L’architecture bioclimatique permet de traiter le confort d’été grâce à l’action conjointe de différentes solutions à l’échelle du bâtiment (ventilation naturelle, emploi de matériaux locaux et biosourcés, utilisation des énergies renouvelables, orientation du bâtiment) et des espaces urbains proches (prise en compte de l’îlot de chaleur urbain, création d’un microclimat aux abords du bâtiment par la végétalisation). Souvent inspirée des procédés climatiques de l’architecture vernaculaire, elle permet de tirer parti des conditions climatiques locales pour améliorer le confort thermique.
Partager
Favoriser la ventilation naturelle
Dans un contexte de réchauffement climatique et de recherche de solutions sobres en énergie, la ventilation naturelle est précieuse. Les principes d’architecture bioclimatique permettent de conjuguer les potentiels rafraîchissants de différents types de solution de ventilation et s’inspirent souvent de traditions anciennes adaptées aux climats locaux. L’architecture bioclimatique utilise des solutions s’appuyant sur la morphologie pour favoriser la ventilation naturelle des espaces intérieurs et extérieurs et évacuer les masses d’air chaud, ainsi que pour créer de l’ombrage (les coursives extérieures, par exemple, permettent cette double action de ventilation et d’ombrage).
Le projet du bâtiment démonstrateur de la nouvelle aérogare ouest de l’aéroport Roland-Garros de La Réunion en est un exemple. Le bâtiment a en effet été conçu à l’aide de simulations aérauliques pour que la ventilation naturelle permette de s’affranchir de la climatisation. Les apports solaires sont réduits tout en favorisant l’éclairage naturel, et les extérieurs du site ont été végétalisés afin d’améliorer le confort thermique. Autre exemple, l’amphithéâtre du Moufia à Saint-Denis de La Réunion fonctionne lui aussi entièrement en ventilation naturelle.
Le projet RECOVENAT (APR « Vers des bâtiments responsables » 2020) a quant à lui pour but de produire de nouvelles connaissances dans l’aéraulique intérieure des bâtiments afin de proposer une conception des espaces favorisant la ventilation naturelle pour le confort d’été des occupants de logements. Ce projet vise notamment à étudier les organisations internes, telles que l’apport des espaces ouverts type cuisine « américaine », des séparations entre deux pièces modulables, mobiles ou pivotantes, des cloisonnements partiels ou encore à porosité réglable, des volumes « type boîte » à hauteur limitée pour laisser des passages d’air. Les résultats du projet seront aussi applicables aux logements neufs.
L’architecture vernaculaire et l’utilisation des matériaux locaux
Avec 45 % de l’énergie finale consommée et 25 % des émissions de gaz à effet de serre, le bâtiment est le plus gros gisement de la transition énergétique et environnementale. Dans ce contexte, conjuguer l’utilisation de matériaux de construction biosourcés performants et la réduction de nuisances environnementales est un double enjeu particulièrement stimulant.
Des études récentes (2025) ont ainsi été conduites par l’ADEME en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane sur le développement des filières terre et bambou. À Mayotte, c’est une autre étude qui a permis d’explorer en juin 2021 les différentes possibilités de valorisation des ressources mahoraises comme le bambou dans l’architecture. Cela permet par ailleurs à Mayotte de trouver une réponse à la prolifération des bambous, autrefois traditionnellement utilisés dans l’architecture vernaculaire, mais peu à peu abandonnés au profit du ciment et du béton.
Autre exemple, la valorisation des sargasses échouées en Guadeloupe. L’ouvrage collectif Architectures low-tech : résilience et sobriété de l’ADEME présente le projet de recherche Terre d’Algues qui permet de valoriser les sargasses. Avec un gisement de sargasses échouées estimé à environ 250 000 tonnes chaque année sur les plages des Antilles françaises et à 40 000 tonnes sur les plages normandes, l’enjeu de trouver des voies de valorisation est essentiel. Or, la Martinique, la Guadeloupe et la Normandie sont des terres riches en argile, matériau très utilisé dans la construction, en particulier sous forme de briques crues ou cuites selon diverses techniques traditionnelles ou modernes. Les auteurs ont étudié l’incorporation des sargasses dans des argiles afin de fabriquer un nouveau matériau de construction. La solution développée permettrait ainsi d’incorporer un grand volume de sargasses à la terre dans un ratio de 335 kilos d’algues séchées par tonne de matériau. Le potentiel de production annuelle dans les Antilles françaises serait donc de 165 millions de briques par an.
Le SWAC : Sea Water Air Conditioning
De nombreux systèmes ayant recours à l’eau froide pour le refroidissement des groupes de froid existent en France et dans le monde, comme le réseau Climespace à Paris, qui utilise l’eau de la Seine. En revanche, les réseaux utilisant l’eau pompée en direct (sans abaisser sa température) pour la climatisation des bâtiments sont peu nombreux. Trois systèmes utilisant l’eau de mer profonde comme source de froid existent en Polynésie : l’un à Bora-Bora, mis en service en 2006 (hôtel InterContinental), l’autre à Tetiaroa, mis en service en 2014 (The Brando). Le SWAC du Centre hospitalier de la Polynésie française à Tahiti, dernier système mis en service, a été inauguré en juillet 2022. Ce SWAC, le plus long et le plus puissant du monde (6 MW froid), permet d’économiser jusqu’à 11 GWh d’électricité chaque année, soit 2 % du besoin en électricité de toute l’île de Tahiti.
Le SWAC fonctionne sur un principe de captation de l’eau à grande profondeur (entre -700 et -950 m), avant de l’acheminer jusqu’à un échangeur. Celui-ci refroidit un réseau secondaire d’eau douce qui va climatiser les bâtiments en lieu et place des groupes froids préexistants. L’eau de mer, une fois réchauffée, est rejetée dans le lagon, sans impact pour le milieu ambiant. Le projet SWACool (lauréat de l’APR « Vers des bâtiments responsables » 2016) montre qu’il est a priori très pertinent d’envisager la fourniture de froid par un réseau centralisé (et vertueux) lorsque l’occasion se présente. Le projet a étudié 4 bâtiments tertiaires à La Réunion : la faculté de lettres de Saint-Denis, la CAF de Saint-Paul, le pôle Femme Mère Enfant (PFME) et le data center de SFR sur la ville du Port. Trois bâtiments en France continentale (Marseille) ont également été étudiés : le bâtiment Calypso, l’hôtel Golden Tulip – connectés au réseau Thassalia de thalassothermie – et le bâtiment Mirabeau 2 qui possède son propre réseau de froid. À noter enfin qu’un autre projet de SWAC est actuellement à l’étude à La Réunion – celui du CHU de Saint-Pierre.
La thèse de Kanhan Sanjivy, Évaluation du potentiel de la climatisation par eau de mer profonde pour la réduction de la consommation d’électricité à l’échelle des territoires, soutenue en 2024, a permis de préfigurer le projet OPTISWAC lauréat de l’APR « Énergie durable » 2022. Il s’agit d’optimiser la technologie de climatisation par SWAC d’un point de vue technico-économique (optimisation profondeur de pompage, adaptation du régime de température des réseaux de rafraîchissement, intégration ou non de stockage de froid…) pour la rendre encore plus pertinente pour les zones côtières, eu égard aux coûts d’investissement importants.