À chaque industrie son plan de transition sectoriel

Et demain, pour anticiper un plan d’investissement qui prendrait la suite de France 2030, l’ADEME travaille sur des plans de transition sectoriels (PTS) pour les neuf filières industrielles les plus consommatrices d’énergie. En étroite collaboration avec leurs acteurs clés, elle y envisage différents scénarios pour concrétiser l’objectif de décarbonation que leur a fixé l’État. Exemple avec le verre.


17 %
des émissions de gaz à effet de serre en France sont liées à l’industrie

9 SECTEURS
CONCENTRENT ENVIRON LES 2/3 DES ÉMISSIONS

Répartition des émissions par secteur :

  • 27 % – Production d’acier

  • 13 % – Production de ciment

  • 10 % – Chimie (et pétrochimie)

  • 3 % – Ammoniac et engrais

  • 3 % – Papier-carton

  • 3 % – Verre

  • 2 % – Aluminium

  • 2 % – Sucre

  • 1 % – Chlore et PVC

Autres secteurs (sans pourcentage précisé)

Des PTS, pour quoi faire ?

La Stratégie nationale bas carbone impose à l’industrie de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 81 % entre 2015 et 2050. Réalisés dans le cadre du projet européen Finance ClimAct, les plans de transition sectoriels (PTS) ont consisté à élaborer avec les neuf secteurs les plus consommateurs d’énergie en France des scénarios susceptibles de mener à cet objectif. Il y en a plusieurs par secteur. Ils sont volontairement contrastés, pour montrer où peuvent conduire les différents choix technologiques envisageables. Ils tiennent aussi compte de plusieurs évolutions possibles des marchés, en termes de demande et de concurrence, à l’horizon 2050. En donnant une vision à moyen et long termes, les PTS sont des outils d’aide à la décision pour les industriels et les pouvoirs publics.

Comment les PTS ont-ils été élaborés ?

Pour chaque secteur, le travail a commencé par un état des lieux partagé. « Nous avons modélisé des usines type représentatives des process et énergies utilisés, des émissions de GES et des coûts de production. Nous avons aussi recensé les différents leviers technologiques de décarbonation, leurs coûts et leur degré de maturité, explique Adeline Pillet, coordinatrice du pôle Industrie, Innovation et Prospective à l’ADEME. Puis nous avons projeté ces secteurs industriels dans un monde en transition : évolutions des marchés, liées notamment à de nouvelles habitudes de consommation ou réglementations, évolution du commerce international, etc. Plusieurs scénarios ont été explorés. »

Dans le secteur verrier, ça donne quoi ?

Le PTS du verre, publié en novembre 2024, a retenu deux scénarios. Le premier  basé sur « le réemploi, l’écoconception et la relocalisation », le second sur « une électrification massive ». Dans les deux cas, l’objectif est d’atteindre la baisse des émissions fixée par l’État, ce qui signifie, entre autres choses, de sortir le secteur de sa dépendance au gaz naturel. Pour les industriels, abandonner cette énergie fossile est même une question de maîtrise des coûts, dans un contexte de hausse des prix de plus en plus incontrôlée.

La décarbonation du secteur verrier est urgente : nombre de ses activités (contenants en verre, vitrage, laines de verre, etc.) sont boostées par la transition écologique, donc incitées à augmenter leurs capacités de production.

Comment les industriels s’en servent- ils ?

La plupart des industriels du verre n’ont pas attendu le PTS pour agir. Ce travail est néanmoins une aide précieuse à la décision, pour prioriser les actions de toutes les parties prenantes, dont les pouvoirs publics. Aussi, c’est un outil de dialogue sur lequel les entreprises peuvent s’appuyer dans leurs échanges avec les investisseurs. Le document apporte des décryptages technico-économiques et financiers dont ces derniers ont besoin pour orienter les financements vers les projets de décarbonation les plus pertinents.

Le PTS engage par ailleurs tout le secteur autour de chantiers communs. Il incite ainsi à accélérer la mise en place de filières de collecte et traitement pour les verres qui actuellement ne sont pas bien valorisés. En effet, si le recyclage des bouteilles et pots en verre existe depuis longtemps, les fenêtres, pare-brises et verres colorés attendent encore la structuration de leurs filières. Quant à la laine de verre, son recyclage est rare.

Deux scénarios, pour deux grands leviers de décarbonation

La production de verre nécessite de faire fondre la matière entre 1 300 et 1 500 °C. Mais les process ne sont pas les mêmes pour produire du verre plat (fenêtres, pare-brise, etc.), du verre creux (bouteilles, pots, etc.) ou de la laine de verre (pour l’isolation thermique des bâtiments). Les trajectoires proposées doivent donc s’adapter à chacun de ces segments. Elles reposent néanmoins sur les mêmes grands leviers d’action.

Le premier consiste à abandonner les énergies fossiles. S’ils ne l’ont pas déjà fait, les industriels sont incités à investir dans des fours électriques. L’usine Verallia de Cognac vient d’inaugurer le sien : elle est désormais capable de produire 300 000 bouteilles en verre par jour en émettant 60 % moins de CO₂ qu’avec du gaz naturel.

Autre levier d’action commun : l’utilisation accrue de calcin, c’est-à-dire de verre recyclé. Cela contribuerait à réduire les besoins en énergie. En effet, ce déchet, en plus d’être local et d’éviter les impacts environnementaux liés à l’extraction de matière vierge, a une température de fusion moins élevée. Le calcin réduit aussi le besoin d’ajouter des carbonates au mélange : c’est une bonne nouvelle, car cet ingrédient est à l’origine de 25 % des GES du secteur.

Nous avons depuis longtemps engagé notre transition écologique. Nos fours sont tous 100 % électriques, parfois depuis 30 ans. Nous avons récemment levé les freins techniques au recyclage de la laine de verre. Et nous modernisons nos usines pour qu’elles puissent incorporer jusqu’à 80 %, voire 100 %, de calcin. Malgré tout, le PTS est important pour nous. Il montre à nos investisseurs que nous sommes raccord avec le reste du secteur. Et, en rappelant nos besoins résiduels en gaz, il nous aide à négocier avec les pouvoirs publics le développement d’utilisation d’énergies alternatives dans nos productions.

Lucile Charbonnier, Directrice Développement durable et RSE chez Isover

Et pour les autres secteurs ?

À partir des neuf premiers PTS réalisés, l’ADEME a publié un guide qui détaille sa méthode, étape par étape. L’objectif étant que les autres filières industrielles se l’approprient, et réalisent leurs propres plans.