industriel pour les infrastructures écologiques (pompes à chaleurs, éoliennes, etc.). » Car pour Léa, la transition se fera par et grâce à la concertation entre les corps intermédiaires et les acteurs locaux.
Nous ne sommes pas des Khmers verts. Car contribuer à faire changer la société, c’est avoir une action politique, mais ce n’est pas être partisan.