Portrait

« Il n’y a pas d’alternative au changement des modèles d’affaires »

Pour Fabrice Bonnifet, président du Collège des directeurs du développement durable (C3D), les limites planétaires exigent de faire évoluer les modèles des entreprises vers une économie circulaire, basée sur le réemploi et la production de biens essentiels. 


Fabrice Bonnifet a le goût de l’effort et l’habitude des courses de fond. À 59 ans, il a déjà bouclé 37 marathons, décrochant même la 36e place à la mythique épreuve
new-yorkaise en 1990. C’est à un autre défi qu’il s’attaque désormais : faire comprendre la puissance de la sobriété dans la lutte contre le réchauffement climatique. Son terrain de jeu : l’entreprise. Depuis 2017, il préside le Collège des directeurs du développement durable (C3D), une organisation qui rassemble plus de 270 professionnels. « Plus la planète se dégrade, plus les démarches de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) prennent de l’importance. Mais malgré nos alertes, nous peinons à faire passer nos messages », regrette Fabrice Bonnifet. Ces derniers sont pourtant d’importance : « Le système économique et financier pousse les entreprises à adopter des démarches insoutenables au regard de la capacité de résilience des écosystèmes planétaires. »

Un autre modèle est possible

Quand certains quittent le monde des affaires pour s’engager différemment, Fabrice Bonnifet a décidé de rester à bord et d’utiliser au mieux ses connaissances pour tenter de changer les choses de l’intérieur. Depuis 2007, il est directeur du développement durable du groupe Bouygues, qui regroupe des activités dans la construction, l’énergie, les médias et les télécoms : « En 16 ans, j’ai vu la RSE devenir progressivement un enjeu stratégique en interne. Nous sommes passés des écogestes aux bâtiments hybrides à économie positive. » Persévérant mais lucide, il sait que ce n’est pas suffisant. « En réalité, la transition n’a toujours pas débuté », tance-t-il. Cet ingénieur du Conservatoire des arts et métiers, qui a grandi en Essonne, appelle au durcissement de la législation pour réguler les secteurs non essentiels. Surtout, dans son livre L’entreprise contributive : concilier monde des affaires et limites planétaires, coécrit avec Céline Puff Ardichvili en 2022, il milite pour une autre façon de créer de la valeur économique sans nuire à l’écologie : « Extraire, fabriquer, jeter n’est pas durable dans un monde fini. Nous devons passer à une économie de l’usage qui favorise la mutualisation, le partage, le réemploi, la réparabilité, les services. Et dans laquelle les solutions commerciales répondent uniquement aux besoins essentiels ».
Même si les initiatives se multiplient, le nombre d’entreprises contributives en France est faible. Pas de quoi décourager Fabrice Bonnifet. « Agir est la meilleure façon de ne pas trop s’angoisser », dit-il avec sérénité. Il prêche la bonne parole dans des conférences et sur les réseaux sociaux. Il enseigne dans plusieurs écoles et universités, participe aux travaux du think tank The Shift Projet. Surtout, il court toujours trois ou quatre fois par semaine. Le goût de l’effort, encore.