Dossier

Comment repenser nos villes

L’objectif de « zéro artificialisation nette » réaffirmé par la France dans le cadre du projet de loi Climat et résilience transpose dans l’aménagement du territoire les enjeux de la transition écologique, la nécessaire protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et dessine en creux le profil des villes de demain. Entretien entre Anne Lefranc, coordinatrice au pôle Aménagement des villes et des territoires de l’ADEME et Thomas Cormier, urbaniste à l’Institut Paris Région, à la Mission planification.


La lutte contre l’artificialisation va-t-elle changer le visage de nos villes et nos territoires ?
Thomas Cormier

L’objectif de limitation de la consommation d’espace irrigue depuis plus d’une vingtaine d’années les principales lois liées à l’urbanisme et l’aménagement. Or l’artificialisation des sols et la fragmentation des espaces affectent encore significativement nos territoires. C’est véritablement notre capacité à promouvoir des modèles urbains sobres qui est en jeu, et donc des villes soutenables tant pour l’environnement que désirables pour les habitants.

Anne Lefranc

La lutte contre l’étalement urbain est un sujet majeur et, pour y parvenir, l’ADEME porte l’ambition de « faire la ville dense, durable et désirable ». Les périodes de confinement ont montré que nos relations au transport, au travail, au domicile ont fortement évolué. Elles ont mis en évidence notamment la nécessité d’un accès à la nature accru. Si nous ne pouvons pas tous avoir une maison individuelle isolée avec jardin, nous pouvons pour autant habiter un espace urbain dense et de qualité et y trouver pleins d’avantages (proximité de services, moins de temps dans les transports), mais nous avons aussi besoin de ces espaces de « respiration » avec un accès à la nature proche.

Comment parvenir à cet objectif de zéro artificialisation nette ?
T.C.

La notion d’équivalence entre les dynamiques d’artificialisation et de renaturation, induite par le terme « nette », fait porter l’attention sur des mesures de compensation. Or il s’agit avant tout de poursuivre les mesures d’évitement de l’artificialisation, en intensifiant la protection des espaces ouverts naturels, agricoles et forestiers, mais également des sols urbains présentant un intérêt écologique et utiles à la qualité de vie. Si les collectivités peuvent s’appuyer sur de nombreux outils réglementaires, il est également nécessaire de diffuser et systématiser les pratiques liées au réemploi et au recyclage urbain.

A.L.

C’est la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser » qui permettra d’atteindre le ZAN, en priorisant les versants « éviter » et « réduire ». Il n’est pas question d’arrêter de construire, mais nous devons changer nos manières d’aménager notre territoire afin d’intégrer plus de sobriété et limiter nos impacts environnementaux. Sur le levier réglementaire, cet objectif doit s’inscrire à toutes les échelles, et c’est bien ce que vise la prochaine loi Climat et résilience, avec une vraie avancée sur l’échelon régional et l’intégration du ZAN dans le SRADDET, le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, sans oublier la nécessaire articulation avec les échelles locales (SCoT et PLUi).