Décryptage

« Il est temps de valoriser la chaleur qui se trouve sous nos pieds ! »

Formation professionnelle, simplification des démarches, financement des projets ou couverture des risques : le plan d’action géothermie s’attaque à tous les obstacles au développement de cette énergie renouvelable, décarbonée et disponible partout sur le territoire.
Le point avec Norbert Bommensatt, ingénieur géothermie et réseaux Service Chaleur Renouvelable


Pourquoi un plan d’action gouvernemental pour la géothermie ?
Norbert Bommensatt

Avec la crise ukrainienne, l’urgence « politique » de sortir de notre dépendance aux hydrocarbures est venue s’ajouter à l’urgence climatique. La géothermie répond à l’une et à l’autre puisqu’il s’agit d’exploiter la chaleur renouvelable qui se trouve partout sous nos pieds. Elle a l’avantage de s’adapter à tous les terrains ou presque grâce à une grande diversité de technologies éprouvées, des sondes de surface aux forages profonds de plusieurs kilomètres. Elle a aussi celui d’autoriser de multiples usages. La géothermie peut ainsi, en complément de la production de chaleur, assurer le rafraîchissement des bâtiments ou encore la production de lithium, présent dans certains forages. En produisant de l’électricité, elle peut aussi contribuer à l’autonomie énergétique des outremers. Enfin, la France dispose de compétences reconnues qui lui valent une place parmi les leaders mondiaux, notamment en matière de géothermie profonde associée aux réseaux de chaleur. Pourtant, la géothermie ne couvre aujourd’hui que 1 % de nos besoins nationaux en chaleur, contre 75 % pour le fioul ou le gaz. Il faut dire que ce dernier a été très longtemps « trop » bon marché… L’ADEME accompagne depuis de nombreuses années les projets de géothermie à travers le Fonds chaleur. Depuis 2009, ce sont ainsi près de 1000 projets de géothermie qui ont été soutenus pour plus de 280 M€ d’aides. Le nouveau plan d’action gouvernemental a pour ambition d’accélérer son développement en ciblant les principaux freins qui subsistent.

 

Pouvez-vous donner quelques exemples des actions qu’il contient ?
N. B.

Le principal maillon faible de la géothermie de surface, c’est la pénurie de foreurs qualifiés en France : moins de 80 entreprises ! Une des actions prévoit la création de nouvelles formations, auxquelles participeront plusieurs organismes. Toujours pour la géothermie de surface, l’AFPG, Association française des professionnels de la géothermie, pilotera un deuxième chantier impliquant les banques pour imaginer de nouveaux modèles d’affaires évitant aux particuliers l’investissement initial, assez élevé, au profit d’un contrat d’achat de chaleur à prix fixe sur sa durée d’amortissement. En ce qui concerne la géothermie profonde, l’ADEME pilotera directement la mise en œuvre du fonds de garantie qui indemnise les porteurs de projets en cas de déconvenue au stade de la prospection, récemment réaménagé. Porté nationalement à 90 % des coûts, il devrait permettre d’investir des zones géographiques moins connues, et donc plus risquées, que les bassins parisien et aquitain exploités jusqu’à présent. L’ADEME prépare aussi, avec le BRGM, service géologique national, un nouveau programme d’acquisition de données géophysiques. Enfin, le processus d’instruction des dossiers d’aide du Fonds chaleur va être simplifié avec la mise en place d’un barème forfaitaire plus lisible…

 

Comment être assuré de leur concrétisation ?
N. B.

L’ADEME travaille depuis plusieurs années avec tous les acteurs de la filière et le ministère. Ensemble, nous avons organisé un séminaire sur la géothermie de surface en 2019, réaménagé le fonds de garantie pour les opérations de géothermie profonde en 2020 et, surtout, identifié, pour toutes les géothermies (géothermie de surface, géothermie profonde, géothermie dans les outremers et géothermie à l’export), les actions les plus attendues, les plus efficaces. Ce sont celles qu’on retrouve dans ce plan, priorisées et confiées à un ou deux pilotes choisis parmi leurs contributeurs. Ajoutée au rôle de coordination, d’animation et de suivi confié à l’ADEME, leur implication « au long cours » constitue selon moi le principal gage de sa réussite.

6.7 TWH de chaleur géothermique

en 2022 avec l’objectif de doubler cette contribution d’ici à 2030.

Près de 1 million de personnes

sont chauffées par la géothermie profonde en Île-de-France, soit 7 % des besoins en chaleur de la région.

En 2025 la géothermie assurera

environ 13 % de la production d’électricité en Guadeloupe.