Les sols peuvent être dégradés par les activités humaines. Réhabiliter les friches constitue des opportunités à la fois pour réduire l’artificialisation des sols et pour recréer des espaces de nature porteurs de bénéfices directs et indirects pour les habitants des villes.
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Dans un contexte de tensions sur l’usage des sols, les villes doivent aussi s’adapter aux conséquences du changement climatique et répondre à certains objectifs de préservation et de restauration de la biodiversité (loi Climat – Plan Biodiversité). La renaturation des zones à l’abandon ou de zones à enjeux écologiques constitue une opportunité de rendre les territoires plus résilients et de promouvoir un ensemble de bénéfices environnementaux, sociaux et économiques1. Ces opérations de renaturation (parc urbain, jardin partagé, trame verte, réservoir biodiversité) constituent une réelle opportunité pour recréer un espace de nature en milieu urbain et périurbain, porteur de bénéfices directs et indirects. Ces opérations menées dans le cadre d’un renouvellement urbain peuvent dynamiser la reconversion des friches vers des usages environnementaux (espace vert, parc urbain, continuité écologique) lorsque celles-ci présentent un potentiel et des fonctionnalités permettant une intégration paysagère favorisant la biodiversité et la lutte contre le changement climatique.
Faire face à la raréfaction de la « ressource sol »
La réhabilitation écologique des friches nécessite le plus souvent de grandes quantités de terre végétale rarement disponible. Pour faire face à cette raréfaction de la ressource sol, de nombreux acteurs de l’aménagement doivent faire appel à des techniques basées sur le génie écologique ou le génie pédologique. Elles consistent à reconstituer ou réhabiliter des sols fertiles à l’aide de matériaux qui, pour la plupart, sont issus de déchets urbains (compost, terres excavées, sédiments, boues papetières, déblais de dragage, etc.). De nombreux projets de recherche cofinancés par l’ADEME (ex. : Biotechnosol, SITERRE I, BIOTUBES, BIOSAINE et DESSERT) ont permis d’améliorer les connaissances sur les différentes étapes de la construction des sols ces dernières années. Cependant, le suivi des dispositifs mis en oeuvre (essais pilotes, parcelles expérimentales) n’a pas pu être poursuivi sur le long terme, et un manque d’information existe actuellement concernant la pérennité et le maintien des performances des techniques utilisées. Ces nouvelles techniques de construction ou de reconstruction de sol nécessitent encore de faire leurs preuves afin de garantir la pérennité des processus écologiques à l’origine de l’amélioration de la santé des sols réhabilités. C’est d’ailleurs l’un des objectifs des projets de recherche en cours SITERRE II piloté par Plante & Cité, DIVA piloté par SUEZ, et RESPONSE piloté par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) qui sont également cofinancés par l’ADEME.
C’est à travers la mise en place de démonstrateurs regroupant les différents acteurs de l’aménagement (propriétaires, gestionnaires, aménageurs, collectivités) que peuvent se développer ces innovations techniques et organisationnelles. À une échelle territoriale, les projets de recherche-action FRICHECO et APPLLEX retenus par l’ADEME dans le cadre des APR GESIPOL et GRAINE permettent de répondre plus précisément aux besoins des acteurs de l’aménagement. Ceux-ci sont établis en fonction du contexte local et ont permis de traduire les besoins des territoires en questions de recherche. Dans le cadre de ces projets, des guides, recommandations ou solutions techniques pourront être proposés afin de mieux guider les acteurs du territoire dans la réorientation de leur modèle d’aménagement (identification des zones à enjeux, caractérisation des sols, conception d’un projet de (re)construction de sol, organisation des filières de recyclage de matériaux).
Les démarches d’aide à la décision pour la planification territoriale
Ces projets en renouvellement urbain nécessitent de bien connaître l’état des sols dès le stade de la planification en y intégrant des informations sur leur mode d’occupation et des informations sur les propriétés chimiques, physiques et biologiques issues des bases de données nationales (comme DoneSol ou BDSolU). Pour une meilleure connaissance des sols, notamment en milieu urbain, il est souvent nécessaire de compléter ces informations par des sondages pédologiques, des observations de terrain et des analyses agropédologiques.
Plusieurs démarches d’aide à la décision, financées par l’ADEME à travers les APR GESIPOl, GRAINE ou MODEVAL-URBA et développées par un consortium d’acteurs experts en pédologie, agronomie, écologie et urbanisme, répondent à des contextes différents rencontrés au cours de l’élaboration d’une stratégie foncière. La méthodologie MUSE2 permet de cartographier au 1/250 000ᵉ le potentiel de multifonctionnalité des sols à une échelle supra ou (inter)communale (SCoT et PLUi). Elle propose des indicateurs pour plusieurs fonctions des sols avec des approches différentes en milieu rural et en milieu urbain (potentiel agronomique, potentiel infiltration eau, stock potentiel de carbone, indice de biodiversité des sols).
À une maille plus fine du territoire, d’autres démarches (DESTISOL, SUPRA) permettent une évaluation des potentialités des sols urbains à l’échelle de 1/10 000ᵉ ou à celle de la parcelle. Elles reposent sur une démarche identique : à partir de l’analyse des propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols (ex. : pH, texture, teneur en azote, compacité, biodiversité), des indicateurs de fonction des sols sont définis puis notés selon des référentiels nationaux ou locaux. Ceux-ci peuvent renseigner non seulement le potentiel des sols d’une friche, mais également l’évolution de leur santé au cours d’une opération de réhabilitation écologique (ex. : le sol peut-il favoriser la recolonisation par des nouvelles espèces végétales et lesquelles ? Permet-il de réguler les flux et la qualité des eaux ? Permet-il d’éviter l’érosion ou l’implantation des espèces invasives ? Peut-il contribuer au stockage du carbone ?). Leur mise en oeuvre permettra de mieux orienter les acteurs de l’aménagement pour la prise en compte des sols dans les documents d’urbanisme et pour guider les opérations de réhabilitation écologique.
Finalement, ces opérations de renaturation des sols requièrent des approches systémiques intégrant les volets économique, environnemental, organisationnel, social, institutionnel et juridique. Les acteurs de l’aménagement devront progressivement s’approprier les démarches d’aide à la décision et mieux connaître les techniques de réhabilitation disponibles. Des démonstrateurs sont déjà mis en place dans certains territoires afin de favoriser l’économie circulaire permettant une gestion économe des ressources (terres végétales, matériaux urbains) comme le Lorraine Fab Living Lab, espace d’accélération de l’innovation déjà mobilisé avec succès sur des projets de territoire ou de création de filière locale (projets locaux, régionaux, nationaux, européens). Un ancrage territorial fort avec des étapes de coconstruction, intégrant les sciences participatives, favorisera l’innovation et les changements de pratiques et une meilleure sensibilisation des élus à l’intégration de la santé des sols dans les stratégies territoriales.
Projet de sciences participatives « Tous en Sol » (appel à communs)
Le projet « Tous en Sol » a deux principaux objectifs pour promouvoir la sensibilisation et l’action en faveur de la protection des sols urbains.
Premièrement, il cherche à rendre accessible l’étude de la qualité des sols urbains grâce à des actions de sciences participatives, en apportant des moyens techniques et financiers pour leur analyse chimique, agronomique et pédologique, et en rendant les résultats compréhensibles par les citoyens afin d’encourager les actions en faveur de la préservation des sols. Deuxièmement, il cherche à améliorer la connaissance des sols urbains grâce à l’accès aux jardins privés, par et pour les citoyens, tout en partageant les données via leur intégration dans des bases de données nationales (DoneSol et BDSolU).
Les objectifs du projet comprennent la constitution d’un réseau de citoyens-référents, la coconstruction de questions de recherche, l’élaboration et la mise en oeuvre de stages de formation. Ces actions visent à impliquer les citoyens dans la prise en compte de l’importance de la qualité des sols urbains et à démystifier le processus de recherche scientifique tout en permettant le partage des données. En outre, le projet cherche à tester différentes modalités de stages pour évaluer leur efficacité et leur adaptabilité.
- Lorsque les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques constituent les bénéfices que l’Homme retire directement ou indirectement du fonctionnement des écosystèmes, on parle de « services écosystémiques ». Ceux-ci reposent sur l’ensemble des processus écologiques qui assurent le fonctionnement de ces écosystèmes
- Pour les milieux naturels, agricoles et forestiers, l’approche MUSE utilise des données des référentiels pédologiques nationaux (RRP) et DoneSol pour évaluer les fonctions du potentiel agronomique et d’infiltration de l’eau, le référentiel ALDO pour le stockage de carbone et le référentiel de l’OPVT pour évaluer le réservoir de biodiversité des sols